Portrait

Yannick Cornanguer, irréductible Breton contre la mucoviscidose

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Publié le 09/11/2017
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Le pharmacien de Belle-Isle-en-Terre réunit chaque année des milliers de personnes pour des épreuves sportives, dont les bénéfices financent la recherche contre la mucoviscidose.
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Crédit photo : J Gravend

« La mucoviscidose, c'est l'héritage des Celtes ! », sourit Dan ar Braz. L'Héritage des Celtes, le premier album (1993) du célèbre chanteur breton qui allie musique traditionnelle et rock, ami et fidèle soutien de la Rando muco, une journée de courses organisées chaque année par Yannick Cornanguer, à Belle-Isle-en-Terre (Côtes d'Armor), au profit de la recherche contre la « muco ». Le bourg trégorrois, qui compte 1 150 habitants, reçoit 6 500 à 7 000 participants le dernier dimanche d'avril.

Yannick Cornanguer, pharmacien à Belle-Isle-en-Terre, a organisé en 2017 la vingtième édition de la manifestation. Il compte apporter 600 000 euros à la recherche, « 20 % du financement national de la recherche contre cette maladie ». L'association a versé près de 9 millions d'euros en vingt ans.

Dans la commune proche de Callac, Daniel Bercot, dont le fils atteint de mucoviscidose meurt à l'âge de vingt ans, avait créé une course cycliste au profit de la recherche. Il l'avait baptisée Pierre Le Bigaut, ancien cycliste breton du Tour de France. « On se connaissait par le sport, et on avait démarré une course de VTT, en 1995, à Belle-Isle-en-Terre, rappelle Yannick Cornanguer. Daniel Bercot est venu me voir avec le maire de Belle-Isle-en-Terre, dont les trois enfants étaient malades de la mucoviscidose, et m'a demandé de prendre le relais. J'ai accepté en 1998, pour un an… Cela fait vingt ans ! »

La manifestation est donc dédoublée : la Rando-muco, à Belle-Isle-en-Terre, la Pierre Le Bigaut, à Callac, fin juin.

On danse la gavotte

L'épreuve a pris une dimension inimaginable. En 2016, elle a réuni 7 491 participants pour des épreuves de course à pied, de trail (14 et 36 km), de marches nordiques, de randonnée équestre, pédestre (où participe anonymement Dan ar Braz), moto-route. On est en Trégorrois-Centre Bretagne : cent vingt musiciens et chanteurs animent les repas et les soirées, et on danse la gavotte !

« C'est une journée en famille, contre la mucoviscidose, un rendez-vous pour les sportifs du coin, mais on vient pour la cause, assure Yannick Cornanguer. Il y a cinq cents bénévoles pour l'organisation, et ils se sont approprié la manifestation. Elle est à eux ! La Rando muco fait se rencontrer et travailler ensemble les associations locales, des gens qui ne se seraient jamais parlé. C'est gagné ! » Les « tricoteuses de la muco » récoltent 5 000 euros au profit de la cause.

Mobilisation des énergies

Yannick Cornanguer a obtenu le soutien des élus, les services sont mobilisés pendant une semaine, le Conseil départemental apporte son aide. Le pharmacien de Belle-Isle-en-Terre a mobilisé les énergies des banques, des grandes surfaces, des entreprises de l'agroalimentaire, des commerces, du quotidien régional « Le Télégramme », et même des footballeurs professionnels de l'En Avant Guingamp.

« Tout euro de recette, inscriptions, repas, va à la recherche. Nous finançons le fonctionnement par des entreprises qui fournissent les denrées pour faire les repas (2 500 paellas !), « Le Télégramme » publie un huit pages pour nos annonceurs, etc. Les recettes sont versées à Vaincre la mucoviscidose (VLM), dont le conseil scientifique étudie les appels d'offres des labos. Nous demandons seulement qu'une part substantielle de notre financement aille vers le Grand ouest. »

Solidarité

« Au comité, tout le monde connaît un malade atteint de mucoviscidose, poursuit ce confrère. À Belle-Isle-en-Terre, j'ai l'image muco qui colle au corps, les gens me voient comme l'homme de la muco. Ce n'est pas une maladie bretonne, mais elle touche beaucoup les Bretons parce qu'elle est génétique et se transmet si les deux parents en sont porteurs. En Bretagne, nous avons moins de brassage génétique. »

« La Rando-muco me prend beaucoup de temps et d'énergie, mais quelle reconnaissance on en tire ! s'exclame Yannick Cornanguer. Il n'y a pas que soi à voir, il faut voir les autres. L'association me permet d'en parler avec mes enfants. J'ai toujours baigné dans la solidarité : à 81 ans, ma mère s'occupe encore de l'accueil des jeunes. »

Jacques Gravend

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3387