Ce sont des consultations d’un nouveau genre. D’ailleurs, elles n’ont de consultations que le nom. Et pour effacer leur aspect solennel, Anne Provent, titulaire à Malakoff et les quatre art-thérapeutes à l’origine de cette initiative, se sont empressées de leur coller l’adjectif poétique. Il ne faut pas s’attendre pour autant à des lectures de poésie ou à d’autres productions littéraires. Par poétique, Anne Provent entend moment de rêve, voyage dans l’imaginaire, des instants qui restent en suspens, en marge du quotidien.
Ce peut être un mot puisé dans une « boîte magique » qui suscite une association d’idées, l’émergence de souvenirs, l’expression d’une douleur ou d’un bonheur. Ou alors une carte postale choisie qui invitera au voyage. Une petite fille tracera du doigt la trajectoire du médicament dans son corps. Un patient âgé fermera les yeux quelques instants, laissant les rumeurs de la rue s’inscrire sur une partition. Ou encore quelques figurines modelées dans la terre seront déposées sur les étagères de l'officine au gré d'une symbolique connue des patients seuls.
Une pause dans le quotidien
N’y avait-il pas un paradoxe à vouloir offrir aux patients de cette pharmacie de quartier ces instants qui touchent au plus profond de l’intime ? C’est justement le défi qu’a voulu relever Ruth Nahoum, art-thérapeute installée à Malakoff, en proposant cette démarche à Anne Provent : « La pharmacie est un lieu public, certes, mais qui ne recèle pas la violence de la rue. C’est également un lieu de souffrance et notre idée était de trouver, entre l’art et le soin, un lien charnel. Cet espace qui est placé dans le cycle de la vie m’intéressait depuis longtemps en tant qu’intermédiaire entre la souffrance, la maladie, la solitude et l’anonymat de la rue. »
La titulaire de son côté, a apprécié cette idée de fenêtre ouverte sur l’inattendu. « Souvent confrontés, malheureusement, en tant que pharmaciens, à des pathologies lourdes, nous avons toujours eu une posture d’accueil et d’écoute. De sorte que mes patients en souffrance savent qu’ils peuvent toujours trouver une oreille attentive et il n’est pas rare que les larmes se sèchent à l’écart du comptoir. La consultation poétique est cependant davantage qu’une simple écoute, elle propose une évasion, ne serait-ce que quelques minutes, une sorte de point de suspension posé dans leur quotidien », décrit Anne Provent.
Un instant de tous les possibles
Depuis janvier, chaque semaine, au comptoir et sur sa vitrine, la titulaire informe ses patients de la venue des art-thérapeutes. Une fois le moment de surprise passé, il n’est pas rare que les patients qui ont goûté de cette « consultation » particulière en redemandent. Le bouche-à-oreille fonctionne, parents et enfants, amis, ou encore personne seule, viennent rejoindre les art-thérapeutes dans un coin de l’officine discrètement aménagé pour cette séance.
Certains patients ne parlent pas le français, d’autres trop jeunes préfèrent à la parole une création sonore. Ruth Nahoum et ses trois consœurs qui interviennent de manière inopinée sur la trajectoire du patient, « travaillent avec l’instant ». Il n’est nullement question d’interprétation, pas davantage de thérapie au cours de la dizaine de minutes que dure la « consultation », gratuite.
« Si nous nous présentons comme art-thérapeutes, comme médiateurs artistiques, jamais nous abordons l’aspect thérapeutique, ni l’éventualité d’une thérapie. Il n’y a aucune intrusion. Il s’agit simplement d’ouvrir les sens et de faire découvrir aux personnes des moyens d’expression jusqu’alors inconnus. Aussi éphémère soit-il ce moment peut alors ouvrir vers de nouveaux possibles. Il reste en tout cas un beau souvenir pour les personnes », explique Marie-Paz Obispo, l’une des art-thérapeutes, insistant sur l’aspect du bien-être.
C’est en cela que la démarche des quatre art-thérapeutes rejoint celle de la pharmacienne qui, elle-même, place le bien-être de ses patients en première ligne. Et il n’est pas rare que ses patients repartent, les yeux pleins d’étincelles, munis d’une « ordonnance poétique ».
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