A tous ces revers s'ajoute la perspective d'une rentrée peu réjouissante, les syndicats ayant annoncé qu'ils reprenaient dès ce mois-ci leur campagne contre la loi Travail, pourtant dûment adoptée par le Parlement. Comme s'il allait devoir payer, par des nuisances qui finiront par lasser l'opinion, les dividendes d'une réforme qui inspire aversion et ressentiment sans apporter pour autant la perspective d'une sensible réduction du chômage. Tout ce que l'on peut remarquer aujourd'hui au sujet du président, c'est l'épaisseur d'une carapace qui lui permet encore de supporter avanies et coups du sort avec une remarquable équanimité. Tout au plus aurait-il laissé échapper un soupir de rancœur, en disant à ses proches (selon « le Monde ») que M. Macron l'avait « trahi avec méthode ». Ses amis et partisans ont fait chorus, de Julien Dray, qui estime que M. Macron a été enivré par les sirènes du pouvoir, à Manuel Valls qui pense que l'on « ne s'improvise pas candidat », même si, cette année, l'annonce d'une candidature est l'exercice le plus improvisé et fréquent qui soit.
Les mêmes tendent à minimiser l'impact d'une candidature Macron car il leur faut bien exprimer un peu d'optimisme sur l'avenir politique de M. Hollande. C'est de bonne guerre, mais pas forcément crédible. Ce Macron est un chien dans un jeu de quilles et il ne se souciera guère, s'il poursuit son entreprise jusqu'à son terme, de celles qu'il fera tomber. On en est encore, au PS, à relativiser le bilan de M. Macron (en quatre ans, le président a « consommé » quatre ministres de l'Economie). Bilan qui, effectivement, se limite à quelques progrès modestes en matière de déverrouillage de l'économie. N'oublions pas cependant que la ferveur réformiste de M. Macron lui a valu d'être privé du grand projet de rénovation qu'il entendait présenter et qui, en définitive, a été confié à Myriam El Khomri sous la forme infiniment plus simple et tout aussi explosive d'une loi Travail. Emmanuel Macron a sans doute trahi son maître, il a sans doute « tué le père », mais il ne l'a fait qu'après quelques renoncements significatifs de l'Elysée et les humiliations que lui a fait subir le Premier ministre.
Les ressorts de la dramaturgie
Si l'on s'écarte du fracas médiatique et émotionnel auquel la démission de M. Macron a donné lieu, on verra clairement les ressorts profonds de la dramaturgie. M. Macron, par conviction et par ambition, voulait associer son nom à des réformes historiques, capables de remettre la France au travail ; M. Hollande et M. Valls l'ont soutenu jusqu'au jour où ils ont compris qu'ils n'avaient plus le temps d'imposer de telles réformes à la gauche et aux syndicats sans que le président en souffrît électoralement ; de là vient leur divorce avec M. Macron, qui a souffert en outre de sa rivalité avec Manuel Valls, car ils se situent tous deux sur le même créneau progressiste.
L'ancien ministre, dont on doit au moins reconnaître l'intelligence, a fort bien compris que la réforme n'est pas la seule application d'une technique de gouvernement et qu'elle ne se développe que dans un climat politique favorable. De là son idée de créer son propre mouvement, En marche ! et de tenter d'obtenir un mandat présidentiel pour avoir les moyens politiques de mettre en œuvre son programme. Le réduire à un simple technicien de la gestion, ce qu'il est, n'est pas rendre compte de sa vision et de sa bonne compréhension des mécanismes obsolètes qui gouvernent la France. Il tente donc de créer un parti qui soit en dehors des partis.
Il aura néanmoins l'occasion de constater que même lui n'échappe pas au classement idéologique qui fait que l'on juge les gens selon une appartenance qu'ils ont ou qu'on leur attribue. Les sondages les plus récents montrent que ceux que M. Macron enthousiasme sont souvent ceux qui s'apprêtent à voter en faveur d'Alain Juppé et que, de ce fait, il risque d'entamer la part de marché de la droite sans ébrécher celle de la gauche. De la même manière que les centristes de l'UDI sont fascinés par lui quand, il y a quelques jours encore, ils ne juraient que par Juppé.
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