LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN.- Le recours au découvert bancaire est bien souvent la seule solution qu’ont les pharmaciens lourdement endettés pour faire face à leurs échéances. Est-ce la bonne solution ?
PHILIPPE BECKER.- Actuellement, la part des pharmaciens qui connaissent les affres des fins de mois difficiles est en forte augmentation. Dire que le découvert est une bonne chose, certainement pas ! Mais c’est souvent la seule solution. Le découvert, c’est le symptôme de problèmes de gestion divers et variés qui s’amplifient aujourd’hui du fait de la faible croissance des chiffres d’affaires. La bonne décision à prendre est de rechercher les causes pour trouver la ou les solutions. En effet, le découvert n’est pas un mode de financement normal pour une officine.
Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?
CHRISTIAN NOUVEL.- Tout simplement parce que le découvert bancaire peut toujours être remis en cause, et à tout moment, par la banque du pharmacien. Certes, il y a un délai de prévenance - de 60 jours - mais qui est particulièrement court et qui ne permet pas, en général, de trouver une option alternative. Ajoutons que le découvert est un mode de financement ruineux - puisque le taux est compris entre 10 et 13 % -, et qui finit par creuser encore plus la trésorerie de l’officine. Le découvert est donc un piège qui séduit par sa facilité d’utilisation dans les limites contractuelles fixées par la banque, mais qui devient vite une forme d’addiction dangereuse.
Quand faut-il s’inquiéter ?
PHILIPPE BECKER.- Dès que le découvert apparaît de façon régulière. Comme le dit le slogan : dès les premiers symptômes, il faut se poser les bonnes questions. Cela signifie qu’il faut faire un point avec son cabinet comptable pour faire une estimation de la trésorerie prévisionnelle. L’idée est d’éviter de dépasser le plafond autorisé par la banque et de vivre seulement avec ce que l’on appelle communément un incident bancaire. La deuxième étape est d’analyser les causes, qui peuvent être multiples. En général, il y a d’ailleurs une cause principale et des causes secondaires.
Justement, quelles sont les causes principales du découvert ?
CHRISTIAN NOUVEL.- La première est le mauvais financement initial, en d’autres termes la faiblesse des fonds propres. En période de forte croissance, le pharmacien qui n’a pas suffisamment apporté à son officine parvient à gérer cette situation dans le temps. Mais, depuis deux ans, il faut reconnaître que c’est devenu très difficile. On en revient toujours à l’équation rentabilité et prix de vente, et, bien souvent, la faiblesse de l’apport initial se conjugue avec un prix d’achat trop élevé. Il y a des erreurs qui ne pardonnent plus aujourd’hui. Une autre cause est l’inadéquation entre les prélèvements du titulaire et la rentabilité de l’officine. Dans ce cas, la solution est, chacun le comprendra bien, dans la réduction du budget familial. Certes, cela est plus facile à dire qu’à faire, mais c’est un point à surveiller car les banquiers sont en général assez sévères avec les cigales !
PHILIPPE BECKER.- Bien gérer sa relation avec son banquier est primordial. Savoir s’en faire un allié, à défaut de s’en faire un ami, est un bon moyen pour se sortir d’une difficulté passagère. En évitant de le mettre devant le fait accompli et en recherchant avec lui toutes les solutions alternatives - emprunt de restructuration, allongement d’un crédit etc. -, on parvient dans la plupart des cas à émerger. La seule politique vraiment mortelle est la politique de l’autruche !
La nouvelle réglementation en matière de délais de paiement a-t-elle contribué à créer du découvert chez les pharmaciens d’officines ?
PHILIPPE BECKER.- La réduction des délais de paiement n’améliore pas la trésorerie, et il faudra d’ailleurs s’attendre à une nouvelle dégradation lorsque l’accord dérogatoire sur ces délais de paiement arrivera à son terme. Ceci étant dit, cette nouvelle législation a le mérite de remettre en cause l’équation quantités commandées/remises obtenues/délais de règlement. Mais le paradoxe est de voir des pharmaciens continuer à acheter des produits à faible rotation en forte quantité, sous le fallacieux prétexte d’obtenir de meilleures conditions. Si l’officine est à découvert, cela n’a pas de sens ! Force est de constater que la politique d’achat en officine est un point faible de la gestion. Si chaque pharmacien se représentait visuellement son stock sous la forme de billets de 500 euros accrochés dans le vent à un fil, il y aurait beaucoup moins de problèmes de découvert et d’incidents de paiement.
Est-ce à dire que les pharmaciens doivent faire leur révolution culturelle dans ce domaine pour éviter les difficultés de trésorerie ?
CHRISTIAN NOUVEL.- Ce n’est pas seulement le problème des pharmaciens, c’est le problème de toute la chaîne de distribution des médicaments non remboursables et de la parapharmacie. Tout pousse au surstockage et souvent au gaspillage. Il y a vingt ans, les marges permettaient encore quelques fantaisies. Il y a dix ans, la croissance des chiffres d’affaires effaçait quelques erreurs d’appréciation. Mais aujourd’hui, tous ces « airbags » ont disparu. Il faut donc être lucide et savoir conduire sa politique d’achat avec constance et vigilance. Réduire la voile par mauvais temps n’est pas un signe de faiblesse, bien au contraire !
Insolite
Épiler ou pas ?
La Pharmacie du Marché
Un comportement suspect
La Pharmacie du Marché
Le temps de la solidarité
Insolite
Rouge à lèvres d'occasion