Les confidences ne sont pas l’apanage des femmes, ainsi que le prouve « la Nuit de feu » (1), l’étonnant dernier ouvrage du dramaturge, romancier, nouvelliste, essayiste et réalisateur Éric-Emmanuel Schmitt, aussi prolifique qu’encensé de par le monde. Âgé aujourd’hui de 55 ans, il raconte en toute simplicité comment, il y a plus d’un quart de siècle, alors qu’il était parti sur les traces de Charles de Foucauld pour les besoins d’un film, il a rencontré Dieu.
L’expérience mystique a croisé l’aventure. Inclus dans un groupe de touristes aux motivations variées, l’écrivain est tombé d’emblée sous le charme du Sahara et des Touareg. Vers la fin du voyage, alors qu’il gravit le mont Tahat, le plus haut sommet du Hoggar (3 000 m), il s’est éloigné de ses compagnons et perdu. Seul dans l’immensité, tandis que le jour décline. Alors qu’il n’aspire plus qu’à mourir pour échapper au vent violent et glacé qui l’assaille, une force de feu et de lumière lui pénètre le corps et l’esprit et le soulève. L’extase va durer toute la nuit et fera de lui un croyant pour toujours. Croyant mais agnostique, Éric-Emmanuel Schmitt se garde de tout prosélytisme : « Je n’ai fait qu’éprouver, je ne prouverai donc pas, je me contente de témoigner. »
Avec « Un amour impossible » (2) de Christine Angot, on entre sur un terrain déjà foulé, le viol qu’elle a subi par son père (« l’Inceste », « Une semaine de vacances »), mais, ici, le drame n’est qu’une des composantes de l’intrigue, où plusieurs histoires d’amour s’entremêlent, celle qui unit la mère et la fille étant au cœur du roman. Pour la comprendre, la narratrice rappelle la passion qui, à la fin des années 1950, a réuni son père et sa mère, le Parisien « de passage », fils de famille, et la belle juive, employée à la Sécu à Châteauroux, de celles qu’on met enceinte mais qu’on n’épouse pas. Très attachées l’une à l’autre, l’enfant et sa mère vivent dans l’attente des visites sporadiques du géniteur et l’espoir tenace que Christine soit « reconnue ». Jusqu’à ce que le père abuse de l’adolescente ; une façon, selon l’auteure, d’humilier encore plus la femme et la mère, en lui imposant la honte de n’avoir pu éviter ça. L’amour inconditionnel cède alors la place au ressentiment et le temps va aggraver le fossé, d’ordre social et surtout intellectuel, qui éloigne la jeune fille de sa mère. Le récit, implacable, se termine pourtant sur une lueur d’espoir.
Les dangers du succès
Écrire est dangereux, avoir du succès, encore plus. On le découvre dans « Tandis que je me dénude » (3), de Jessica L. Nelson, quand une jeune femme, saluée dès son premier roman, est invitée sur le plateau télé d’une grande émission culturelle diffusée en direct, où l’apparence compte plus que les idées. Jeune professeure discrète et réservée, la lauréate se sent harcelée de toutes parts et se persuade qu’elle va apparaître nue aux yeux de tous. Tandis qu’elle s’effondre et se fissure de l’intérieur en essayant vainement de réagir, des téléspectateurs qui la connaissent donnent leurs points de vue sur ce qu’ils voient et entendent. Son histoire se construit en dehors d’elle-même alors même que se déconstruit son être. Une approche pertinente de notre société médiatisée, qui surexpose l’intimité pour mieux la nier.
La narratrice de « D’après une histoire vraie » (4) s’appelle Delphine et elle est, à l’image de Delphine de Vigan, une écrivaine qui, après l’immense succès rencontré avec son dernier roman consacré à sa mère (« Rien ne s’oppose à la nuit », en 1911), ne se sent plus capable de prendre la plume, tourmentée par les lecteurs qui réclament une suite, tandis que d’autres lui reprochent d’avoir bâti sa célébrité sur la mort de sa mère. Elle rencontre alors par hasard (?) L., une jeune femme de son âge, « nègre » de son métier, tellement chaleureuse et amicale qu’elle se rend indispensable, et qui, mine de rien, fait le vide autour d’elle. On sent que cette complicité immédiate et totale cache quelque chose et le roman prend alors les allures d’un thriller à la Stephen King. Le récit devient presque un page-turner tant la construction, qui mêle adroitement le suspense à l’interrogation sur l’écriture et l’autofiction, avec une fin de bon aloi, tient en haleine.
Nathalie Rheims ne le cache pas : son 17e livre, « Place Colette » (5), qui narre les amours interdites entre une adolescente de 12 ans et un comédien de trente ans son aîné, appelé Pierre, est un « roman vrai », qui s’inspire de faits réels. Elle raconte donc comment, en vacances dans la propriété familiale en Corse, après trois années d’hospitalisation qui lui ont permis de lire les grands auteurs, elle a élu, parmi les nombreux invités qui se succèdent en la laissant dans l’ennui le plus total, un sociétaire de la Comédie-Française bien de sa personne et qu’elle n’a eu de cesse de le séduire. Ce qui fut fait l’année suivante. Mais cette histoire d’initiation sexuelle – où l’auteure prend plaisir à détailler les scènes de dépucelage et autres amusements charnels – est aussi l’histoire d’une initiation au théâtre, l’autre passion de la narratrice.
(2) Flammarion, 217 p., 18 euros.
(3) Belfond, 238 p., 17 euros.
(4) JC Lattès, 479 p., 20 euros.
(5) Léo Scheer, 311 p., 20 euros.
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