- Tu savais ça ? Le directeur de l'ANSM quitte ses fonctions, lance Juliette sans relever le nez du « Quotidien du Pharmacien ».
- À vrai dire, ça ne va pas changer beaucoup de choses dans ma vie ! Je ne sais même pas comment s'appelle cet homme. Donne-moi plutôt le résultat entre Trump et Biden…, répond Jean-Paul.
Juliette baisse le journal et regarde en direction de son collègue.
- À vrai dire, je ne m'adressais pas à toi, mais à Julien, lui renvoie l'adjointe du tac au tac.
- Juliette, je ne veux pas te presser, mais on doit accueillir la première personne à 13 h 30, pour un TROD Covid. Tu viens ?, s'impatiente Julien.
- Ça ne t'intéresse pas non plus donc, que l'ANSM change de directeur, soupire Juliette en se levant. Autre sujet : tu l'as trouvée comment Karine ce matin ?
- Je ne l'ai pas vue, je ne travaillais pas.
- Je ne te parle pas Julien. Mais toi, Jean-Paul, tu en penses quoi ?
- Quoi Karine ? Elle va très bien. Peut-être un peu fatiguée mais c'est normal, elle en fait trop. Le conseil municipal, la pharmacie, les TROD, la famille, et la défense des pharmaciens victimes d'agression…
- Je l'ai pas trouvée dans son assiette.
- C'est une grande fille, elle sait se soigner… même si elle n'est que pharmacienne, ironise Jean-Paul. Bon, j'y retourne aussi. C'est l'heure d'aller rechanter notre refrain préféré "Y'a plus de vaccins, ta-ta-ta, y'a plus de vaccins contre la grippe, non-non-non" et de se faire engueuler…
- On va en recevoir, tente Juliette.
Jean-Paul regarde sa jeune consœur, et lève les yeux au ciel. Puis il sort, en chantonnant cette mélodie de Berger : "Y'a plus de vaccins, ta-ta-ta…".
Sous le barnum, Juliette accueille le dernier rendez-vous de la journée, une femme de 40 ans.
- J'ai appelé ce matin ; je tousse depuis hier, et me sens complètement patraque. Mais au labo, pas de rendez-vous avant lundi. C'est le docteur Pontignac qui m'a conseillé de venir. C'est la femme du pharmacien je crois…
Oui, l'épouse de Jean-Christophe Pontignac. Donc, nous avons vérifié votre éligibilité. Parfait. Nous avons noté vos coordonnées… Voici votre numéro de dossier. Et je vous laisse vous asseoir. Mon collègue va faire le prélèvement, explique Juliette, rassurante.
- Non, madame, gardez votre masque, intervient Julien. Quand je vous le dirai, vous le baissez juste sous le nez. Ça peut être un peu douloureux, ou plutôt très désagréable. Comme si vous respiriez à plein nez de la moutarde par exemple.
Julien se saisit de l'écouvillon et demande à la femme de pencher la tête en arrière.
- Respirez profondément, voilà.
Il tourne l'écouvillon dans la narine, avant de le retirer et de l'introduire dans l'autre narine.
- Oui, c'est vrai que ce n'est vraiment pas agréable. Mais il faut y passer, c'est comme ça, commente la patiente en remettant son masque sur le nez.
- Nous allons vous faire patienter un quart d'heure. Vous pouvez attendre dans votre voiture si vous le voulez.
Tandis que la femme sort, Julien commence à retirer son équipement de protection, pendant que Juliette démarre le chronomètre. Karine, la titulaire, entre sous le barnum.
- Attends Julien. Ne te déshabille pas tout de suite.
- Karine, il y a une demande de dernière minute ?
- Oui, moi. J'ai de la fièvre. Je ne voulais pas l'admettre, mais ce n'est pas raisonnable. Fais-moi un prélèvement s'il te plaît.
Julien s'exécute. Quand Juliette enclenche le chronomètre, elle regarde la titulaire :
- Résultat dans…
- Quinze minutes, je le sais. Quinze longues minutes.
(À suivre…)