La ministre a été inspirée, si on n’entre pas dans les détails, par un désir de simplification, mais aussi d’élagage, des cours, de manière à favoriser le parcours des élèves les moins doués. Bien qu’elle le nie, l’enseignement du grec et du latin est affaibli au point de disparaître si le collégien ne souhaite pas les apprendre, et les cours bilangues, censées promouvoir l’enseignement de deux langues étrangères à la fois, par exemple l’anglais et l’allemand à partir de la cinquième, sont abolis. Bien entendu, s’il y a moins de travail, l’élève réussira plus facilement. Mais, au bout de compte, il ne saura pas grand-chose quand il sortira du collège. La vraie question porte sur l’esprit même de l’enseignement. Contrairement à Régis Debray, par exemple, qui estime que « la civilisation, c’est l’effort », ce en quoi il a prodigieusement raison, Mme Vallaud-Belkacem entend adapter l’enseignement au niveau actuel des élèves, plus prompts à apprendre sur Internet qu’à l’école. C’est, comme l’affirme Bruno Le Maire, l’un des leaders de l’opposition les plus acharnés contre le texte du gouvernement, une forme de « nivellement par le bas ».
Ce n’est pas la première fois que les socialistes au pouvoir privilégient la réussite du plus grand nombre par rapport à la qualité, à la profondeur et au foisonnement de l’éducation. Quand il était Premier ministre, entre 1997 et 2002, Lionel Jospin se targuait d’obtenir un taux de réussite au baccalauréat supérieur à 80 %. Cette autosatisfaction a conduit à la tragédie actuelle : 150 000 enfants sont incultes, parfois illettrés, et incapables de trouver un emploi au terme de leurs études secondaires. L’apprentissage du grec, du latin et de l’allemand permettent-ils pour autant de s’insérer rapidement dans la société ? Aucune statistique ne le dit, mais les langues, mortes ou vivantes, représentent une formidable ouverture sur le monde. Le latin et le grec ne sont pas seulement la voie royale vers la maîtrise du français, ils facilitent, pour le premier, l’apprentissage des langues latines, italien, espagnol, portugais et, pour le second, le langage philosophique, scientifique, médical et technique. Les langues que nous parlons aujourd’hui sont les filles des langues d’autrefois, mais l’explique-t-on aux collégiens ?
La lutte contre l’élitisme.
Najat Vallaud-Belkacem s’indigne des raccourcis de ses détracteurs. Elle affirme que l’enseignement des langues, mortes ou vivantes, n’est pas abandonné. Elle ne saurait nier toutefois qu’il n’est pas encouragé, qu’il ne fait pas de la formation à la pensée, à l’analyse, au capital intellectuel laissé par d’anciens ou plus récents littérateurs, une valeur absolue à ne pas remettre en cause. Face aux métiers que propose la société contemporaine, il y a bien un moment où le collégien ou le lycéen doivent choisir entre les lettres d’une part, les sciences ou les mathématiques d’autre part. Mais toutes les disciplines, y compris l’histoire, qui n’est pas non plus soutenue par la réforme, contribuent à égalité à la mise en place d’une structure mentale qui permet d’appréhender les problèmes de la société moderne avec des instruments plus efficaces.
L’un des principes qui anime sans doute la ministre, c’est la lutte contre l’élitisme. Elle a pris au mot ce mouvement rétrograde qui, alimenté par la remise en cause de tout, y compris ce qui est bon ou utile, fait des grandes écoles françaises une sorte de lieu de perdition où l’on forme des caractères plus arrogants qu’efficaces. Mais c’est faux, énarques, normaliens, centraliens ou polytechniciens ont des têtes aussi bien faites que pleines et cette grande agression contemporaine contre la culture, sous le prétexte qu’elle ne permet plus de survivre dans le milieu social né de la mondialisation, finira par nous priver d’une excellence qui reste très utile au fonctionnement des institutions économiques et sociales. Former des élites n’empêche pas de donner une chance à chaque collégien. C’est probablement ce que la ministre n’a pas compris.
Insolite
Épiler ou pas ?
La Pharmacie du Marché
Un comportement suspect
La Pharmacie du Marché
Le temps de la solidarité
Insolite
Rouge à lèvres d'occasion