C’était le 12 avril 2006. Le tout premier médicament biosimilaire obtenait son autorisation de mise sur le marché européen : l’hormone de croissance Omnitrope (somatropine), développée par Sandoz. Depuis, vingt autres biosimilaires ont été approuvés par l’Agence européenne du médicament, quatorze sont actuellement commercialisés, dont trois ont été lancés par Hospira. Leader de l’injectable en milieu hospitalier, Hospira a été racheté l’an dernier par son compatriote américain Pfizer. Ce qui fait désormais de Pfizer un acteur incontournable des copies de médicaments biologiques. Raison de plus pour le géant américain d’investir 15 % de son chiffre d’affaires mondial dans la R & D, soit 7 milliards de dollars. Car s’ajoutent aux trois biosimilaires sur le marché – Retacrit (époétine zêta), Nivestim (filgrastim) et Inflectra (infliximab) – cinq médicaments en développement (phase 3) : trastuzumab, rituximab et bevacizumab en oncologie, adalimumab en rhumatologie et ranibizumab en ophtalmologie.
« Notre volonté est de mettre à disposition du plus grand nombre de patients des médicaments qui améliorent leur vie de manière significative, et de faire bénéficier des innovations au prix le plus juste », déclare Hoori Kaskanian, directrice de la Business Unit Global Establishment Pharma de Pfizer. Le marché est prometteur. Sur les six médicaments les plus utilisés aujourd’hui en France à l’hôpital, quatre sont des molécules biologiques. D’après le bulletin mensuel du GERS de mars 2015, parmi les dix médicaments les plus coûteux à l’hôpital, sept sont des biomédicaments. En ville, le ratio est de 5/10. Selon l’Assurance-maladie, les biosimilaires pourraient générer des économies de l’ordre de 30 millions d’euros en 2016. « La plupart des centres hospitaliers en France utilisent les biosimilaires Pfizer, qui bénéficient ainsi à plus de 20 000 patients. Ils sont fabriqués dans les mêmes usines que nos autres médicaments biologiques », précise Hoori Kaskanian.
Pertes de brevets
Pour que ce marché se développe pleinement, les laboratoires jouent la carte des économies pour les payeurs. « Tout l’intérêt du biosimilaire repose sur les économies produites grâce à un coût moins élevé et un effet concurrentiel, ce qui permet de faciliter l’accès à des médicaments innovants », rappelle le Pr Bruno Flamion, professeur de pharmacologie à l’université de Namur. Et c’est la raison pour laquelle le biosimilaire ne s’impose pas naturellement dans l’esprit des patients et de leurs médecins. « Remplacer un médicament biologique par un biosimilaire est un choix pour raisons économiques et non médicales, ce à quoi les médecins sont peu habitués », note le Pr Flamion, qui rappelle les freins rencontrés par le médicament générique et qui ne seront pas épargnés au biosimilaire. Si les deux médicaments sont des copies de molécules originales, ils ne sont pas comparables. Par définition les médicaments biologiques sont constitués de molécules de grande taille, de structure complexe, tout comme leur processus de fabrication, et ils ne sont pas reproductibles strictement à l’identique en raison de la variabilité du vivant, ils sont reproductibles de manière similaire. Un concept introduit par l’Union européenne en 2004 qui a érigé le premier cadre juridique et réglementaire des biosimilaires, longtemps avant les États-Unis (2012).
Près de dix dossiers de demande d’autorisation de mise sur le marché (AMM) sont en cours d’examen au sein de l’Agence européenne du médicament (EMA), mais des dizaines de biosimilaires sont en phase de développement dans le monde. « D’ici à 5 ans, le secteur biologique va enregistrer d’importantes pertes de brevets, dont celles de 13 produits ayant généré des ventes mondiales totalisant 73 milliards de dollars en 2013 », prévient Bruno Flamion. Comme pour les génériques, les biosimilaires d’une même molécule d’origine vont se multiplier, même s’il n’est actuellement pas envisageable de pouvoir changer de biosimilaire entre chaque prescription. L’intérêt ? Rendre le marché du médicament moins sensible aux accidents de production ou aux ruptures de stock. Reste à convaincre médecins et patients de l’utilité des biosimilaires. L’Assurance-maladie y travaille pour bénéficier d’économies substantielles dès 2017.
D'après une conférence de Pfizer.