« QUAND J’ARRIVE avec du propofol, du fentanyl, du paracétamol injectable, mes collègues syriens qui m’aident dans mon action humanitaire, sont fous de joie », explique Issam Moussly, pharmacien d’origine syrienne, qui achemine depuis février dernier des médicaments dans ce pays coupé du monde : des anesthésiques, des anti-inflammatoires, des antiseptiques, mais aussi des traitements contre le diabète ou l’hypertension qui font cruellement défaut (voir également notre édition du 12 juillet).
Issam Moussly vient de passer quatre jours dans son officine de Pleurs, entre un voyage à Amman, en Jordanie, et un départ pour le sud de la Turquie. Amman, où il est arrivé avec 400 kg de médicaments, permet d’approvisionner, grâce à des passeurs et des voies clandestines, la région de Damas, la Turquie étant la voie de passage pour la région du nord et des villes comme Alep ou Hama. « Les médicaments arrivent à la frontière, ils sont stockés grâce à des confrères et à des médecins. Ils sont ensuite acheminés clandestinement au fur et à mesure mais, pour l’instant, certains quartiers de Homs sont toujours inaccessibles », témoigne Issam Moussly, qui a commencé à aider ses compatriotes grâce à l’aide des dons de ses confrères français, puis des laboratoires et de l’association Tulipe. Suite à un appel à l’aide, il a ainsi réussi à faire passer à Damas un traitement pour une chimiothérapie. Certains médicaments sont introuvables, même en payant deux ou trois fois le prix.
Des réseaux clandestins.
« Avec l’aggravation des combats, les besoins sont de plus en plus lourds à l’intérieur du pays. Les ONG comme Médecins Sans Frontières ou l’armée française commencent à s’impliquer, ce qui permet surtout d’aider les milliers de réfugiés et de blessés en Jordanie ou en Turquie. Ils arrivent le plus souvent de nuit après des passages de frontières périlleux. Ils sont tous démunis. Ils ont souvent arrêté leurs traitements depuis des semaines, voire des mois », explique Issam Moussly. Mais en Syrie, rien ne pénètre sans l’aide des passeurs et des réseaux clandestins qui lui ont aussi permis d’entrer une journée en Syrie, à Salkin, de l’autre côté de la frontière avec la Turquie. Une ville pilonnée par l’aviation deux jours après son passage.
« Je suis passé par la rivière dans un bac de fortune ou plutôt une espèce de grande cuve coupée en deux tirée par des câbles. Je ne suis ni un Rambo, ni un cow-boy, je suis allé dans une zone « libérée » par l’Armée syrienne libre (ASL). Mon métier, c’est d’apporter la santé », ajoute-t-il, décrivant une situation sanitaire catastrophique : « J’ai vu à Salkin un enfant de cinq ans qui hurlait de douleur alors qu’on lui extrayait une balle sans anesthésie. En Jordanie, un autre qui était devenu sourd à cause des bombardements et dont il a fallu opérer les tympans. Toute cette souffrance me pousse à continuer. »
Le manque de médicaments n’est pas le seul problème. Le pays était un des mieux doté au monde en professionnels de santé. Pourchassés, traqués par les milices du gouvernement, craignant pour leur survie et celle de leurs familles, ils sont désormais nombreux à avoir quitté la Syrie. « Je travaille en Turquie avec deux pharmaciens syriens. L’un a choisi de retourner à Alep, c’est courageux », confie-t-il.
C’est à Homs, ville pilonnée et assiégée depuis plus de cent jours, où la population manque d’eau, de nourriture et de denrées essentielles, que la situation est la plus critique. « Certains commencent à marchander des cadavres, pour les rendre aux familles contre de la nourriture », se désespère Issam Moussly.
Des cannes et des attelles pour les blessés.
De l’autre côté, en Turquie ou en Jordanie, la situation reste déplorable : « Dans les hôpitaux de fortune, les déchets sont entreposés à côté des compresses stériles dans des pièces de 20 m2 où les blessés rentrent et sortent. » Il faut ensuite trouver le matériel orthopédique de base. « Même l’armée française manque de dotation pour acheter des béquilles ou des déambulateurs », souligne notre confrère, qui vient d’acheminer des attelles pour genoux grâce à un don des Laboratoires Népenthès.
Certains vont dans des camps, « mais cela ressemble plus à des prisons à ciel ouvert. Ceux qui y entrent n’ont plus le droit d’en sortir », explique Issam Moussly. De nombreux réfugiés préfèrent alors rester à l’extérieur, surtout s’ils ont l’intention de passer à nouveau en Syrie. Grâce à l’aide de compatriotes, des maisons de convalescence ont été installées près de la frontière. « Quand ils sortent, on leur donne juste un pyjama, un vêtement de rechange et un kit de dentifrice et de brosse à dent que j’ai réussi à acheminer grâce à l’aide de Tulipe », précise-t-il. Un petit plus pour des réfugiés démunis ensuite éparpillés. Il faut alors mettre en place des réseaux locaux pour identifier les besoins. « Des pharmaciens jordaniens m’ont aidé à distribuer du lait infantile. Il y a beaucoup de femmes isolées avec de jeunes enfants sans soutien familial. J’essaye de monter un projet, dont le dossier a été déposé au Quai d’Orsay pour aider ces femmes à se réinsérer. Il s’agit d’une activité de restauration à emporter », dit encore Issam Moussly, qui n’attend qu’une chose : « que la guerre s’arrête ».
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