« Hippocrate aux enfers - Les médecins des camps de la mort »
Ses grands-pères sont morts à Auschwitz mais c’est en médecin et « passeur de connaissances » que Michel Cymes a voulu « ajouter modestement (sa) petite pierre au fragile édifice de la mémoire des victimes des Crimes contre l’Humanité ». Parce que, aussi, les voix se faisaient plus nombreuses pour suggérer que les terribles expériences menées par les médecins des camps de la mort avaient peut-être permis des avancées scientifiques.
Alors il s’est penché sur ces expérimentations, qu’il détaille, et sur ces hommes « qui n’étaient pas tous fous et pas tous incompétents ». Il a lu leurs arguments au procès de Nuremberg, face aux nombreux et accablants témoignages. Il s’est penché sur le cas de l’ambitieux Sigmund Rascher, qui travailla, à Dachau, sur l’hypoxie et l’hypothermie ; sur celui de Wilhelm Beiglböck, qui devait trouver, à Dachau également, des substituts à l’eau… Une terrible galerie de portraits – et d’atrocités – où se succèdent Aribert Heim, « le boucher de Mathausen » ; August Hirt, de la faculté de médecine de Strasbourg, qui étudie l’ypérite ; Josef Mengele (Auschwitz) et ses recherches eugénistes sur les enfants ; Carl Clauberg (Auschwitz) et ses travaux sur la reproduction dont souffrirent et moururent des centaines de femmes ; Erwin Ding-Schuler (Buchenwald) et ses injections de typhus. Il y a aussi une femme, Herta Oberheuser (Ravensbrück), qui deviendra pédiatre après la guerre, avant d’être reconnue par d’anciennes déportées.
De cette plongée dans l’horreur, Michel Cymes revient sans réponse claire aux questions qu’il se posait, sinon que de l’immense majorité de ces expériences ne sont sorties que la souffrance et la mort. Et en soulignant que ces médecins, « la honte de notre profession », n’étaient pas seuls mais ont eu pour complices des facultés de médecine, des laboratoires pharmaceutiques et même, pour finir, les Alliés « qui récupérèrent nombre de scientifiques qui avaient les mains souillées du sang de leurs victimes ».
« On l’appelait docteur la mort »
Plusieurs millions de cartes d’identification de soldats, membres de la SA ou de la SS et dignitaires nazis sont tombées entre les mains des autorités militaires américaines en 1945. C’est pain béni pour les enquêteurs, en théorie seulement, car dans la confusion de l’époque, il n’est pas facile de déterminer l’ampleur de la part que chacun a prise aux crimes contre l’humanité. Ainsi le dossier d’Aribert Heim attire l’attention, car, en 1940, il devint membre de la Waffen-SS puis obtint le grade d’Obersturmführer. En 1941, il est inspecteur à Buchenwald, mais dans ce dossier manque curieusement la mention du rôle qu’il a joué à Mauthausen. Par ailleurs, son zèle comme médecin des armées le fera hâtivement classer comme simple « suiviste ».
Mauthausen est l’un des plus effroyables camps de concentration, où les détenus mouraient d’épuisement dans une carrière. Le camp, situé dans la campagne autrichienne, totalisait près de 10 000 gardiens et plus de 50 « médecins » SS. Dont Aribert Heim, qui, pendant deux années, injecta de l’essence dans le cœur de prisonniers, principalement juifs, opérant à vif, décapitant les corps pour enrichir la collection de crânes qui ornait son bureau.
Très vite, Heim disparaît, et le livre qui retrace sa très longue traque met en scène un jeune vétéran de la Wehrmacht, Alfred Aedtner, qui, aidé du célèbre Simon Wiesenthal, se jure de le retrouver. Ils le chercheront en Amérique latine, alors que sous le nom d’Oncle Tarek il habite un quartier populaire du Caire, où les enfants l’adorent, bien qu’il refuse toujours d’être pris en photo.
Précisément, les nombreuses photos du livre révèlent qu’Heim était un très bel homme, très grand, sportif, même si des éclats de cynisme passent dans son regard. La qualité de l’ouvrage est paradoxalement de lui conserver son humanité. Jusqu’au bout son fils Rüdiger, qui le rencontrera deux fois, restera persuadé de son innocence.
« La Grande Misère »
Il n’y a pas beaucoup d’ouvrages sur Ravensbrück, hormis le célèbre livre de Germaine Tillion. Le récit de Maisie Renault est particulièrement bouleversant. Née à Vannes, issue d’une famille très catholique de 14 enfants, elle doit, après la mort du père, assumer une tâche éprouvante. Mais c’est la guerre et l’Occupation, qui la conduisent à rejoindre à Paris un réseau de résistance dirigé par son frère Gilbert, en fait le célèbre colonel Rémy. Arrêtée avec d’autres par la Gestapo, elle est envoyée en août 1944 à Ravensbrück dans un wagon à bestiaux.
On peut avoir l’impression d’avoir lu cent fois, hélas, le récit de certaines situations : l’appel dans le froid, le gazage immédiat des mères et des petits enfants juifs, la dysenterie et surtout l’extrême sadisme des gardiennes, les Aufseherinen, lançant leurs chiens sur ces malheureuses.
Sur les 300 femmes du convoi, 17 ont survécu. Maisie a résisté à l’enfer, en grande partie grâce à sa foi chrétienne.
– Nicolas Kulish, Souad Mekhennet, « On l’appelait docteur la mort », Flammarion,
320 pages, 22,90 euros.
– Maisie Renault, « la Grande Misère », Flammarion, 218 p., 21 euros.
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