LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN. – L’élection de François Hollande peut-elle changer les orientations prévues par la nouvelle convention pharmaceutique ?
CATHERINE LEMORTON. – Absolument pas. Nous ne toucherons pas à la convention. Nous serions même plutôt tentés d’accélérer le volet coopération entre professionnels de santé. Il me paraît nécessaire et indispensable de mettre en place rapidement cette coopération pour pallier les déserts médicaux. Mais attention, il ne s’agit pas de prendre la place des médecins. Je dis simplement qu’il y a des choses que les pharmaciens peuvent faire, qu’ils font souvent déjà quotidiennement. Pour l’instant, la convention mentionne le suivi des patients sous anticoagulants oraux, puis celui des asthmatiques. Je pense qu’il faudra très vite y ajouter le suivi des toxicomanes, car cela demande également un important investissement en temps, qui n’est pas aujourd’hui rémunéré. Au-delà de la convention, j’estime qu’une réflexion sur la mise en place d’un corridor de prix pour les produits de médication officinale devra être engagée. Car si l’on souhaite que le recours à ces médicaments se développe, tout en restant dans le cadre du monopole du pharmacien - ce qui est la volonté de François Hollande - les prix ne peuvent pas osciller d’un à quatre entre deux officines pour une même spécialité. Cela constitue une inégalité d’accès aux soins.
Avec l’arrivée de François Hollande à l’Élysée, risque-t-on de voir les règles de propriétés et d’installation des pharmacies remises en cause, comme l’envisageait le rapport de Jacques Attali, soutien du candidat socialiste ?
Non, François Hollande ne suivra pas ces recommandations. Ce serait la porte ouverte à une financiarisation de la santé. Nous nous battons actuellement contre la financiarisation des laboratoires d’analyses et la détention de leur capital par des personnes étrangères à la profession. Cela doit être la même chose pour l’officine. Quant aux pressions européennes, je rappelle qu’il existe un droit de subsidiarité des États membres en matière de santé. Il faut vraiment, si les Français donnent une majorité au parlement à François Hollande, que nous utilisions ce droit. Même si notre système de santé est aujourd’hui dégradé, il reste bon. Nous devons l’améliorer et surtout le garder.
Quelles seront les priorités en matière de santé du nouveau chef de l’État ?
Nous travaillons déjà au prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Il faut, à ce sujet, mener une réflexion sur la composition des ONDAM (Objectif national des dépenses d’assurance-maladie). En effet, il est nécessaire de les réévaluer en prenant en compte les transferts de charge de l’hôpital vers la ville, liés au raccourcissement des temps d’hospitalisation ou à la sortie de médicaments de la réserve hospitalière.
De nombreux professionnels semblent souhaiter votre nomination au ministère de la Santé. Cela vous semble-t-il envisageable ?
D’abord, je n’ai rien demandé. Par ailleurs, on ne m’a encore rien proposé. Mais il n’y a pas que dans les ministères ou les secrétariats d’État que l’on peut agir. L’Assemblée nationale est un autre lieu où l’on peut être actif, en tant que rapporteur de textes ou à la présidence de la commission des Affaires sociales. Il me semble que, en tant que simple députée de l’opposition responsable de la loi Médicament, j’ai pu faire avancer ce texte. Cette fois, dans la majorité, si j’ai la chance d’être réélue députée, j’aurais la possibilité d’avoir encore plus de marge de manœuvre.
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