Allergies alimentaires : le rôle clé du pharmacien

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Publié le 12/02/2021
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Depuis une vingtaine d'années, la prévalence des allergies alimentaires est en augmentation, notamment chez le jeune enfant. Si le médecin reste prescripteur, le pharmacien est un relais indispensable, en termes de formation et d'information du patient.

La délivrance de l'auto-injecteur d'adrénaline et la démonstration de son utilisation doivent être assorties d'informations essentielles

La délivrance de l'auto-injecteur d'adrénaline et la démonstration de son utilisation doivent être assorties d'informations essentielles
Crédit photo : GARO/PHANIE

Environ 5%* des enfants ont déjà été confrontés à une allergie alimentaire (AA).

Le lait de vache reste l'allergène le plus souvent cité, suivi de l'arachide et de l'œuf. Une situation engendrant un fort retentissement sur la qualité de vie et les modalités de prise en charge de l'enfant, mais aussi sur l'anxiété ressentie par la famille. « Le profil de l'AA a évolué. Nous sommes, de plus en plus, confrontés à des formes sévères d'anaphylaxie et à des enfants cumulant plusieurs allergies alimentaires et/ou maladies allergiques. Un eczéma peut, ainsi, être associé à un asthme sévère et à des allergies alimentaires précoces et persistantes », souligne le Dr Antoine Deschildre, pédiatre au CHRU de Lille.

Dédramatiser le recours à l'adrénaline

Face à ce constat, le pharmacien – relais du médecin généraliste, pédiatre ou allergologue - a un rôle clé à jouer dans la prise en charge des AA à risque d'anaphylaxie. Il assure non seulement la délivrance des auto-injecteurs d'adrénaline (AIA), médicament de première intention de la réaction allergique sévère (anaphylaxie). Mais doit également renforcer l'information fournie par le médecin. « Nous devons montrer à l'enfant et à ses parents, le mode d'utilisation du stylo AIA prescrit. Car même si le médecin a déjà effectué une démonstration de l'AIA dans son cabinet, une piqûre de rappel n'est jamais inutile. Nous devons, pour cela, inciter systématiquement les laboratoires à nous envoyer les dispositifs factices de leurs AIA », indique Anne-Sophie Malachane, pharmacien d’officine, membre de l’Académie nationale de pharmacie (AnP). Les parents appréhendent souvent, à tort, l'utilisation des AIA. L'officinal doit rassurer, dédramatiser. « L'adrénaline est facile d'emploi chez les enfants comme chez les adultes. Elle n'engendre aucun risque. Il s'agit d'un message fort à faire passer à nos patients », ajoute Anne-Sophie Malachane. De fait, les stylos AIA doivent être appliqués fermement, pendant 5 secondes, sur la face latérale de la cuisse, jamais ailleurs, en cas d'anaphylaxie. L'injection peut être réitérée 5 à 15 minutes plus tard si nécessaire.

Pallier les tensions d'approvisionnement

L'adrénaline figure parmi le répertoire des médicaments substituables en date du 14 janvier 2021. Quatre stylos AIA sont disponibles en France et utilisés comme traitement d'urgence de l'anaphylaxie : Emerade, Epipen, Jext et Anapen. « Le pharmacien peut substituer l'Epipen pour Emerade, mais Jext et Anapen ne sont pas substituables. La substitution pose parfois problème car l'allergologue est attaché à sa prescription initiale. Il a pris soin de montrer au patient l'utilisation de l'auto-injecteur prescrit et lui a fourni un document écrit (protocole d'urgence) pour manipuler ce dernier », indique Guillaume Pouessel, pneumo-pédiatre allergologue, coordonnateur du groupe de travail Allergie en milieu scolaire de la Société Française d’Allergologie, au CH de Roubaix et CHRU de Lille. Mais la substitution est bien pratique pour l'officinal. « Car les dates de péremption des AIA sont relativement courtes et les tensions d'approvisionnement, fréquentes, notamment en période de rentrée scolaire et de départs en vacances. Nous devons faire en sorte que les patients aient toujours deux stylos injecteurs sur eux », rappelle Anne-Sophie Malachane.

La délivrance de l'AIA et la démonstration de son utilisation doivent également être assorties d'informations essentielles : la trousse d'urgence avec les AIA doit être à disposition du patient en toutes circonstances ; les AIA se conservent à température ambiante (maximum 25 °C), sans réfrigération, ni congélation, à l'abri de la lumière. Outre la date de péremption, les patients doivent régulièrement vérifier la limpidité du liquide. Enfin, le pharmacien a de quoi être porteur d'espoirs, en informant pour les patients des nouvelles stratégies de traitement des AA graves tels que l'immunothérapie par voie orale et les biothérapies.

* Enquête dans les écoles Toulousaines, publiée en 2005.

Hélia Hakimi-Prévot

Source : Le Quotidien du Pharmacien