Introduit progressivement à la fin des années 1980, le générique a, comme partout, mis du temps à être accepté par les patients et par les médecins, mais de nombreuses mesures autoritaires ont été prises à partir de 1992 pour en développer l’usage : les forfaits de remboursement par classe thérapeutique, de plus en plus précis et nombreux, sont progressivement devenus la règle.
Si les médecins prescrivent un princeps sous brevet plutôt que son générique, ils doivent le justifier et peuvent être sanctionnés si cette prescription n’est pas jugée conforme. La rémunération des pharmaciens, elle, a été déconnectée du prix des boîtes, car la marge a été remplacée par un forfait, qui se monte actuellement à 8,35 euros plus 3 % de marge. Il convient toutefois d’en retrancher le « rabais des caisses » obligatoire de 1,77 euro par boîte que les pharmaciens doivent consentir aux assurés des caisses publiques, soit 88 % des patients.
Appels d'offres
À partir de 2003, les forfaits de remboursement ont été complétés par un nouveau dispositif, les « médicaments sous rabais », constitués par des appels d’offres lancés par l’assurance-maladie publique (GKV) auprès des industriels : pour chaque principe actif concerné, les industriels doivent faire une offre et c’est en général le laboratoire produisant le générique le moins cher qui remporte le marché. Ces appels d’offres sont renouvelables tous les deux ans, et permettent de réaliser une économie supplémentaire de 4 à 5 milliards d’euros par an. Actuellement, 90 % des génériques font l’objet de tels appels d’offres. Pour les médicaments sous rabais, c’est la responsabilité du pharmacien qui est en jeu : s’il ne délivre pas le médicament concerné, il doit avoir une bonne raison de ne pas le faire, sous peine de « régression », c’est-à-dire l’obligation de payer lui-même le produit délivré à la place du générique sous rabais.
Cette situation, très pénible pour les pharmaciens, complique leur gestion et devient parfois inextricable, surtout en cas de rupture de stock, lesquelles seraient d’ailleurs, selon les pharmaciens, aggravées par la politique des rabais. En outre, les pharmaciens sont tenus de délivrer un certain volume de génériques achetés en importation parallèle, mais la mesure, très critiquée, a été allégée en 2019, mais pas supprimée, suite à plusieurs affaires de contrefaçons et de trafics de médicaments achetés illégalement en Italie et en Grèce au détriment des patients de ces pays.
Très forte incitation au générique
En 2019, selon les chiffres du syndicat des fabricants de génériques, Pro Generika, les patients « publics » (GKV) se sont vus prescrire 44,5 milliards de doses journalières (daily delivered doses, DDD) dont 42,3 milliards de doses de médicaments sans brevets et 2,2 milliards de doses sous brevet. Dans ce total, les génériques purs ont représenté 35 milliards de doses, les spécialités tombées dans le domaine public, (génériques de marque) 7,2 milliards et les biosimilaires 0,09 milliard.
En chiffre d’affaires, le marché total du médicament prescrit s’est élevé en 2020 à 54,5 milliards d'euros TVA incluse, dont 46 milliards pour les assurés des caisses publiques (GKV) et 8,5 pour les assurés des caisses privées (PKV). La part du générique n’est que de 55 % pour ces patients et, en outre, la règle des rabais des caisses ne les concerne pas. En prix départ du laboratoire (hors grossiste, honoraire pharmacien et TVA), le montant des prescriptions GKV s’est élevé en 2019 à 28,4 milliards d’euros, dont 16,2 pour les médicaments sans brevet et 12,2 pour les brevetés. En ce qui concerne les médicaments sans brevets, les laboratoires de génériques en ont produit pour 5,8 milliards, les laboratoires classiques pour 9,5 milliards et les biosimilaires ont représenté 900 millions d’euros.
La très forte incitation au générique a ramené progressivement le prix des médicaments allemands, qui était l’un des plus chers d’Europe avant ces réformes, dans la moyenne européenne, en dépit d’une TVA à 20 % qui reste la plus élevées de l’UE. Mais si cette politique a limité l’augmentation des dépenses de prescriptions sans brevets, qui n’ont progressé que de 25 % entre 2009 et 2019 (4,3 milliards contre 5,8 milliards en 2019 en prix laboratoire), elle a été en partie « compensée » par la très forte augmentation des dépenses de spécialités sous brevets, passée de 7,4 à 12,2 milliards d’euros durant la même période, alors qu’ils ne représentent que 5 % du total du volume prescrit. En outre, les génériques, et surtout les « rabais des caisses », sont fréquemment montrés du doigt pour leur rôle réel ou supposé dans la multiplication des ruptures de stock, mais aussi dans la « désindustrialisation » du pays : longtemps surnommée « le laboratoire du monde », l’industrie pharmaceutique allemande a, elle aussi, cédé de larges pans de sa production à des laboratoires étrangers, encore plus pour le générique que pour les spécialités.
Article précédent
Les répartiteurs jouent des gammes
Article suivant
Une offre riche, mais une délivrance contrainte
Que devient la mention NS ?
Quand le médicament conseil prend des allures de générique
« Combler notre retard sur le générique et ne pas en prendre sur le biosimilaire »
Lien ville-hôpital : oui mais pas pour les biosimilaires
Les répartiteurs jouent des gammes
Le modèle allemand est-il toujours un modèle ?
Une offre riche, mais une délivrance contrainte
Quel avenir après la disparition programmée de la ROSP générique
Crise sanitaire : le générique pour solution
Industrie pharmaceutique
Gilead autorise des génériqueurs à fabriquer du lénacapavir
Dans le Rhône
Des pharmacies collectent pour les Restos du cœur
Substitution par le pharmacien
Biosimilaires : les patients sont prêts, mais…
D’après une enquête d’UFC-Que choisir
Huit médicaments périmés sur dix restent efficaces à 90 %