J’AI LU VOTRE « coup de gueule » sur les pharmacies discount* avec attention, et si je partage une partie de votre argumentation il n’en reste pas moins vrai que votre vision du monde pharmaceutique m’amène à vous répondre comme pharmacien de proximité.
Il est curieux que, chaque fois qu’un problème surgit, on utilise l’image de professionnel de santé des pharmacies de proximité pour justifier ou condamner les actions des pharmaciens qui ont choisi un exercice commercial. Il y a une différence fondamentale entre une pharmacie de proximité et les structures que vous représentez : quand nous nous occupons de malades comme professionnel de santé, vous, vous essayez de capter le plus gros pourcentage possible d’un chaland de consommateurs attiré par les structures commerciales environnantes en utilisant les techniques de ceux que vous désignez comme vos concurrents : les hypermarchés.
Distributeur.
Votre choix, que le pharmacien de proximité que je suis respecte, a été de devenir des distributeurs avant d’être des professionnels de santé. Vous vous battez pour conserver, gagner ou développer des parts de marché quand le pharmacien de proximité exerce son métier de professionnel de santé. En vous plaçant volontairement sur des marchés concurrentiels, vous avez perdu l’objectivité nécessaire à la qualité de l’acte pharmaceutique.
Je ne peux que vous encourager à lire les conclusions de l’avocat général Blot reconnaissant le droit aux pays qui le souhaitent de ne pas ouvrir le capital des pharmacies. Le modèle économique que vous proposez, identique à celui de la totalité des enseignes et groupements, va à l’encontre de son argumentaire. Pour lui l’indépendance du pharmacien est menacée s’il n’est pas propriétaire de son fond, parce que son rôle de professionnel de santé l’oblige à répondre aux besoins exprimés par ses patients en donnant un conseil objectif approprié, dénué de toute pression commerciale pouvant mettre en cause son indépendance, ce qui ne serait pas le cas s’il n’avait pas la maîtrise économique de son outil de travail.
Code de la Santé.
Cela correspond en tout point à l’interprétation de notre code de la santé publique qui fixe le cadre et les conditions d’exercice de la profession libérale que nous sommes. Bien que notre rémunération soit de type commercial, le fait d’être une profession libérale, d’avoir une éthique et de respecter une déontologie dans tous les actes de notre vie professionnelle nous écarte du monde de la distribution.
Il est étonnant que vous demandiez à l’Ordre de faire cesser des pratiques non conformes au code de la santé alors que vous reconnaissez utiliser les méthodes de vos concurrents, les hypermarchés, pour développer vos chiffres d’affaires et je n’ai pas souvenir que l’Ordre a reconnu les pratiques de la GMS comme conforme au code de la santé. Ayant fait le choix d’être distributeur, le seul organisme qui pourrait régler l’injustice dont vous semblez vous plaindre est la DGCCRF (Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes). Vos concurrents, les hypermarchés, sont confrontés au même problème de discount, pourquoi ne reprenez-vous pas leurs solutions ?
Votre modèle économique uniformisé a permis une augmentation des chiffres d’affaires (et de la valeur des fonds) par la concentration des marchés de l’OTC, de la parapharmacie et des compléments alimentaires. Sur le seul marché de l’OTC, qui représente 2 milliards d’euros, 80 % de ce chiffre est réalisé par 4 000 points de ventes (16 % d’un CA de 2 500 000 euros cela fait un minimum de 400 000 euros). La concentration est telle que les 750 premiers chiffres d’affaires officinaux (dont la grande majorité de vos adhérents font partie) réalisent à eux seuls le même chiffre d’affaires que les 19 000 officines de proximité. Le marché de l’OTC représentant moins de 2 % du CA des officines de proximité, en quoi des prix discounts nous seraient-ils préjudiciables ?
Au lieu d’exercer le métier de pharmacien, vous vous servez de notre image pour distribuer sans discernements des produits de santé aux consommateurs. Votre seule logique étant celle d’augmenter votre chiffre d’affaires, vous êtes maintenant dépendant d’un marché dont vous avez perdu la maîtrise. Le libre accès va accentuer cette dépendance, les discounteurs vous obligeant en plus à vous aligner sur leur prix pour conserver un marché possédant déjà une faible valeur ajoutée puisque l’uniformité de la distribution fait que le consommateur n’a plus que la valeur d’achat comme référence. Il va s’en suivre rapidement un passage du libre accès au self-service (si ce n’est déjà fait) pour maîtriser les coûts, puis une ouverture du monopole pour des produits pour lesquels vous aurez fait la démonstration qu’il suffisait de la présence d’un pharmacien pour être distribué.
L’effet vitrine.
Ce sont les excès des pharmaciens possédant les emplacements commerciaux qui ont de tout temps engendré les modifications dans notre profession. Répartition géographique, perte du monopole sur la parapharmacie ou libre accès, autant de bouleversements dus essentiellement à l’effet vitrine de votre exercice commercial.
Dès que de nouvelles règles sont établies elles sont immédiatement bafouées comme lors de l’inauguration par notre ministre du libre accès, avec la mise en bonne place dans l’espace de compléments alimentaire à la marque de l’enseigne, visible sur chaque photo et reportages de cette inauguration. Encore un petit effort et nous perdrons le monopole du médicament conseil, et vous perdrez au minimum la moitié de la valeur capitalistique de vos fonds.
Alors, comme vous, je crois qu’il est important de revenir au respect du code de la santé publique, de façon à ce que l’image de professionnel de santé donnée par la majorité des pharmaciens de proximité grâce à leur action journalière auprès des malades ne soit pas utilisée à des fins commerciales pour permettre d’augmenter la valeur capitalistique des fonds, utilisation qui nous a valu le terme de « rente de situation ». Comme vous, je crois que les syndicats doivent revenir à une défense professionnelle libérale en défendant le modèle économique des pharmaciens de proximité, modèle majoritaire à plus de 80 % dans la profession, au lieu de se mobiliser aux côtés des tenants d’un modèle économique qui détruit à la fois l’image et l’économie de ceux qui chaque jour rejoignent leurs rangs.
Insolite
Épiler ou pas ?
La Pharmacie du Marché
Un comportement suspect
La Pharmacie du Marché
Le temps de la solidarité
Insolite
Rouge à lèvres d'occasion