Il suffit d'observer l'ampleur et la gravité de la crise pour comprendre que les objectifs de l'Etat et la détermination des protestataires ne sont pas compatibles. Les pouvoirs publics ont un projet à long terme pour empêcher une catastrophe environnementale, les gilets jaunes exigent un soulagement immédiat en espèces sonnantes et trébuchantes. Renoncer à la surtaxe sur les carburants au 1er janvier c'est, en quelque sorte, accepter le réchauffement climatique. Mais augmenter les prélèvements sous la forme des contributions indirectes, c'est appauvrir des foyers qui ne parviennent pas à financer leurs fins de mois.
L'erreur du gouvernement est de n'avoir pas fait du pouvoir d'achat des Français une priorité absolue, alors que nous avons encore trois millions de chômeurs, que l'inflation est réapparue, que le prix de l'énergie a augmenté et que l'euro a sensiblement baissé par rapport au dollar. Oui, mais comment faire ? Le refus, prononcé par le Premier ministre, Edouard Philippe, de donner un coup de pouce au salaire minimum ne peut qu'accroître l'indignation des gilets jaunes. Demander de nouveaux sacrifices aux salariés alors qu'ils ont pris de plein fouet la crise de 2008, dont le pays ne s'est pas remis à ce jour, revient à commettre une faute politique.
Faire des économies
Il est donc urgent de séparer la crise écologique de la crise sociale. Quelles que soient les immenses lacunes et contradictions que l'on décèle chez les gilets jaunes, la hausse constante du prix de l'énergie renforcera leur détermination. L'idée de désintoxiquer les citoyens des carburants fossiles ressemble à la lutte contre le tabagisme, avec des prix stratosphériques, mais l'usage de l'automobile n'est ni un vice ni un luxe, puisque, dans dans la réalité des faits, la voiture est un outil de travail.
Le gouvernement a fort bien compris que, pour mettre un peu plus d'argent dans la poche des salariés, il devait réduire les prélèvements obligatoires. Il ne peut pas exploiter davantage ce filon, sinon il mettrait en danger l'équilibre de la protection sociale. Il a déjà supprimé la taxe d'habitation pour 80 % des foyers, ce qui, paradoxalement, n'a pas enchanté les bénéficiaires de cette mesure. Sa marge de manœuvre est donc maintenant très réduite. C'est seulement en diminuant la dépense publique que le gouvernement trouvera l'argent indispensable à ses projets. Sans doute s'agit-il d'un exercice difficile. Mais nos dirigeants peuvent évaluer les dégâts politiques d'une fiscalité considérée comme injuste. Peut-être une saine évaluation des risques incitera-t-elle M. Macron à s'attaquer à la réforme la plus ardue de son mandat.
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