Si vous lisez le « Journal de l'Ordre des pharmaciens », vous avez peut-être pris connaissance de ces affaires de concurrence déloyale entre confrères, et plus précisément entre un titulaire et son adjoint qui s'installe à proximité de son ancien employeur. En 2011 par exemple, un titulaire a saisi le Conseil régional de l'Ordre des pharmaciens pour empêcher la reprise, par son adjoint, d'une pharmacie située dans la même commune. Le Conseil régional a initialement refusé l'inscription au tableau de la section A de l'ancien adjoint sur le fondement de l'article R 4235-7 du Code de la santé publique, bloquant ainsi l'acquisition de l'officine. Saisi par le prétendant à l'installation, le Conseil national a finalement conclu à l'absence de concurrence directe vis-à-vis de l'ancien employeur, précisant que l'installation en question ne contrevenait pas aux règles déontologiques.
Le principe de non-concurrence
Pour préserver les intérêts économiques de l'entreprise officinale, trois dispositifs de protection sont prévus : l'article 4235-37 du Code de déontologie (Santé publique), la clause de non-concurrence dans le contrat de travail, et le contrat de société s'il s'agit d'une association.
Le Code de la santé publique prévoit un délai de deux ans « pendant lequel le pharmacien adjoint, remplaçant ou stagiaire ne peut entreprendre l'exploitation d'une officine où sa présence permette de concurrencer directement le pharmacien assisté ou remplacé ». « À cet article de loi, s'ajoute la clause de non-concurrence mentionnée dans le contrat de travail. Selon cette clause, l'employé s'engage à ne pas travailler chez un concurrent pendant un temps et dans un secteur limité. La durée et la zone géographique doivent être proportionnées et adaptées à l'activité », explique Valérie Siranyan, maître de conférences de droit de la santé à Lyon. En contrepartie, une indemnité financière est prévue. « Cette indemnité financière a été introduite pour compenser l'atteinte à la liberté de travail du salarié, qui est une liberté constitutionnelle. »
La loi et le devoir
Au-delà de la clause de non-concurrence, s'applique le devoir de loyauté. Lui aussi est inscrit dans le Code de déontologie (R. 4235-34). Il s'applique à tous les pharmaciens et à l'ensemble des situations pouvant porter atteinte à l'employeur et à son entreprise. « L'exemple le plus simple est celui de l'adjoint qui fait deux mi-temps dans deux officines. Son devoir est d'informer les employeurs pour éviter des litiges ultérieurs », commente Valérie Siranyan. « Le fait d'avoir introduit la notion de loyauté dans le Code de la santé publique est important et s'inscrit dans la relation de confraternité et de respect. Il ne s'agit pas que d'un rapport de force financière, comme avec la seule clause de non-concurrence », ajoute Guillaume Fallourd, avocat spécialisé en droit pharmaceutique.
Loyauté et transparence
L'exemple de Mélanie G illustre cette notion de loyauté, et de transparence. Cette pharmacienne s'est installée il y a une dizaine d'années dans une pharmacie située à 15 km de son maître de stage. Un an avant de devenir titulaire, elle est revenue travailler chez ce confrère qui l'avait formée. « Je savais que c'était pour une durée limitée, le temps de finaliser le rachat de ma pharmacie. J'ai choisi la transparence. J'ai expliqué que je prévoyais de racheter une pharmacie dans une commune voisine. » Il n'y avait pas concurrence directe entre les deux officines, mais la démarche de loyauté de Mélanie a été appréciée par son ancien maître de stage.
Aujourd'hui, une relation de confiance s'est établie et a ouvert la voie à une coopération professionnelle profitable : « la proximité nous permet de travailler régulièrement ensemble. Nous faisons partie du même groupement et nous nous dépannons si besoin. »
Coup de poignard dans le dos ou opportunité
Pourtant, cette démarche loyale n'est pas toujours évidente. Certains titulaires en ont fait les frais. Maître de stage, Catherine C a été confrontée à cette épreuve : « Mon ancien stagiaire de sixième année avait fait une demande de création près d'un centre commercial récemment installé dans la commune où j'exerçais. Il n'était plus stagiaire à ce moment-là, mais nous consultait régulièrement pour des conseils divers. En outre, son épouse travaillait encore chez moi. J'ai appris sa démarche de création par hasard. Au-delà de la concurrence directe à laquelle nous allions être confrontés, ce comportement m'a profondément blessée. »
Cette installation ne s'est finalement pas réalisée, mais a laissé un souvenir amer à l'un comme à l'autre pharmacien. « La transmission entre le maître de stage et son stagiaire, ou entre le titulaire et l'adjoint, est un point fondamental à mon avis. C'est normal que l'adjoint s'installe un jour ; c'est à nous, titulaires, d'en parler avec lui pour savoir quels sont ses projets, et peut-être envisager une collaboration future entre les deux établissements », analyse Mélanie G.
La pharmacie de mes rêves
Cette réflexion est d'autant plus juste que les nouveaux montages financiers encouragent la participation des officines voisines. « Dans le cas d'une société de participation financière, il ne faut pas raisonner concurrence, mais réseau ! Si dans une même commune deux pharmacies ont des participations croisées, tout le monde s'y retrouve et la clause de non-concurrence ne se justifie plus », explique Valérie Siranyan. L'universitaire lyonnaise donne souvent cet exemple à ses étudiants : « Je suis en stage et je trouve la pharmacie de mes rêves en face de celle de mon maître de stage, quelles sont les possibilités ? ». La réponse n'est pas si simple et de nombreux paramètres entrent en compte. Mais on ne doit pas négliger la possibilité de s'entendre entre confrères, pour que chacun y trouve un bénéfice. « Dans le cadre d'une profession libérale, il y a toujours un intérêt à communiquer », insiste Guillaume Fallourd. « Ce qui est important, c'est que les accords trouvés soient écrits », conclut Valérie Siranyan. Par une meilleure communication en amont, de nombreux litiges pourraient ainsi être évités.
Insolite
Épiler ou pas ?
La Pharmacie du Marché
Un comportement suspect
La Pharmacie du Marché
Le temps de la solidarité
Insolite
Rouge à lèvres d'occasion