Jeune bachelier bourguignon, Gérard Deguin est attiré par le droit, mais il opte pour la pharmacie : « presque par hasard et pour des raisons qu’aujourd’hui encore je préfère ne pas évoquer », avoue cet homme de 57 ans, volontiers pince-sans-rire.
Ce choix mystérieux ne l’a pas empêché de s’investir totalement et dans de multiples domaines de la pharmacie. Après la faculté de Dijon, il devient assistant dans une officine de Fontaine-lès-Dijon dont le titulaire est vice-président du Conseil régional de l’Ordre. Il voit aussitôt dans cette instance la réunion de ses centres d’intérêt : droit et pharmacie. En parallèle, il est chargé de TD à l’université où il enseigne la pharmacognosie et… le droit de la pharmacie.
En 1990, son épouse, pharmacienne biologiste, est nommée à l’hôpital d’Agen. Direction le Sud-Ouest. Gérard Deguin y fait des remplacements, puis devient associé dans une officine de Bon-Encontre, en périphérie agenaise. Il y restera 13 ans, avant de voler de ses propres ailes et reprendre, en 2006, une officine de Colayrac-Saint-Cirq, un petit bourg à 7 km d’Agen.
Quatre ans plus tard, il obtient un transfert pour s’installer sur le site d’une ancienne supérette qui offre un vaste parking et un ensemble de bâtiments où s’installeront plus tard opticien, kinés, infirmiers, ostéopathe, psychologue, pédicure et, denrée rare, un médecin.
« Vu mon âge, je savais que ce serait ma dernière officine. Aussi, je l’ai voulue conforme à mes rêves, avec le médicament au cœur de la surface (comptoirs centraux en cercle, desservis par robot) et les autres univers (parapharmacie, phyto, etc.) tout autour. Il m’a fallu batailler pour imposer l’idée aux agenceurs qui voulaient de grandes allées de rayons, comme en supermarché. J’ai tenu bon et je n’ai pas eu tort. »
Démarche qualité
En effet, l’époque du tout commercial et de la parapharmacie reine a cédé la place au retour du conseil au comptoir et aux services. Précurseur, Gérard Deguin l’est aussi dans la démarche qualité qu’il a entreprise au sein de la commission stratégique du groupement Alphega : « Nous avons été les premiers à être certifiés, souligne-t-il. Nous nous sommes aussi beaucoup investis dans la formation et les campagnes de santé publique… »
Mais l’Ordre est le véritable fil rouge de sa carrière : « Peu de pharmaciens ont le code de la santé publique sur leur bureau ! », plaisante-t-il en montrant le Dalloz. Aujourd’hui vice-président de l’instance ordinale aquitaine, il y défend depuis vingt ans, les valeurs du métier : « L’Ordre a évolué, même si je regrette qu’il ne se soit pas emparé plus tôt de la réforme du code de déontologie ou de la démarche qualité. Au quotidien, nous avons davantage de travail avec les SEL et SPFPL à enregistrer et vérifier. Quant aux « affaires », elles diminuent, car la Sécurité sociale assure un meilleur contrôle et de plus en plus en amont. À titre personnel, l’Ordre me permet de me tenir au courant des nouvelles lois qui modifient l’exercice du métier. »
Un métier que Gérard Deguin défend aussi auprès des jeunes pharmaciens. Vice-président de l’association régionale des maîtres de stage, il donne quelques cours à la fac, mais regrette de ne pas recevoir assez de stagiaires : « ils préfèrent Bordeaux pour passer les week-ends chez papa et maman, ironise-t-il. Pourtant, l’échange est hyperintéressant : nous leur amenons notre expérience, eux leurs connaissances scientifiques. Leur formation à l’éducation thérapeutique du patient et à la conciliation peuvent nous apporter beaucoup. »
Coureur de fond
Gérard Deguin est aussi très occupé, hors de son officine. Il a présidé le club d’athlétisme de Bon-Encontre qui accueillait ses enfants. Et, comme il ne fait rien à moitié, il y a démarré à 40 ans passés, une carrière de coureur de fond. Une passion tardive qui l’a conduit à boucler 18 marathons : « J’avoue qu’à cette époque je bâtissais les plannings de l’officine en fonction de mes horaires d’entraînement. » Il a couru son dernier marathon en 2015, mais continue la compétition sur des distances plus modestes.
Dans la foulée, il s’est mêlé de politique. Élu conseiller municipal (d’opposition) de Bon-Encontre en 2014, il s’avoue déçu : « Naïf, je pensais que dans une petite commune (6 000 habitants) toutes les tendances travaillaient ensemble, que l’important était d’avoir des idées et les faire avancer. Il n’en est rien. »
Il s’est également « laissé piéger » par le Rotary d’Agen-La-Garenne : venu donner une conférence sur l’économie de l’officine… il finira par accepter la présidence : « Nous organisons des actions humanitaires (concert de jazz au profit de la fédération handisport), des conférences… Pour moi, le Rotary ce sont des valeurs et l’occasion de rencontrer des gens passionnants d’autres horizons, car la pharmacie est un milieu assez fermé. »
Désertification
Très impliqué dans un département en proie à la désertification médicale, Gérard Deguin reste confiant : « Les augmentations de numerus clausus devraient nous aider à passer le cap du départ à la retraite des médecins baby-boomers. Sinon, je ne suis pas opposé à légiférer… mais il faudra faire accepter cela aux médecins qui siègent à l’Assemblée… Pourquoi ne pas plutôt envisager un prix de l’acte différent en ville et en campagne ? Heureusement, les discours des universitaires ont changé. Jadis, l’installation en Lot-et-Garonne était présentée comme un échec. Ce n’est plus le cas. »
Les clichés reculent. Le parcours de Gérard Deguin en atteste : on peut exercer en ruralité et être un précurseur, marier le droit et l’humour, la solidarité des collectes de fonds et la solitude du coureur de fond.
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