En face, l’océan blanchi d’écume ne trouve plus d’obstacle avant le Groenland. Quand les roches fatiguées de tant d’éboulis laissent place à des plages, elles sont immenses, cernées de dunes et tapissées d’un sable qui va du blanc pur à toutes les teintes ambrées. Il faut aller sur les hauteurs de Slieve League – une des plus hautes falaises d’Europe – pour contempler les escarpements parcourus de violents tourbillons et colonisés par les oiseaux marins. Une lande sauvage envahit les sommets. Les botanistes y ont dénombré plusieurs centaines d’espèces de fleurs délicates, des herbes folles, des mousses charnues, des graminées prolixes et fragiles.
L’hiver est le temps des brumes de Turner et du ciel ténébreux de Vlaminck ; des éclats de lumière et des pluies fines. Chaque printemps, du haut des roches, des pêcheurs audacieux capturent les saumons sauvages sur la route de leur grande migration. En été, on vient chercher un grand frisson en toisant un vide monumental. De jolies jeunes filles envoient au vent leur chevelure teintée de braise. Le dramaturge irlandais John Millington Synge croyait qu’il y avait un lien entre la mythologie exubérante qui a cours dans les îles et l’étrange beauté des femmes. Les gens du Donegal partagent aussi cette obstination bizarre à ne jamais s’avouer vaincus et à ignorer les misères de la vie. Les tempêtes passent, les hommes restent. Troublante leçon d’énergie qui attire sur ces terres décharnées écrivains, peintres, révolutionnaires et hommes d’affaires venus puiser un sursaut mystique ou vivre un rêve.
À la fin du XIXe, un certain John George Adair, propriétaire au Texas d’un ranch grand comme un département français, fit construire une folie néomédievale – de style écossais, dit-on – le long des rives du Lough Gartan, au beau milieu d’une vallée sauvage et déserte plantée de chênes et de bouleaux. En expulsant brutalement plusieurs centaines de paysans pour agrandir son domaine. Le château de Glenveagh est un grand manoir en granit dégrossi, avec un donjon rectangulaire de quatre étages, des remparts à créneaux, des tourelles et une tour ronde. Un joli jardin de onze hectares, protégé du vent par un mur de pins, abrite des cascades d’azalées, de camélias et de rhododendrons, un jardin clos et une orangerie.
Sur la route, priorité aux animaux
Comme dans toutes les régions d’Irlande, les routes du Donegal font tant de détours que la surprise surgit à chaque instant. Mais l’un des grands mystères de ce pays qui ne ressemble à aucun autre est qu’il semble toujours familier. Un code du laisser-vivre beaucoup plus ancien que le code de la route accorde toujours la priorité aux rêveurs et aux animaux. Ces derniers jouissent d’un droit de préséance qui était illustré par une admirable publicité. Sur l’affiche, un chemin mauve serpente entre les murs de pierres sèches et les variations du vert le plus acide et le plus tendre du monde. La légende dit : « Ici, ce sont les ânes qui ont tracé la route, pas les Polytechniciens ».
Pour voyager ici, il faut faire comme les gens du pays. Se lever tard, ne pas trop se fixer de but et continuer, le soir, à se promener dans sa tête. Ou dans les pubs. Ils sont faits pour ça. L’alcool est dangereux pour la santé, mais il permet d’affronter les chagrins de la vie et les averses imprévues. La fréquentation des pubs, leur ambiance et leurs joyeux musiciens est incontournable. Consommations habituelles : la bière, brune, rousse, blonde, le hot irish whiskey (un mélange décapant d’eau chaude, de sucre, de whiskey, de citron et de clous de girofle),
l’irish coffee, ou encore le black velvet, un mélange de stout et de champagne. Il paraît que c’est la recette du bonheur.
Dans votre bibliothèque
« Deux par deux »
« Notre Santé est en jeu »
Quelles solutions face au déclin du système de santé ?
Dans votre bibliothèque
« Le Bureau des affaires occultes », ou les débuts de la police scientifique
USA : frites, bière, donuts gratuits… contre vaccin