Les pharmaciens sont nombreux à suivre l'Euro de football. Certains d'entre eux avec un intérêt d'autant plus marqué que leur passion a failli se confondre avec leur profession.
« J'ai du mal à vivre sans projet, et avec un ballon rond au milieu, c'est encore mieux », admet Nicolas Hardiville, pharmacien à Pont-l’Évêque (Calvados). Il a mûri de nombreux projets, souvent avec son frère, toujours autour du foot. Il est devenu pharmacien « par raison », après une déception dans son passe-temps quasi professionnel d'agent de footballeur.
Jeune, il jouait au foot, à Caen. Après dix ans d'interruption, il a repris une licence de club, à 35 ans, comme vétéran. Mais sa vraie passion est plutôt à chercher du côté de la gestion de ce sport. Il était encore à la faculté, à Caen, quand il est tombé sur une page du site Internet de la Fédération française de football (FFF) annonçant un examen d'agent de joueur. Son frère et lui vont imprimer pendant une heure les pages de préparation à l'examen, et se rendent compte qu'ils sont plutôt bons. Sitôt dit, sitôt fait, les deux frères s'inscrivent à l'examen, prévu six mois plus tard, et le préparent.
Son frère manque l'épreuve de deux points, Nicolas Hardiville est reçu, onzième sur trois cent cinquante candidats. À 24 ans, il intègre le club des 150 à 200 agents de joueurs. « Un agent gère la carrière d'un joueur professionnel, ses relations avec son club, avec d'autres clubs, avec les sponsors, la télévision », explique Nicolas. La presse s'en fait souvent l'écho, le foot est un monde où l'on brasse des millions d'euros.
« Un jeune de 15-16 ans n'a pas de plomb dans la cervelle, il est loin du cocon familial, n'est pas mûr, et va jouer sa carrière et son avenir entre 16 et 18 ans. L'agent a un rôle de papa, de grand frère, de psychologue. Il y a beaucoup de gens sérieux parmi les agents, observe Nicolas Hardiville, et beaucoup de voyous. La majorité du business est faite par les voyous, c'est la règle du 80-20 : 80 % des agents sont sérieux, mais ne font que 20 % du business, et réciproquement. »
Nicolas Hardiville a même dû témoigner devant huissier à propos d'une affaire de joueur dans laquelle il n'était pas partie prenante, pour découvrir que les dirigeants de deux des plus grands clubs français, officiellement à couteaux tirés, manœuvraient en réalité en sous-main.
Sur un coup de colère
« L'agent éthique et honnête que je voulais devenir monte des projets à long terme pour bâtir la carrière du joueur », indique Nicolas. Pendant sa courte de vie d'agent, il a passé ses soirées au téléphone, recevant « quinze à vingt courriels par jour » de jeunes joueurs africains, ivoiriens ou camerounais, voulant venir en France.
« J'ai poursuivi mes études et ce métier en me demandant ce que je ferai. Je me le demande encore. J'ai fait ma thèse sur les pathologies d'urgence du joueur, la durée moyenne de leur prise en charge. » Il a choisi la pharmacie, et racheté celle où il travaillait, « sur un coup de colère ». Il en parle avec émotion, aujourd'hui encore.
Il s'apprêtait alors à signer le contrat d'un jeune du Havre pour un club de l'est de la France. Lui qui gagnait 600 euros par mois devait emmener le jeune « dans [sa] vieille Saxo, signer pour un salaire de18 000 euros par mois, avec en prime une Porsche Cayenne », quand il apprit que l'affaire était faite… sans lui. « J'ai renvoyé ma carte d'agent coupée en deux à la Fédération française de football, et je voulais que Noël Le Graet (président de la FFF), ou Michel Platini (président de l'Union européenne de football) me convoquent. J'étais jeune, tendre et arrogant. J'ai choisi la pharmacie. »
Jeu et bénévolat
Avec son frère, Nicolas Hardiville continue à jouer à la gestion des clubs, sur un logiciel. Il se trouve assez bon, content de voir un joueur sur lequel il a misé monter en Équipe de France. « J'ai un réseau aujourd'hui, je n'ai plus l'âge des joueurs, et plus de plomb dans la cervelle. J'ai aussi appris à gérer une boîte. »
Il met son énergie dans une association locale qui aide à la construction d'écoles et de bibliothèques au Bénin, pour l'alphabétisation des enfants. Il organise, chaque année, un match de gala avec d'anciens joueurs professionnels et des journalistes pour collecter des fonds. Une loterie complète le gala où sont vendus aux enchères des maillots que lui envoient les clubs de Marseille, Monaco et Lyon.
« Je me sens très bien à la pharmacie, et je peux encore taper dans un ballon. Mais je rêve d'être président de club, car je suis, en fait, un électron libre », dit-il de lui-même.
Légende photo (JGravend) Nicolas Hardiville devant sa pharmacie de Pont-l’Évêque.
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