À d’autres, la « diplomatie du caviar », déclinaison azerbaïdjanaise d’intérêts bien compris. Aux confins du Grand Caucase, c’est de thé noir que nous gratifient nos hôtes montagnards, avec une générosité haute en couleurs. Cerises confites, fromage blanc aigre, herbes aromatiques, concombres et tomates, farcis de chou au mouton, parmi les variations saisonnières et locales de dolmas, pâtisseries aussi mielleuses que les grenades sont juteuses. Habitué aux frimas, notre comité d’accueil est resté à l’extérieur. Mi-rieurs, mi-farouches, les enfants ont repris leurs jeux au grand air, entre le linge étendu à tout vent et les meules provisionnant l’hiver. Ici, des poules qui picorent, là, des chevaux qui sommeillent. L’authenticité de Khinalug, à 2 350 m d’altitude, prend du relief jusque dans la langue vernaculaire utilisée par les 2 000 habitants.
Un monde à mille lieues de la capitale, distante de 220 kilomètres. Depuis Bakou et son ancrage semi-aride sur la mer Caspienne, il a fallu longer un littoral au ton de sable pendant deux heures et demie. Puis le paysage a verdi, avec sa singulière biodiversité. Sur les onze types de climats répertoriés dans le monde, neuf se juxtaposent sur les 86 000 km2 de ce petit pays d’Asie centrale. Ses voisins ? La Russie plein nord, la Géorgie plus à l’ouest, l’Arménie, et l’Iran au sud. Autant de points cardinaux qui balisent sa tumultueuse histoire, ayant laissé en héritage palais persans, églises chrétiennes, mosquées aux obédiences larges ou encore caravansérails sur la Route de la soie.
D’abord pétrolière, puis gazière, l’euphorie énergétique affleure à la fin du XIXe siècle, alors que le territoire est sous contrôle tsariste. Mais déjà, dans ses récits, Marco Polo évoquait une source non loin de Bakou, sur la péninsule d’Apchéron, qui produit une huile « bonne à brûler » et « utile pour nettoyer la gale des chameaux » – en l’occurrence ceux dits de Bactriane, dont la robustesse s’accommode des rudesses topographiques et climatiques du pays. Depuis des centaines d’années, des jets de flamme s’échappent de cette terre, littéralement baptisée pour son feu : c’est la signification d’azer, que les disciples de Zoroastre sont venus vénérer ici aussi. Singulier et anachronique tableau que leur temple d’Ateshgah, perpétuant cette adoration sur fonds de derricks. On peut aussi se réchauffer devant la montagne de feu Yanar Dag, frangée en continu de flammèches bleutées.
Art rupestre
Plus au sud, à une soixantaine de kilomètres de la capitale, ce sont des volcans de boue qu’éructent les sols chargés en hydrocarbures. Ces bulles chargées en sédiments et méthane clapotent-elles depuis la nuit des temps ? Dans la réserve de Gobustan, elles voisinent en tout cas avec plus de 4 000 pétroglyphes et autres témoins à ciel ouvert de l’art rupestre, qui font danser guerriers, caravanes ou astres, depuis 20 000 ans pour certains.
Depuis ce paysage culturel classé à l’Unesco, un gazoduc met à jour le fil d’Ariane de l’ancienne république socialiste, indépendante depuis l’effondrement du bloc soviétique en 1991. Du père Heydar à son fils Ilham, qui briguera en avril un quatrième mandat par élections anticipées, la dynastie des Aliev préserve soigneusement les ressources de la république présidentielle.
« La montagne est un espace de liberté », rebondit notre guide. Quand il n’officie pas auprès des autorités en tant que conseiller forestier, Cavid Qara arpente ces horizons hors du temps, au bénéfice des touristes étrangers, des visiteurs nationaux et des populations locales. Au tournant d’un col, un sifflement : « J’alerte le berger de notre passage. » Au rythme des troupeaux qui rentrent au bercail, l’arrivée à Giriz, à 2000 m, redouble d’enchantement, à l’aplomb d’un canyon qu’embrase le couchant. Sous le toit d’une des 40 familles du hameau, l’accueil maison gratifie à nouveau d’une exotique chaleur.
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