Ces vingt dernières années, près du quart des livres couronnés des plus grands prix ont eu pour sujet la guerre, en particulier la deuxième guerre mondiale et le nazisme. C’est encore le cas des prix Goncourt et Renaudot 2017.
« L’Ordre du jour » (Actes Sud), qui a valu le Goncourt à Éric Vuillard, est un récit aussi court (160 pages) que pertinent, qui met en lumière l’irrésistible ascension des Nazis dans les années 1930 et l’arrivée au pouvoir d’Hitler, à travers des moments clés et peu évoqués dans les livres d’histoire. Comme cette réunion du 20 février 1933, quand 24 des plus gros industriels allemands ont accepté sans sourciller, à la demande d’Hermann Göring et d’Adolf Hitler, de financer le parti nazi ; ou le processus de l’Anschluss, conclu en réalité un mois avant la date officielle du 12 mars 1938, un jour de carnaval à Vienne.
Éric Vuillard (49 ans, auteur de 9 livres, dont « Tristesse de la terre - Une histoire de Buffalo Bill Cody » et cinéaste) poursuit ainsi, en se saisissant de « détails » qui en disent plus long que l’épopée, sa démystification de l’Histoire grâce à la littérature. Il a été récompensé au troisième tour de scrutin par 6 voix contre 4 à Véronique Olmi et « Bakhita ».
C’est de l’après-nazisme que traite le lauréat du prix Renaudot Olivier Guez dans « la Disparition de Josef Mengele » (Grasset). Dans ce qu’il appelle un « roman de non-fiction », il nous mène sur les traces du médecin d’Auschwitz, de l’Argentine péroniste, où il se rend en juin 1949, au Paraguay et au Brésil, où il meurt en 1979, à 68 ans. Autant de lieux que l’auteur a visités avant de les décrire, de la même façon qu’il s’est imprégné des facettes de ce « personnage abject et médiocre », enfant de la grande bourgeoisie industrielle bavaroise et « pur produit de l’Allemagne nazie », un « rat » opportuniste qui a fini misérablement. Journaliste indépendant pour plusieurs grands médias internationaux, Olivier Guez, 43 ans, a publié 5 essais et un roman, « les Révolutions de Jacques Koskas ».
On n’en a pas fini avec le nazisme puisque le prix du Meilleur Livre étranger/Sofitel dans la catégorie essai a été décerné à Philippe Sands, avocat franco-britannique spécialisé dans la défense des droits de l’homme, pour « Retour à Lemberg » (Albin Michel). Une enquête sur quatre hommes qui ont vécu dans cette ville de Galicie (Lvov, aujourd’hui Lviv, en Ukraine) : le grand-père de l’auteur, qui l’a fuie pour échapper à la Shoah qui a décimé sa famille ; deux juristes juifs qui y ont étudié dans l’entre-deux-guerres et inventé, au procès de Nuremberg, les concepts de « crime contre l’humanité » et de « génocide » ; et un haut dignitaire nazi, qui y a annoncé, en 1942, la mise en place de « la Solution finale ».
Le Vietnam et la Syrie
La guerre encore est au cœur du « Sympathisant » (Belfond), sacré Meilleur Livre étranger, premier roman de l’Américain d’origine vietnamienne Viet Thanh Nguyen, lauréat du Pulitzer 2016. À la fois fresque épique, reconstitution historique et œuvre politique, il a pour héros un agent double américain, depuis le Saigon de 1975 en plein chaos au Los Angeles des années 1980.
Et la guerre, toujours, scande « De l’ardeur » (Actes Sud), de Justine Augier, récompensé par le Renaudot essai : la biographie de Razan Zaitouneh, dissidente syrienne enlevée en décembre 2013 avec trois de ses compagnons de lutte. Le récit reconstitue le puzzle éclaté de la révolution en Syrie et questionne l’engagement des Syriens dans la guerre civile.
Affaires classées
Deux Cold Case ont séduit le jury du Femina. Le prix a été décerné à Philippe Jaenada (53 ans, prix de Flore 1997 pour son premier roman, « le Chameau sauvage ») pour « la Serpe » (Julliard), qui retrace le destin d’Henri Girard, accusé en 1941 d’avoir assassiné son père, sa tante et leur bonne dans leur château de Dordogne à coups de serpe. Acquitté mais jamais lavé de tout soupçon, le jeune homme dilapide l’héritage familial puis s’exile en Amérique du Sud avant de revenir miséreux mais avec le manuscrit du « Salaire de la peur », qu’il publiera sous le pseudonyme de Georges Arnaud. Jusqu’à sa mort en 1987, il a lutté contre toutes les injustices.
Le Femina étranger est allé à John Edgar Wideman pour « Écrire pour sauver une vie, le dossier Louis Till » (Gallimard), un récit qui mêle réalité, fiction et autobiographie. L’auteur relate les recherches qu’il a menées autour de la mort d’Emmet Till, un adolescent afro-américain qui, après avoir été accusé, en 1955, d’avoir sifflé une femme blanche, a été enlevé et assassiné ; parce que le garçon a été assimilé à son père, exécuté pour viol dix ans auparavant, ses meurtriers ont été innocentés.
Autofiction
Tranchant sur ces ouvrages de guerre et de violence, « le Dossier M » (Flammarion), de Grégoire Bouillier, a reçu le prix Décembre (à l’origine un anti-Goncourt). Ce livre-fleuve (presque 900 pages) n’est que la première partie (une suite aussi importante, est prévue en janvier prochain) d’une histoire d’amour ratée. C’est une autofiction dans laquelle l’auteur, qui n’avait rien publié depuis dix ans, raconte sa vie intime et sentimentale minute par minute depuis le suicide d’un ami – qui était aussi le mari de sa maîtresse – et essaye de reconstituer les faits, tous les faits et leurs innombrables enchaînements, qui ont conduit au drame. Pour ceux qui en demandent encore, un site internet dédié (www.ledossierm.fr) consigne d’autres pièces non retenues dans les « livres papier » ! En raison du décès de Pierre Bergé, mécène du prix (habituellement 30 000 €), aucune récompense financière n’a été donnée cette année.
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