Ce texte est une avancée fondamentale. Il s’inscrit dans la ligne de l’avenant 11 qui réforme le rôle du pharmacien, professionnel de santé, selon Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) et signataire de cet avenant avec l’assurance-maladie. Un satisfecit qui ne manque pas d'agacer Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France et non-signataire de l’avenant 20, pour qui ce texte est « une véritable arnaque ». Difficile de présenter des visions plus éloignées de la mise en place de la dispensation adaptée à l’officine.
L'intervention du pharmacien consiste à délivrer la quantité pertinente de médicaments et à adapter au besoin la posologie. Cette nouvelle mission prend pour cadre 22 classes thérapeutiques (voir ci-dessous). En pratique, le pharmacien peut réaliser une intervention pharmaceutique (IP) « à la ligne », donc, potentiellement, plusieurs IP par ordonnance. Un code traceur, créé d’ici au mois de juin, sera utilisé pour chaque IP et déclenchera un paiement initial de 10 centimes d'euro pour chaque acte. Après avoir calculé une moyenne de ventes annuelles des 22 classes thérapeutiques de juillet 2015 à juin 2020, et considérant que la tendance naturelle est un recul des volumes de 1 % par an, l’assurance-maladie estime que les interventions des pharmaciens auront un impact dès lors que le recul annuel atteindra au moins 1,5 %.
Valoriser et encourager
C’est à partir de cet objectif qu’un paiement par ROSP sera déclenché en fin d’année glissante (de juillet à juin), au plus tard en septembre. L’économie réalisée sera répartie entre l’assurance-maladie (55 %) et les pharmaciens (45 %). La somme destinée aux pharmaciens sera divisée par le nombre d’IP et le résultat (plafonné à 3,60 euros) multiplié pour chaque pharmacien par le nombre d’IP qu’il aura réalisées. Pour la deuxième année, la base de calcul conservera la moyenne annuelle des ventes en volume calculée sur la période 2015-2020 à laquelle l’assurance-maladie appliquera une baisse de 0,5 %. Pour Nicolas Revel, directeur général de la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM), ce texte constitue une rupture. « À la fois parce que, grâce à cet avenant, le pharmacien sera rémunéré quand il ne dispense pas et également parce qu’il s’inscrit dans un enjeu plus large qui est de mobiliser nos moyens pour préserver notre système de santé en maîtrisant les dépenses, sans recourir nécessairement à une régulation tarifaire », expose-t-il.
« Cet avenant relève du bon usage du médicament et d’une lutte contre l’iatrogénie. Car ce dispositif évite le stockage dans les armoires à pharmacies de médicaments qui pourraient être réutilisés plus tard à mauvais escient », souligne Gilles Bonnefond. « Un certain nombre de pharmaciens le font déjà, mais sans traçage, et cela les pénalise puisqu’ils délivrent moins sans être rémunérés pour cette intervention pharmaceutique. Cet avenant va permettre de valoriser ce qu’ils font et, au-delà, d'encourager la profession à faire davantage », ajoute-t-il. Il soutient, tout comme Nicolas Revel, « une volonté d’expérimenter un modèle créatif qui s’inscrit dans un principe de réalité ».
Pantins de la Sécu
L'enthousiasme de l’USPO n’est pas partagé par la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), tant s’en faut. D’abord parce que cette adaptation de la délivrance aux besoins réels du patient est déjà une pratique habituelle à l’officine. Raison pour laquelle, rappelle Philippe Besset, président de la FSPF, il reste dubitatif sur le succès d’un tel dispositif. « Pour déclencher la ROSP, les pharmaciens devront dispenser une quantité inférieure au maximum de boîtes prescrites. Comme les pharmaciens délivrent déjà la juste quantité de médicaments, aucune baisse de volume ne sera observée et la ROSP ne sera jamais déclenchée », prédit-il. S’il approuve la mise en place d’un code traceur offrant de la visibilité à cet acte pharmaceutique, il estime en revanche que le mode de rémunération choisi est mauvais. Alors même que la profession se bat pour des rémunérations au fil de l’eau et non à N +1 – ce qu’elle vient d’obtenir pour les entretiens pharmaceutiques et les bilans partagés de médication – la création d'une nouvelle ROSP est « une véritable régression ». Plutôt que « cette usine à gaz » qui rémunère la baisse du nombre de boîtes dispensées et qui « ne sera pas reconductible » dès lors que la dispensation sera parfaitement ajustée aux besoins des patients, Philippe Besset aurait préféré une rémunération de 1 euro par dispensation adaptée. Résultat, la FSPF n’est pas signataire de l’avenant, qu’elle considère comme « une véritable arnaque » et qui fait des pharmaciens « les pantins de la Sécu ».
Le syndicat majoritaire des pharmaciens estime par ailleurs qu’il ne s’agit pas d’une intervention pharmaceutique, qui « recouvre un tout autre concept : celui d’un acte de coordination avec le médecin ». Une remarque également mise en avant par les syndicats de médecins, très remontés contre cet accord conventionnel qui ne les implique pas. Pour le Syndicat des médecins libéraux (SML), hostile à cette mesure, cette dispensation adaptée transforme les pharmaciens en un « verrou de contrôle économique de la prescription médicale ». MG France, de son côté, souligne « le caractère provocateur et contre-productif d'un avenant signé contre l'avis des professionnels concernés » et rappelle que la dispensation du médicament nécessite, certes, le conseil officinal mais doit s’inscrire « dans le cadre d'un accord interprofessionnel et de protocoles validés par les professionnels de terrain ».
Inacceptable pour les médecins
Enfin le Dr Jérôme Marty, président de l'Union française pour une médecine libre (UFML) juge inacceptable « d'inciter financièrement le pharmacien à ne pas dispenser tout ou partie des traitements à posologie variable prescrits par le médecin » et reproche aux syndicats de pharmaciens d'obtenir des missions « dans le dos des médecins ».
Nicolas Revel se défend de ces accusations et explique qu’il a pris soin d’expliquer le dispositif aux médecins en Commission paritaire nationale (CPN) fin 2019 et de leur exposer les classes thérapeutiques concernées. « Je pense qu'ils sont, depuis, rassurés sur le champ de la dispensation adaptée qui consiste avant tout à protéger les patients contre le mésusage. » Renchérissant sur cet argument, Gilles Bonnefond affirme que la dispensation adaptée sera une stratégie à long terme pour lutter contre l’iatrogénie. Un risque qui, met-il en garde, ne manquera pas d’émerger avec la vente en ligne de médicaments.
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