Le passé de migrant de sa propre famille a-t-il amené Éric Vandecandelaere à rechercher, puis à écrire l'histoire de la commune où il vit ? Il élude, mais rappelle que ses quatre grands-parents ont fui la Belgique en 1916, en pleine Grande guerre. Son grand-père paternel avait alors 16 ans, et deviendra, dix ans plus tard, agriculteur à Offranville (Seine maritime), où naîtra le futur pharmacien de Pavilly (Seine maritime).
« Nous sommes plus normands que les Normands, dit-il, attachés à la terre, au patrimoine. » Il a toujours aimé l'histoire : il effectue son service national à la bibliothèque de l'hôpital militaire du Val de Grâce, à Paris, « au contact des livres ». Il profite de ce temps pour préparer une thèse d'histoire en pharmacie, sur les poisons, patronnée par les Prs Lafont et Faugeras, de la faculté de Rouen, et par son patron du moment, le médecin général Lefebvre, directeur de l'école du Val de Grâce et historien. Il viendra en grand uniforme à la faculté de Rouen pour la soutenance.
À Pavilly, Éric Vandecandelaere a pour voisin et confrère Bernard Guesdon, 47 ans d'officine, 35 ans maire, et historien amateur. Il commence ses recherches par l'histoire de son officine, à la même place depuis 1832, puis celle de l'autre pharmacie, qui a depuis déménagé.
Pavilly, comme sa voisine Barentin, appartiennent à la grande couronne de Rouen. Ce sont des communes très typées, dépendantes de l'économie du textile jusqu'à la fin du siècle dernier. De grandes usines y sont construites en briques, comme les cités ouvrières qui les entourent. Des villes de caractère.
Souscription
Éric Vandecandelaere retrace l'histoire de ses confrères, dont le plus ancien serait un Louis Dupin (1753 à 1826), appelé droguiste, apothicaire, maître apothicaire, avant de devenir greffier de justice de paix.
De fil en aiguille, il s'intéresse à son boulanger, et à l'histoire de sa boulangerie, puis à celle des autres boulangeries, des autres commerces, des cafés (un pour 70 habitants !), des gens de la ville, des familles. « Pavilly était chef-lieu de canton, indique-t-il, bourg de foire, et avait une halle aux grains. Dès le XIXe siècle, on y trouvait un médecin, un vétérinaire, le percepteur, les indirects. La ville était rurale, mais mixte. » De toutes ses trouvailles, il rédige des notices, « des petits articles ».
La suite s'imposait : arrive le jour où il assemble ce travail et réalise un premier livre, « Les Pavillais, aux XIXe et XXe siècles ». Il y retrace des généalogies, l'histoire des rues, près de 300 pages sur l'histoire de sa ville. Pavilly compte 6 500 habitants, il vend 1 200 livres, par souscription. « Il faut toujours vendre par souscription. Sinon, les gens se les prêtent, et on ne vend pas ! »
Un travail d'historien
Les réactions des lecteurs l'entraînent pour un second tome, deux ans après. Il y présente des lieux de Pavilly, à cent ans de distance, carte ancienne face à photo actuelle. Il montre aussi les anciens commerçants, à leur époque. « J'ai dû demander des photos aux familles. » Il évoque aussi des Pavillais illustres, célébrités, hommes politiques, artistes.
« D'anciens Pavillais éloignés m'ont écrit que je faisais revivre leur jeunesse. » Dans le petit bureau de sa pharmacie, Éric Vandecandelaere est heureux de cette grande aventure. « On se donne, c'est épuisant. Il y a là 4 à 5 années de travail, d'écoute des vieux à la pharmacie, de questions aussi. Il fallait éviter les impairs, les oublis. Mais on vit tout, affirme-t-il. On en vient à s'intéresser aux constructions, aux matériaux, à la brique, on date les maisons, on voit tous les métiers, on recherche ce qu'ils étaient alors. Je suis fils d'agriculteur, je connais le lait, le fromage, le lin, tout cela me parle. L'historien voit tout, entre partout, j'étais reçu par les châtelains. »
Pour conclure - provisoirement ? - son grand périple, Éric Vandecandelaere est revenu à sa propre famille, dont il a publié la généalogie, retrouvée jusqu'à… 1 340 ! Quatre cents exemplaires ont été vendus.
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