Si la loi du 23 décembre 2016 (LFSS 2017) encadre déjà l’acte de substitution d’un médicament biologique par un biosimilaire, les pharmaciens n’y sont pas encore autorisés en l’absence de décret d’application. Une ordonnance du 3 janvier 2018 prévoit ce décret d’application au plus tard le 31 juillet 2018, pour encadrer l’interchangeabilité par les médecins et la substitution par les pharmaciens, mais des experts prédisent que le droit de substitution des biosimilaires n’est pas pour demain.
Pourtant, note Patrick Fallet, professeur honoraire chargé de cours de droit et d’économie de la santé à l’université Paris-Sud, la loi prévoit les conditions de substitution par un biosimilaire pour le pharmacien : appartenance au même groupe biosimilaire du répertoire, substitution uniquement à l’initiation du traitement si le prescripteur ne s’y oppose pas, inscription du médicament délivré sur l’ordonnance et information du prescripteur. Sans décret, impossible de savoir sous quelle forme cette information au prescripteur doit être réalisée. À cela s’ajoute la création des groupes biosimilaires, à l’image de ce qui existe pour les génériques, par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) en mai 2017, laissant présager une avancée en faveur de la substitution des biosimilaires.
Dix ans de recul
Mais selon Claude Le Pen, économiste de la santé, des réticences existent à la fois chez les médecins « par manque de connaissance des médicaments biosimilaires » et chez les patients chroniques qui, une fois stabilisés, se montrent frileux à toute modification de leur traitement. Ce n’est pas l’avis de Lucien Bennatan, seul représentant du monde officinal lors d’un colloque « Focus Biosimilaires » organisé par le Groupe Profession Santé* jeudi dernier. Le président du groupe PHR affirme pour sa part que ce sont certains industriels qui bloquent toute avancée en s’opposant fermement au droit de substitution par le pharmacien de médicaments biologiques, pour des raisons exclusivement économiques.
Ces dix dernières années les biosimilaires ont largement fait leurs preuves. Jean-François Bergmann, chef de service de médecine interne à l’hôpital Lariboisière, souligne que « toutes les données scientifiques sont rassurantes, les années passent et cela ne change pas : je n’ai pas connaissance d’une étude qui jette un peu d’ombre sur les biosimilaires ». L’Agence européenne du médicament (EMA) a eu la même réflexion lorsqu’elle a publié, avec la Commission européenne, le 5 mai 2017, un guide d’information aux professionnels de santé sur les biosimilaires : « Avec plus de 10 ans de recul, l’expérience clinique montre que les biosimilaires approuvés par l’EMA peuvent être utilisés en apportant la même sécurité et la même efficacité que les biomédicaments dans toutes les indications prévues. » L’évolution est sensible, y compris à l’ANSM qui a revu sa copie en mai 2016 pour permettre l’interchangeabilité d’un traitement biologique par le prescripteur à tout moment, et pas seulement à l’initiation du traitement. Pas un mot cependant sur la substitution par le pharmacien… L’EMA a préféré ne pas se mêler d’un choix revenant, à ses yeux, à chaque État de l’Union européenne.
Rôle pivot
Du côté des laboratoires, Biogaran est le seul fabricant de biosimilaires à revendiquer haut et fort le droit de substitution ou droit d’interchangeabilité par le pharmacien d’officine, tout en affirmant que peu de ses homologues y sont favorables. Un positionnement confirmé par Daniel Roederer, directeur des opérations chez Biogaran, qui martèle que « le pharmacien est incontournable, c’est le seul expert du médicament, il a un rôle pivot dans la coordination des soins à destination des patients et cela correspond à ses nouvelles missions de plus en plus développées ».
En attendant ce fameux décret d’application, le marché des biosimilaires ne décolle pas en ville, alors qu’il prend une place non négligeable à l’hôpital. Dans les hôpitaux de l’AP-HP par exemple, il n’est pas rare de faire un switch du médicament d’origine vers un biosimilaire du jour au lendemain. « Sur les G-CSF on est à 100 % de biosimilaires depuis des années ; pour l’infliximab que nous avons référencé en mai, nous sommes à 89 % ; le rituximab que nous avons référencé il y a 5 mois atteint les 88 % de biosimilaires », décrit Pascal Paubel, pharmacien hospitalier. De quoi faire rêver le marché de ville dont les meilleurs résultats en 2017 concernent les biosimilaires de Neupogen (filgrastim) à 88 % et de l’EPO Eprex à 53 %, quand ceux de Lantus (insuline glargine) et Enbrel (étanercept) plafonnent à 4 %.
* Éditeur du « Quotidien du pharmacien ».
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