Depuis une semaine, l’équipe de la Pharmacie du Marché a migré dans un mobil-home aménagé pour la dispensation. Il est installé sur le parking, accolé à la sortie de secours de la pharmacie. Cette disposition permet de rejoindre facilement le robot pour retirer les médicaments.
- Oh excusez-moi, il faut un masque ?, demande une femme brune en s’approchant du comptoir où se tient Marion.
- C’est préférable mais nous ne l’imposons plus, répond la pharmacienne.
- J’ai mal à cette cheville, répond la cliente tout en soulevant son genou pour se frotter la cheville gauche. Regardez, c’est enflé.
- Vous vous êtes blessée ? Vous avez reçu un choc à cet endroit ?
- Non, pas que je me souvienne. J’avais du kétoprofène à la maison. J’en prends, mais ça ne me fait rien. Et puis j’avais un reste de médicament pour l’estomac, que j’ai pris aussi. Je sais que le médecin fait comme ça, n’est-ce pas ?
- Oui, en effet. C’est fréquent d’associer un anti-inflammatoire avec un médicament pour l’estomac. Mais il faudrait tout de même poser un diagnostic avant de prendre ces médicaments. Vous avez vu un médecin justement ?
- Ohlala ! Il est toujours overbooké. Quand j’ai appelé son cabinet, on m’a proposé un rendez-vous la semaine suivante.
- C’était quand ?
- La semaine dernière.
Marion propose à la femme de s’asseoir dans le local improvisé d’orthopédie. Elle s’absente un instant pour proposer à Alice, l’étudiante en deuxième année de pharmacie, de venir écouter ce cas tout à fait instructif.
- Me revoilà. Si ça ne vous dérange pas, Alice va rester avec nous. Elle est étudiante en pharmacie, et vient nous aider le samedi.
- Pas de problème, répond la patiente qui en a profité pour retirer ses chaussures.
Elle raconte qu’elle s’est rendue aux urgences, mais qu’au bout d’une heure, lasse d'attendre, elle est repartie.
Marion montre à Alice l’induration de la cheville, qui lui évoque plus un trouble veineux qu’un traumatisme. Pour autant, elle s’abstient de poser un quelconque diagnostic.
- Je ne peux que vous renvoyer chez le médecin, et vous insistez pour avoir un rendez-vous rapidement. Vous arrêtez le kétoprofène, d’autant plus qu’il n’est pas conseillé de prendre ce genre de médicament en automédication.
- On fait avec ce qu’on a !, rétorque la femme.
Lorsqu’elle se retrouve seule avec Marion, Alice demande :
- Pourquoi on n’a rien fait ? On aurait peut-être pu lui proposer un draineur ou de la compression. Ou un veinotonique…
- Oui bien sûr, on aurait pu. Si c'est effectivement un trouble veineux. Tu sais, parfois, ne rien faire est la plus sage décision. Et d’abord, tu as tort de dire que nous n’avons rien fait. Nous sommes intervenues : en l’écoutant, en l’interrogeant, en l'orientant. La délivrance d’un produit n’est pas une finalité.
Alice reste perplexe face aux propos de la pharmacienne. Cette dernière poursuit :
- La semaine dernière, il y avait la journée mondiale de la sécurité des patients. J'ai lu quelques articles à ce sujet et ça m'a donné une idée. Tu sais ce qui serait bien ? C’est que nous fassions un recueil de toutes ces situations que nous rencontrons à la pharmacie, et de notre intervention. Tu serais d'accord ?
(À suivre…)