Dans l'écosystème en pleine révolution qu’est le monde de la santé, les notions de prédiction, de prévention, de personnalisation des traitements et de participation du patient composent désormais la trajectoire des professionnels de santé. C’est en tout cas l’analyse que fournit Olivier Babeau. L’économiste, professeur à l'université de Bordeaux, livre aux pharmaciens quelques règles pour mieux négocier le virage qui verra leur statut « de négociant détaillant » se muer dans un proche avenir en celui d’ « intermédiaire de santé polyvalent de premier rang ».
Encore faut-il que la profession fasse preuve d’anticipation sur un futur où elle cumulera enjeux, mais aussi difficultés. Cependant le plus grand écueil ne serait-il pas de concevoir des innovations inappropriées ? Olivier Babeau rappelle ainsi qu’« une invention n’a de sens que dans le monde où elle est accomplie ».
Le modèle GAFA
Dans leurs efforts d’anticipation, les pharmaciens peuvent s’inspirer d’autres secteurs d’activité où la fin du standard a d’ores et déjà sonné : l’informatique, l’automobile, la musique et même l’habillement. L’analyse de ces secteurs désormais dominés par l’intelligence artificielle (IA) démontre cependant, note l’économiste, les limites de cette évolution. Bien qu’exponentielle, la prépondérance de l’IA se heurte à ses capacités à raisonner de manière transversale. « Car si l’IA est capable d’effectuer des tâches déductives, partant du général au particulier, elle est plus en peine sur les taches inductives, c’est-à-dire concernant l’application du particulier au général », indique Olivier Babeau.
Ce constat s’adresse tant aux industriels qu’aux pharmaciens incités à inventer leur modèle économique de demain. Or le monde de l’officine détient des atouts imparables, « un achalandage comparable à celui de la grande distribution, une compétence unique, une garantie offerte sur les produits vendus », énonce l’économiste. Reste aux pharmaciens à convertir l’essai. Olivier Babeau les enjoint de lorgner les succès remportés par les GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon) qui ont su s’adapter en respectant les principes de simplicité et surtout d’utilité pour l’usager. « Une condition sine qua non, car ce n’est pas parce qu’une innovation est techniquement possible qu’elle deviendra un objet à succès », précise-t-il.
Deuxième enseignement, ne pas hésiter à recourir à l’hybridation. Toute innovation doit pouvoir se conjuguer avec un produit déjà existant, sans chercher à le remplacer. À l’instar de la télévision qui n’a pas supplanté la radio, ou encore du livre électronique qui n’a pas tué le papier, les objets connectés ne se substitueront pas au pharmacien. Mais ce dernier pourra faire de la lecture de ces objets et de l'interprétation des données collectées, une plus-value. L’économiste met en garde la profession de tourner le dos à ces innovations. Et de rappeler la mort de Kodak qui, bien que détenteur du brevet de la photo numérique, n’a pas cru en son développement.
Garder le contrôle des données
Enfin troisième facteur de succès, la mise en relation. « Celui qui contrôle l’accès au client, détient la véritable valeur », affirme Olivier Babeau. Le « producteur » n’est plus aujourd’hui celui qui produit mais celui qui ouvre la porte d’entrée sur l’individu, client potentiel. Les GAFA en ont fait credo et ont basé leur modèle économique sur le contrôle des données clients qu’ils accumulent via leurs produits, plus particulièrement leurs applications.
Or, rappelle Olivier Babeau, ces mêmes GAFA qui ont pour dessein de devenir fournisseurs uniques du client de demain, sont désormais aux portes du monde de la santé. Ils collectent déjà sans relâche et en continu les données de santé des individus, le plus souvent à leur insu. Cette révélation doit inciter les titulaires à ne pas se laisser doubler. Dotés d’un capital confiance sans équivalent, les pharmaciens sont destinés à devenir les fournisseurs de services de proximité de demain. Ils doivent pour cela garder cette longueur d’avance. Pourvu que le cadre réglementaire, moyennant quelques évolutions, leur en donne les moyens.
D'après une conférence Giphar/Les EchosEvents « La conduite du changement : rêve ou réalité ».
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