« AUJOURD’HUI, près d’une pharmacie sur deux connaît des problèmes de trésorerie. » Ce signal d’alarme lancé par Charles Fauré, président du syndicat des pharmaciens des Bouches-du-Rhône pourrait concerner la France entière compte tenu de la dégradation régulière que subit le contexte d’exercice de leur métier depuis quelques années. Le mouvement de déremboursement des médicaments engagé par les autorités publiques depuis 2005 fragilise toujours un peu plus les officines qui, habituées à une marge stable pendant longtemps, se retrouvent désormais confrontées à d’importantes fluctuations. « Or, c’est avec cette marge que je paie tout, salaires et remboursements de crédit notamment » explique ainsi Marie-France Guirchoune, titulaire à Nice. La pression de ces charges conduit ainsi souvent à une course au chiffre d’affaires. Or aujourd’hui, beaucoup de médicaments commercialisés proposent des marges moindres, à commencer par ceux de la réserve hospitalière que l’on retrouve de plus en plus souvent dans les officines. À ces tendances de fonds s’est ajouté un phénomène que les pharmaciens n’ont pas anticipé, les effets pervers de la loi LME (loi de modernisation de l’économie), votée en août 2008 et applicable depuis le début de l’année. « Cette loi réduit les délais de paiement des distributeurs, or elle a été faite pour protéger les petits producteurs contre les grandes enseignes de la distribution alors que les pharmacies sont des petits distributeurs de produits fabriqués par de grands producteurs » explique Stéphane Pichon, président du conseil régional de l’ordre des pharmaciens en PACA. Un dommage collatéral en quelque sorte, très mal vécu par les titulaires (voir témoignages en encadré ci-contre).
Les retraités, avantage ou inconvénient ?
Mais à ces tendances nationales s’ajoutent des spécificités régionales qui font de PACA une des régions où ces difficultés s’avèrent encore plus aiguës. « Alors que la fédération des syndicats pharmaceutiques de France note que 36 % des officines connaissent des difficultés de trésorerie, cette proportion atteint 40 % dans notre région » relève Charles Fauré. Un paradoxe pour une des régions qui attirent le plus et qui bénéficient d’une présence importante de retraités, grands consommateurs de médicaments, dans certaines villes de la Côte d’Azur. Cet avantage démographique explique en partie les difficultés des officines de la région car attirés par ce potentiel, beaucoup se sont installés, beaucoup trop. Certains le reconnaissent : « il y a eu trop de dérogations à l’ouverture d’officines » dénonce ainsi Stéphane Pichon, pointant du doigt une certaine forme de clientélisme. Résultat, de trop nombreuses officines dans les grands centres urbains de la région. « Il y a 740 officines dans les Bouches du Rhône » constate Charles Fauré, « dont 370 pour la seule ville de Marseille. » Selon lui, cela serait un tiers en trop. « Tout en conservant le maillage exceptionnel qui fait la qualité du réseau français » se hâte-t-il de préciser. Les dérogations n’ont plus cours depuis quelques années affirme Stéphane Pichon, mais cela ne suffit pas, il faudrait que les pharmacies se regroupent, chose qui peut paraître difficile à des titulaires dont la culture individualiste, très courante dans les métiers d’indépendants, peut éloigner de toute collaboration avec d’autres.
Un contexte concurrentiel durci.
Le trop grand nombre d’officines est-il le principal facteur de l’aggravation de la situation des officines dans la région PACA ? Après tout, on disposait du même nombre il y a quelques années sans que cela n’ait posé de problème majeur jusque-là, déclare en substance Patrick Reggio, pharmacien conseil chef du service médical de l’Assurance-maladie de la région. Pour lui, le contexte concurrentiel s’est tout simplement durci.
« La courbe de remboursement des médicaments en ville a beaucoup baissé, remarque-t-il, alors qu’elle était en hausse d’environ 10 % en 2000 elle n’est plus que de 2 % aujourd’hui ». Autre explication avancée par un observateur avisé du marché, le recours moins marqué aux génériques qu’ailleurs en France, faisant de la région l’une des moins performantes en taux de substitution. Des clients très attachés à l’image de marque des princeps, des pharmaciens parfois peu regardants expliqueraient le moindre recours aux génériques en PACA. Hypothèse que réfute Patrick Reggio, même s’il reconnaît que certains pharmaciens peuvent s’y opposer du fait de la baisse du CA que la hausse de la vente de génériques entraîne. Mais il note que ces mêmes génériques ont une marge plus importante que les princeps et de ce fait doivent aider les pharmaciens à maintenir leur rentabilité.
Des pratiques parfois douteuses.
Quelles que soient l’évolution des conditions d’exercice de la profession, il va falloir s’adapter. « Or, trop d’officines dans la région refusent toute évolution et entretiennent des rivalités qui n’ont pas lieu d’être » soutient Didier le Bail, titulaire de la pharmacie des Quatre Chemins à Grasse. Ces rivalités sont d’autant plus inopportunes qu’il existe sur la côte d’Azur de véritables géants de la pharmacie à l’image de la pharmacie Cap 3000, à Saint Laurent du Var près de Nice. Certaines pharmacies, un peu trop isolées, sont parfois tentées par des pratiques douteuses, fausses ordonnances par exemple, faisant ainsi encourir des risques énormes à l’entreprise. D’autres ont décidé de montrer l’exemple sur la Côte d’Azur où fleurissent nombre de groupements et de GIE visant à mutualiser un certain nombre de tâches, à commencer par les achats. Didier le Bail préconise même que ces regroupements soient proches physiquement : « il faut qu’ils aient une véritable existence géographique de façon à peser vraiment auprès des laboratoires. » Didier le Bail, qui fait partie d’un tel GIE évoque même des possibilités de collaboration comme par exemple la gestion des employés multi-officines. « Dans notre région, certaines travaillent beaucoup l’hiver et d’autres beaucoup l’été » souligne-t-il. Il y a donc moyen de mutualiser les ressources humaines. L’avenir est à la collaboration, non à la concurrence frontale.
Article précédent
A la rencontre du « Quotidien »
Article suivant
Un Forum des pharmaciens face à la « grande bleue »
VENDREDI 13 NOVEMBRE 2009
A la rencontre du « Quotidien »
Un réseau officinal entre soleil et ombre
Un Forum des pharmaciens face à la « grande bleue »
Nice, la belle attractive
SAMEDI 14 NOVEMBRE
Au plaisir des golfeurs et des mélomanes
DIMANCHE 15 NOVEMBRE