Debout face à Christèle et Julien, l'homme raconte :
- Ma mère est restée allongée toute la nuit dans la salle de bains. Elle ne pouvait plus se relever ; mon père ne s'est pas rendu compte qu'elle n'était plus dans la chambre. C'est l'aide à domicile qui a prévenu les pompiers, le matin. Ils l'ont emmené à l'hôpital par précaution.
- Elle a fait un malaise Madame Redien ?, demande Christèle.
- On ne sait pas trop. Ce qui est sûr, c'est qu'elle est épuisée. Mais elle n'a jamais voulu qu'on l'aide. Lui faire admettre qu'une aide à domicile vienne l'aider à s'occuper de papa, c'était déjà très compliqué. Finalement, c'est bien que ce soit arrivé et que ce ne soit pas trop grave. Elle n'aurait pas pu continuer comme ça plus longtemps, à 79 ans.
Le fils des Redien semble libéré de pouvoir se confier :
- Je vous rapporte ça : ce sont des médicaments périmés. J'en ai retrouvé beaucoup, partout, dans toutes les pièces.
Karine, la titulaire, s'approche du comptoir. Julien lui explique la situation :
- Monsieur est le fils de M. et Mme Redien. Il vient nous informer que ses parents sont maintenant à l'EHPAD des Fontaines.
- Oh, vous avez finalement choisi cette option ?, demande Karine qui avait longuement discuté de ce choix difficile avec une des filles de M. et Mme Redien. Votre sœur m'en avait parlé effectivement.
Karine se souvient que les enfants n'étaient pas d'accord sur le placement en institution ; l'un d'entre eux notamment, l'aînée, souhaitait plutôt que ses parents restent chez eux, en organisant un passage quotidien plus fréquent des aides à domicile.
- Ma sœur Valérie n'était pas pour, effectivement ; mais elle habite à 500 km d'ici ; ce n'est pas elle la mieux placée pour donner son avis, rétorque le fils Redien. Comment ça va se passer pour les médicaments ? On m'a dit à l'EHPAD que mes parents pouvaient conserver leur médecin et leur pharmacien.
- Oui bien entendu. Soyez prudent par rapport à cela. Certains établissements orientent fortement vers d'autres pharmacies avec lesquelles ils ont passé un contrat de préparation des médicaments. Mais les patients doivent garder leur libre choix. Avec les Fontaines, ça se passe bien, donc il ne devrait pas y avoir de souci. Ils nous envoient les ordonnances par fax quand il y a besoin, explique Karine.
Puis, voyant que Damien et Lou l'attendaient avec des cartons vides devant le rayon libre accès, la titulaire salue M. Redien et disparaît.
- Vous faites des travaux ?
- On prépare les travaux. Il faut dégager plusieurs linéaires avant l'installation d'un robot, répond Julien en prenant le sac de MNU. Et comment vont vos parents maintenant ?
- Maman reprend plaisir à manger. Le médecin pense que son épuisement était aussi lié à une dénutrition…
- Oui, c'est souvent le cas, et la dénutrition est un problème assez sournois, pas toujours facile à diagnostiquer, poursuit Julien.
- Ça c'est sûr. Le problème, c'est aussi que le médecin qui suivait mes parents ne s'en souciait pas beaucoup. Il les voyait toujours en coup de vent. De toute façon, je voulais qu'ils changent de médecin. C'est chose faite.
La conversation autour du couple Redien continue, tandis que le linéaire se vide derrière les comptoirs pour laisser la place au robot.