ON TROUVERA dans la méthode de gouvernement prescrite au Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, les éléments de la « synthèse » chère à l’ancien Premier secrétaire du Parti socialiste. Son avantage principal, c’est d’éviter les conflits. On ménageait les courants divers du PS, on tente aujourd’hui de calmer tout le monde, des syndicats au patronat. Au moment de l’exercice du pouvoir, la préoccupation première, celle de ne pas se faire d’ennemis, se traduit par l’abandon de la tâche à accomplir. Pourquoi une profonde réforme des retraites est-elle indispensable ? Parce qu’elle contribuerait puissamment à la résorption des déficits publics. Tous régimes confondus, il y a 21 milliards à trouver d’ici à 2020, on n’en a dégagé que 4 ou 5, et au moyen d’une hausse malencontreuse des cotisations sociales qui va s’ajouter à un niveau de prélèvements obligatoires le plus élevé d’Europe. Le report de l’âge de la retraite, en revanche, n’aurait pas coûté un sou, même s’il est perçu par les actifs comme une ignominie, et il aurait permis des économies substantielles. Il aurait été applaudi par l’Union européenne qui s’inquiète à la fois des hésitations du gouvernement face aux tâches qu’il doit accomplir pour redresser les comptes du pays et estime, à juste titre, que, après un déluge d’impôts, il faut réduire les dépenses de manière draconienne.
Dix milliards d’économies.
Tout se passe comme si le point de vue de Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force ouvrière, avait imprégné le gouvernement : il a toujours pensé que la réforme des retraites n’était pas urgente. Tant et si bien que M. Hollande y a pratiquement renoncé. On verra plus tard. Ce qui n’empêche pas M. Ayrault d’annoncer, sans autre explication, que, en 2014, la dépense publique diminuera de dix milliards. On se demande où il va trouver pareille somme alors qu’il n’a pas su faire des économies sur les retraites. Peut-être le problème ne se situe-t-il pas au niveau de tel ou tel dossier mais à celui de la gouvernance générale de M. Hollande. Son ex-compagne, Ségolène Royal, a dit un jour de lui : « En trente ans, je ne l’a jamais vu prendre une décision ». Le chef de l’État, si courageux en matière de politique de défense et si faible dans le domaine de la politique économique et sociale, est-il en train de donner raison à Mme Royal ?
Les réformes ne sont pas de gauche ou de droite. Elles représentent des contraintes extrêmes dictées par une crise d’où nous ne sommes pas encore sortis, en dépit de l’optimisme dont faire preuve le président. Certes, il est dans son rôle quand il parle d’un avenir meilleur, d’un retour de la croissance et de son fameux « retournement de la courbe du chômage avant la fin de l’année ». On ne saurait lui reprocher de’essayer de galvaniser ses concitoyens. Il serait néanmoins préférable qu’il leur offre un panorama cohérent de l’action qu’il entend mener jusqu’à la fin de son mandat, qu’il en décrive les grandes lignes, qu’il définisse les objectifs à atteindre et qu’il cesse de reculer devant l’obstacle. Qu’il ne cherche pas nécessairement à retrouver un peu de popularité où à séduire des électeurs par des mesures conjoncturelles, mais à leur faire comprendre la nature des enjeux et les efforts qu’il faut fournir pour gagner la partie. Il y avait cette année une occasion exceptionnelle de réformer les retraites, certes au prix d’un conflit avec les syndicats, mais d’une manière qui aurait assuré pour longtemps la retraite par répartition. Ce à quoi les Français sont très attachés. Peuvent-ils croire maintenant à la pérennité du système ?
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