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Philippe Leroy : des paroles et des plantes

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Publié le 31/05/2018
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Pharmacien et herboriste, ce confrère du Havre est bien connu pour sa pratique : d'autres pharmaciens ou des médecins lui envoient des patients pour ses traitements.
Portrait Leroy

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Crédit photo : JGravend

« Tout le monde me trouve hors norme, mais mon métier me passionne de plus en plus », assure Philippe Leroy, pharmacien au Havre (Seine-Maritime). Son travail, affirme-t-il, est de « dire bonjour, d'être à l'écoute de gens qui viennent pour qu'on leur délivre une ordonnance, mais aussi pour autre chose, pour parler, pour le conseil. »

Philippe Leroy considère qu'on peut se passer de produits chimiques dans de très nombreux cas, qu'on peut traiter autrement, par des huiles essentielles, par des plantes, mais aussi par l'écoute et par la parole. « On n'apprend pas cela à la fac, regrette-t-il. Le médecin est supposé être à l'écoute, mais il n'en a pas le temps, ou ne le prend pas. »

Ce confrère était étudiant en seconde année dans cette même officine, puis assistant, et enfin titulaire depuis seize ans. Cela fait trente-deux ans qu'il travaille à la pharmacie Doumer, face à l'Hôtel de ville. Son prédécesseur vendait des plantes et lui a enseigné cette pratique. Lui ne l'a vraiment (re)développée que « depuis quelques années, quand j'ai eu suffisamment confiance en moi. J'avais fait un peu de botanique à la fac, mais c'est par le dialogue qu'on apprend. On observe que telle plante a eu tel effet sur ce patient, et chez un autre, puis un troisième. Il existe quelques plantes de base, mais on acquiert plus de savoir par l'écoute, et par l'échange ».

Son officine contient plus de trois cents plantes, achetées à un fournisseur qui les livre avec une analyse de chaque lot. De ces plantes, le confrère fait des sachets, souvent des mélanges, dont les formules sont conservées et plus ou moins tenues secrètes.

« On soigne par les plantes, mais aussi par la parole. Quand un client entre, je ne le reçois pas derrière le comptoir, mais on va parler devant le présentoir. La relation est différente, on discute, je ne suis pas celui qui sait. » Ce jour-là, une dame est entrée avec une ordonnance pour soigner une bronchite. Ce n'était pas une cliente habituelle, et Philippe Leroy trouvait insuffisant le diagnostic de bronchite. Par l'échange, il a fini par apprendre que le mari de cette dame était mort un mois plus tôt, et il lui a proposé une tisane pour soigner une affection qu'il voyait plus psychologique.

« Il y a de moins en mois de personnes rétives à se soigner de façon plus naturelle, dit-il. Je vends très peu de produits chimiques, dès qu'ils peuvent être compensés par des plantes ou des huiles essentielles. Des médecins et même des confrères pharmaciens m'envoient des patients pour que je les soigne par des plantes. Si la chimie était si parfaite, les patients ne subiraient aucun effet secondaire, et l'histoire très récente nous a montré le contraire, poursuit-il. On oublie ce qui est simple, le vieux métier du pharmacien, comme les anciennes pratiques de manipulation, et tout cela provient de l'argent, et du fait qu'il est tellement plus facile de ne pas réfléchir. »

À la question de la transmission du savoir qu'il a acquis, Philippe Leroy convient que tout fonctionne sur sa mémoire, mais qu'il y a beaucoup de bases communes et connues sur les plantes. Quant à son équipe - un des préparateurs suit une formation sur les huiles essentielles -, c'est aussi par la parole qu'il lui transmet sa connaissance. Comme envers les patients. « On parle beaucoup », dit-il avec un enthousiasme non feint.

Jacques Gravend

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3440