« LA POPULATION des pharmaciens continue à vieillir et l’augmentation du numerus clausus ne suffit pas à enrayer le départ des confrères », s’est alarmé Isabelle Adenot lors de la présentation des chiffres de la démographie pharmaceutique 2010. En effet, l’âge moyen de la profession s’établit à 46,2 ans, et atteint même 49,1 ans chez les titulaires d’officine. En parallèle, pour la première fois, la croissance des effectifs de pharmaciens a marqué un coup d’arrêt. Le nombre global d’inscrits a ainsi reculé de 0,1 % et s’établit à 73 259 au 1er janvier 2011. Même si cette baisse représente seulement 73 inscriptions en moins, Isabelle Adenot note qu’un « symbole a été atteint ». De plus, ce repli est davantage marqué chez les titulaires d’officine (-0,77 %) et de laboratoires de biologie médicale (-1,3 %). À l’arrivée, malgré une légère augmentation de 250 places du numerus clausus en 2004, relevé à 2 400 places, les sorties du tableau de l’Ordre ne sont pas compensées.
Perte d’attractivité de la profession
Pire encore, près de 20 % des jeunes diplômés se sont « évaporés » dans d’autres professions et ne se sont pas inscrits à l’Ordre après obtention de leur diplôme. Ce taux avait déjà été atteint en 2008, où 21,7 % des diplômés avaient également disparu dans la nature. Mais il était tombé à 12 % en 2009, laissant supposer que le phénomène était passager. Les mauvais chiffres de cette année tendent cependant à mettre en évidence un vrai manque d’attractivité de la profession. « Nous avons un réel problème, entre une population qui vieillit et des jeunes qui n’entrent pas dans la profession », s’inquiètent Isabelle Adenot. « Notre profession n’attire plus et ne sait plus accueillir ses jeunes. Or, une profession sans jeunes est condamnée ».
L’Ordre ne sait pas exactement où vont ces étudiants, une fois leur diplôme en poche, mais suppose qu’ils se dirigent vers des « professions connexes ou d’autres voies (environnement, cosmétologie, agroalimentaire…) ». « Dès l’an prochain, grâce au fichier RPPS, les étudiants vont être enregistrés et nous pourrons ainsi mieux savoir ce qu’ils deviennent », indique Patrick Fortuit, président de la Commission des technologies de santé à l’Ordre. « En attendant, nous constatons que le métier intéresse toujours mais que les conditions d’exercice ne doivent plus beaucoup attirer », estime-t-il.
En effet, « les jeunes veulent exercer différemment » de leurs aînés, reprend Isabelle Adenot, qui note qu’« ils préfèrent travailler en groupe ». La présidente de l’Ordre a d’ailleurs exprimé sa colère, face à l’exclusion des adjoints de nouveaux dispositifs d’exercice en association, comme les sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires (SISA) et les maisons de santé. « Ce qui m’exaspère, c’est qu’il existe de nouveaux modes d’exercices en société, mais on en ferme la porte aux adjoints ! », s’insurge-t-elle. En effet, le projet de loi Fourcade, modifiant la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST), prévoit l’ouverture des SISA aux pharmaciens, mais seulement aux titulaires. « Ces SISA doivent être le véhicule des financements de l’éducation thérapeutique », rappelle Isabelle Adenot. « Nous souhaitons que les adjoints puissent y entrer en tant qu’associés ».
Précarité croissante des adjoints
En outre, elle déplore que « les textes n’avancent pas » sur les holdings, destinées à « aider les adjoints à entrer dans le capital des pharmacies tout en restant salariés ». « Comment voulez-vous que les jeunes s’installent ? Toutes les difficultés sont mises de leur côté ! », lance-t-elle. Les conditions bancaires s’étant durcies et l’apport personnel demandé étant en augmentation, « il faut absolument pouvoir partager les parts d’une officine, afin qu’elle puisse s’acquérir par morceaux », estime-t-elle. « Près de 30 % des titulaires d’officine ont plus de 55 ans et beaucoup vont céder leur officine », ajoute Jean-Charles Tellier, président de la section A. « Il faut des moyens modernes de passation d’exercice ».
Enfin, autre motif d’inquiétude, la précarité des adjoints augmente, avec 9 % de hausse du nombre d’intérimaires. Il s’établit à 3 698 inscrits, alors qu’en parallèle le nombre d’adjoints en officine diminue de 1,5 % (26 441 inscrits). Jérôme Parésys-Barbier, président de la section D, souligne « un vrai décalage entre l’offre et la demande » et regrette que « les diplômés d’une université refusent de bouger de la ville où ils ont étudié ». Il souligne l’importance de « travailler sur la mobilité » afin de pallier ces difficultés ».
Malgré ces points noirs mis en évidence par le recensement 2010, l’Ordre note toutefois un point positif : « Il n’y a pas de désert pharmaceutique », se félicite Isabelle Adenot. Même si 116 officines ont disparu en 2009, « la répartition reste harmonieuse sur le territoire », note-t-elle. On compte en moyenne une officine pour 2 800 habitants, et 43 pharmacies pour 1 000 km2. Pour elle, il s’agit maintenant de « relever le défi démographique » posé par ces chiffres, en donnant « un vrai profil de carrière à nos jeunes ». « Sinon, la profession se dirige vers des difficultés évidentes », met-elle en garde.
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