ILS SONT TOUS docteurs en pharmacie, ils ont tous fait du terrain avant de s’engager dans l’inspection, ils sont tous apparemment parfaitement heureux de leur choix de carrière. Les pharmaciens inspecteurs de la Santé publique (PHISP), redoutés pour l’une de leurs très nombreuses missions - l’inspection des établissements de santé, officines comprises - pourraient également être enviés pour la diversité des postes qu’ils peuvent occuper au cours de leur carrière. Trois PHISP épanouis dans leur travail, c’est le témoignage de Françoise Falhun, Philippe Murat et Frédéric Boël.
Diplômée en 1972, Françoise Falhun travaille deux ans comme assistante en officine à Royan, puis repart à Bordeaux pour passer un certificat d’études supérieures (CES) de pathologie médicale, tout en assurant un mi-temps en officine. Elle décroche ensuite une bourse d’études du Conseil des arts du Canada et part étudier à l’université Laval, à Québec, où elle passe une thèse de maîtrise de pharmacie sur « l’influence de certains médicaments sur le système gastro-intestinal. »
La jeune femme doit effectuer 1 100 heures de stage en officine pour valider l’équivalence de son diplôme de pharmacien. L’occasion de découvrir les pratiques canadiennes. « On disposait de bocaux de spécialités par DCI et on déconditionnait, on comptait, étiquetait et fournissait le traitement ad hoc, les médecins prescrivaient parfois en DCI et on substituait à tour de bras. On donnait beaucoup de conseils par téléphone, notamment lors de tempêtes de neige où il est difficile de se déplacer. »
Le pied à l’étrier.
De retour en France, la jeune femme suit les conseils d’une amie PHISP et se partage entre un mi-temps au ministère de la Santé comme contractuelle et un mi-temps en officine, « pour voir si ça me plaisait avant de m’engager dans le concours de pharmacien inspecteur. Je suis entrée au bureau de la révision des dictionnaires de spécialités pharmaceutiques (Vidal) et des banques de données*, pour vérifier l’information des industriels sur les classes de médicaments. »
Six mois plus tard, la jeune femme réussit le concours de pharmacien inspecteur et suit la formation de l’École nationale de santé publique (ENSP), aujourd’hui devenue l’École des hautes études en santé publique (EHESP). Titularisée en 1980, elle reprend ses fonctions au bureau du Vidal ; elle le quittera en 1985 pour congé parental. Mère de quatre enfants, c’est en 1990 qu’elle remet le pied à l’étrier en entrant à la DRASS Île de France. « L’inspection des officines fait partie de mes missions, comme celle des pharmacies à usage intérieur (PUI), des grossistes-répartiteurs, plus tard des fabricants et, enfin, des laboratoires d’analyse de biologie médicale (LABM). De 1997 à 2000, je suis le référent des LABM. »
Après 10 années à la DRASS Île de France, Françoise Falhun devient chef de poste de l’unité d’inspection des médicaments biologiques à l’AFSSAPS, où elle s’installe jusqu’au 1er octobre dernier. « Je faisais à la fois du terrain et du management, avec une petite équipe au solide bagage scientifique chargée des médicaments très sensibles : vaccins, médicaments dérivés du sang, thérapies innovantes. »
Reconnaissance mutuelle.
L’équipe participe à des séminaires et explique l’évolution de la réglementation des médicaments biologiques. C’est aussi l’occasion de travailler à l’international puisque l’AFSSAPS peut inspecter un établissement qui a fait une demande ou obtenu une AMM en procédure centralisée et se situe hors de l’Union européenne. En Europe, les agences et inspections ont une reconnaissance mutuelle et se transmettent les informations. « Nous aurons bientôt une base commune d’échange pour tout savoir de la dernière inspection ou du dernier certificat de bonnes pratiques de fabrication. »
Françoise Falhun pensait terminer sa carrière de PHISP à l’AFSSAPS et prendre sa retraite en 2010, dans l’intention de s’investir dans le secteur social. « En tant que présidente du syndicat des PHISP, je suivais avec attention le remplacement de ma collègue en charge de la formation des pharmaciens inspecteurs à l’EHESP et j’ai fini par postuler car j’avais déjà rêvé de ce poste rennais par le passé. » La responsable formation des pharmaciens inspecteurs doit renforcer les relations avec l’AFSSAPS, le ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de la Mer, des structures comme l’Institut national du cancer (INCa) ou l’Institut de veille sanitaire (InVS), l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA). « J’ai signé pour trois ans, sourit-elle, et j’ai un bon carnet d’adresses. »
À bout de course.
De son côté, Philippe Murat devient pharmacien inspecteur après 15 années de pratique dans divers établissements. Pharmacien biologiste, il commence comme contractuel dans un hôpital psychiatrique départemental en Dordogne, puis rejoint l’Établissement français du sang (EFS) pendant un an, devient directeur d’un LABM l’année suivante, et enchaîne les postes dans divers laboratoires. Le hasard provoque une rencontre avec un pharmacien inspecteur passionné qui le convainc de la richesse du métier.
« J’étais à bout de course, je voulais faire autre chose, j’ai passé le concours fin 2001. » Titularisé, Philippe Murat est affecté à la DRASS de Poitou-Charentes, proche de sa région d’origine. « Je m’occupais en particulier des laboratoires et du secteur de la Charente-Maritime. Dans un premier temps, j’avais des missions classiques d’inspection dans les officines, les PUI, chez les grossistes-répartiteurs, les prisons et je gérais les autorisations de distribution d’oxygène médical. »
Puis l’équipe de PHISP s’étoffe, passant de 2 à 4 et permettant à Philippe Murat de se consacrer davantage aux LABM. Il participe alors au tout premier schéma régional d’organisation des soins (SROS) en biologie en France, mis en place par la région Poitou-Charentes.
Réforme de la biologie.
« J’étais co-chef de projet avec un médecin inspecteur, ancien biologiste. Nous avons commencé en réunissant les hospitaliers. Ils n’avaient pas l’habitude de se parler mais petit à petit, ils ont appris à mieux se connaître et c’est ainsi qu’ils ont mis en place leur première journée de formation régionale à La Rochelle. Par la suite, nous avons réussi à rassembler hospitaliers et biologistes privés », note Philippe Murat.
En 2006, le biologiste intègre la DRASS Aquitaine où il est en charge du secteur Pyrénées-Atlantiques et devient le référent des LABM. « Au même moment, le ministère de la Santé envisage une réforme de la biologie, faisant suite à un rapport de l’IGAS**. Les services déconcentrés sont sollicités pour fournir des référents. Nous avons des réunions mensuelles depuis deux ans pour écrire l’avenir. Le texte a été amendé par les professionnels, la réforme doit se faire par voie d’ordonnance et celle-ci est quasiment bouclée, elle devrait passer début janvier et entrer en application courant 2010. »
Parallèlement, Philippe Murat poursuit ses missions à la DRASS, notamment en termes d’inspections des officines, à travers un programme d’évaluation des bonnes pratiques de préparation. « Le but était d’informer le pharmacien, de l’aider à s’approprier ces bonnes pratiques de préparation, de corriger certaines pratiques au besoin. »
Prêter serment.
Philippe Murat aime son métier. « Il permet des remises en cause permanentes. La façon d’appliquer un référentiel demande réflexion, on rencontre de nombreuses situations intéressantes, on fait avancer la santé publique. Selon ses goûts personnels, son parcours professionnel, sa formation, l’inspection permet à chacun de s’investir dans des champs particuliers. Le fait de travailler régulièrement avec des médecins ou des vétérinaires inspecteurs est aussi très enrichissant. Notre différence avec eux vient de notre assermentation, nous devons prêter serment devant le tribunal de grande instance. »
Sa participation à la mise en place du SROS en Poitou-Charentes et à la réforme de la biologie depuis deux ans lui donne désormais l’envie d’intégrer une administration centrale d’ici un an ou deux. Peut-être un peu comme l’a fait Muriel Dahan, qui vient de quitter son poste de conseiller technique au cabinet de Roselyne Bachelot pour de nouvelles missions au sein de la DGS (Direction générale de la Santé). Elle-même pharmacien inspecteur, elle laisse la place à l’un de ses confrères PHISP, Vincent Houdry.
Frédéric Boël a, lui aussi, un parcours surprenant. Son premier contact avec l’inspection remonte à son service militaire. Ayant terminé ses études et choisi l’orientation industrie, il passe par le service de santé des armées. « C’est à ce moment que j’ai rencontré Didier Tabuteau, il donnait des cours à Polytechnique et était directeur de l’Agence du médicament. J’étais tenté par l’Agence, j’ai fait quelques démarches mais je n’étais pas prêt. »
Bonnes pratiques de fabrication.
Son service militaire effectué, il travaille durant deux années dans un laboratoire pharmaceutique, à la préparation de médicaments homéopathiques. L’idée de devenir PHISP est toujours présente, il décide de franchir le cap, se présente au concours et suit la formation à l’EHESP. Pour son premier poste de titulaire, il intègre l’AFFSAPS où il est chargé de l’inspection des bonnes pratiques de fabrication du médicament sur tout le territoire. « Ce qui m’a tout de suite plu dans ce métier c’est sa pluridisciplinarité, contrairement à pharmacien dans l’industrie, en particulier quand on est sur la préparation et le conditionnement. »
Au bout de deux ans, il est muté à la DRASS Île de France où il est chargé en particulier de la fabrication de médicaments dans les hôpitaux, des produits stériles, puis peu à peu avec un collègue des inspections de pharmacie à problèmes. « Nous travaillions en lien avec les services judiciaires sur tout ce qui était substances vénéneuses et dopage, en collaboration avec des institutions comme la Commission régionale de lutte contre le dopage mise en place par la Direction régionale de la Jeunesse et des Sports et qui réunit des procureurs, douaniers et policiers. On nous appelait au besoin, il fallait être disponible à n’importe quel moment. »
Trafic de médicaments.
Bien que ce ne soit pas sa seule activité à la DRASS Île de France, Frédéric Boël avoue une appétence particulière pour le traitement des trafics. D’ailleurs, son arrivée a coïncidé avec une série d’inspections, notamment celle de la Clinique du Sport. C’est l’époque où les DRASS doivent vérifier les conditions de stérilisation dans tous les établissements de santé. Sa formation de pharmacien de l’industrie et son passage à l’AFSSAPS le désignent comme l’expert en fabrication de médicaments, en produits stériles et désormais en trafic de médicaments. C’est ainsi que le ministère de la Justice lui propose un poste d’assistant spécialisé au pôle santé de Paris. « Je suis détaché de mon corps de PHISP et j’ai un CDD de 3 ans renouvelable. Je travaille avec quatre juges d’instruction en santé publique, deux médecins et un vétérinaire, un douanier et un agent du ministère des Finances. J’ai un rôle de conseiller technique auprès du procureur et du juge, j’interviens dans tous les actes de procédure, je peux avoir à donner mon avis sur un dossier, participer à une perquisition, suivre une audition, contredire ou donner une explication, aider à poser les bonnes questions lors d’une réquisition. »
Ravi de la diversité de son rôle qui correspond à son intérêt pour les affaires judiciaires et pénales, il se dit « plus que satisfait de la tournure qu’a pris sa carrière ». Déjà en poste depuis deux ans, il espère simplement que son contrat de trois ans sera renouvelé.
**Inspection générale des affaires sociales.
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