EN JUILLET, l’Autorité de la concurrence jette un pavé dans la mare en s’interrogeant sur la levée du monopole officinal sur les spécialités non remboursables. L’instance a lancé une enquête sectorielle sur la distribution du médicament en février et livre ses premières impressions, sans donner d’avis définitif. Mais selon les premiers éléments, elle constate « des écarts de prix de 1 à 4, sur les mêmes médicaments entre différentes pharmacies ». De plus, la disponibilité des médicaments en libre accès reste « faible » et « l’affichage des prix n’est pas toujours parfait ». Elle note aussi que les patients peuvent difficilement être informés des variations de prix d’une pharmacie à l’autre, puisque la publicité est interdite pour les officinaux. « Le Conseil de la concurrence a brisé le monopole de la parapharmacie à l’époque. La question se pose pour le médicament non remboursé, nous n’avons pas la réponse mais nous posons la question », indique le rapport.
La question ne se pose plus le 19 décembre. Après la consultation publique qui a recueilli une centaine de contributions, l’Autorité de la concurrence confirme et signe : elle est favorable à la vente de médicaments sans ordonnance (remboursables ou pas) en parapharmacie et en grande surface, mais d’une manière encadrée. Elle propose en effet que cette vente se déroule sous la responsabilité d’un diplômé en pharmacie qui aura l’obligation de délivrer un conseil, dans un espace dédié et avec un encaissement distinct. Le distributeur de son côté devra s’engager à ne pas banaliser le médicament et à ne pas en faire un produit d’appel. Un choix que l’Autorité de la concurrence justifie en s’appuyant sur les évolutions actuelles (comme l’autorisation de la vente en ligne, la progression du marché de l’automédication qui pèse sur les ménages français) et sur la réussite des autres pays qui ont effectué cette libéralisation. Le but ? Faire baisser les prix.
Problèmes de santé publique.
Dès juillet, le rapport d’étape avait suscité un tollé dans la profession. L’effarement est toujours de mise en décembre. La Fédération française des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) regrette ce rapport à l’approche uniquement économique. « Seul le circuit pharmaceutique garantit la traçabilité des médicaments et la sécurité des patients, dans un contexte où les saisies de médicaments contrefaits sont toujours plus nombreuses et inquiétantes et où la sécurité du médicament est parfois remise en cause », ajoute l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF). L’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF), met en avant la couverture du territoire et la proximité avec les patients offertes par le maillage des 22 000 officines françaises, tout en notant que les prix des médicaments en France sont tout à fait raisonnables par rapport à ceux pratiqués dans le reste de l’Europe. Quant au Collectif national des groupements de pharmaciens d’officine (CNGPO), il souligne que « face à la désertification, le pharmacien reste, dans certaines régions, le seul acteur de santé disponible pour les soins de premiers recours ». Enfin, l’Ordre des pharmaciens, déclare qu’il « n’est pas favorable à la mise en place d’un nouveau circuit de dispensation qui poserait de réels problèmes de santé publique (surconsommation, mésusage…) et qui n’a pas démontré dans les autres pays de grands bénéfices pour le patient ».
Sécuriser la dispensation.
L’Autorité de la concurrence répond que sa proposition n’encouragera pas la surconsommation car « ce ne sont pas des produits qu’on achète à l’avance » et elle se dit « pas convaincue d’un risque de santé publique ». D’autant que cette libéralisation s’accompagnerait d’une « consolidation du rôle du pharmacien », du « renforcement du cyberpharmacien » et du « maintien d’un réseau officinal de qualité ». Et pourquoi pas de la possibilité pour les officinaux d’élargir le champ des produits qu’ils sont autorisés à vendre.
La ministre de la Santé, a immédiatement réagi en se déclarant « opposée à la vente de médicament en grande surface ». Marisol Touraine va plus loin en réaffirmant son « attachement au monopole officinal sur les médicaments, qui permet à notre pays de sécuriser leur dispensation et d’agir efficacement contre la contrefaçon, tout en garantissant l’accès de nos concitoyens aux médicaments sur l’ensemble du territoire ». Cela n’empêche pas Michel-Edouard Leclerc de se frotter les mains à la lecture du rapport de l’Autorité de la concurrence. Avec la ferme intention d’arriver à ses fins, il espère que la loi sur la consommation (Hamon), qui doit être réexaminée en janvier par le Sénat sera « le véhicule qui permettra d’agir sans attendre ». Les pharmaciens sont prévenus : ce n’est pas le moment de baisser la garde.
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