CE PAYS est décidément très particulier où, pendant qu’une économie déjà exsangue s’affaiblit davantage, le principal souci du gouvernement et des particuliers aura été, pendant le week-end, de s’occuper des départs en vacances. L’exécutif craint bien sûr que la grogne ne s’étende à son électorat, qui n’entend pas souffrir des grèves, des manifestations et des blocages de dépôts de carburant. La réforme a pris racine dans une réévaluation philosophique et politique du travail en France, mais ce qui la menace soudain, c’est les vacances.
Le gouvernement a voulu accélérer les débats du Sénat en mettant fin au débat amendement par amendement (ce qui est prévu par la procédure parlementaire) et en exigeant un débat groupé pour l’ensemble des propositions de la gauche. L’opposition crie au scandale et au viol de la démocratie, alors qu’elle-même pratique l’osbtruction. La loi devrait être adoptée au plus tard vendredi et on ne serait pas surpris que les décrets d’application soient publiés dans la foulée. Les casseurs sont arrêtés chaque fois que c’est possible, jugés aussitôt, condamnés. La société française découvre avec consternation que les destructions sont le fait de mineurs, parfois de moins de quinze ans, et s’inquiètent de la forte participation des filles aux actes de violence. Personne, et surtout pas le maire socialiste de Lyon, Gérard Collomb, n’approuve les déprédations, la casse, les incendies. Il n’empêche que la révolte est inspirée par autre chose que la réforme des régimes de retraite et que Nicolas Sarkozy, toujours si sûr de lui en apparence, aurait pu se demander si son impopularité l’autorisait à se montrer inébranlable. On ne peut pas à la fois reconnaître que la part faite aux jeunes dans ce pays accablé par les conséquences de la mondialisation est notoirement insuffisante car elle les prive d’un avenir, et s’étonner de ce que leur immense malaise les incite à réagir avec rage.
En même temps, l’Élysée fait des calculs, ou nourrit des espoirs, fondés sur les franges du conflit : les vacances mettront un terme à l’agitation dans les lycées ; les manifestations vont s’affaiblir parce que les gens seront en vacances ; les syndicats sont troublés et partagés entre leur désir de tenir bon et celui de ne pas démolir la capacité de production, de ne pas ajouter du chômage au chômage. Mais la colère des manifestants, la hargne de ceux pour qui il n’y a de succès que dans la mesure où ils empoisonnent la vie de leurs concitoyens, le besoin des uns et des autres de sortir la tête haute du conflit, tout contribue à une aggravation de la crise que le pouvoir semble avoir sous-évaluée. Un exemple, celui des carburants : on peut déloger les dépôts bloqués, mais les grévistes reviennent une fois que les forces de l’ordre sont parties. Nous commençons à vivre de nos réserves. Or les raffineries sont à l’arrêt et il faut huit jours pour qu’elles produisent de nouveau. L’acheminement aux stations-service est délicat. Et la tension est telle que la moindre étincelle allumerait un incendie national.
Excès et postures.
Dans l’autre camp, celui de la gauche et des syndicats, les excès de langage et les postures ne sont pas moins agaçants. Eva Joly (Europe-Écologie) réclame le retrait pur et simple du projet, ce qui en dit long sur sa capacité à gouverner. Benoît Hamon, porte-parole du PS, chante un contre-ut qui réduit la crédibilité de son parti en ce qui concerne le financement d’une réforme socialiste des retraites. Le sacro-saint droit de grève est exercé en France sous la forme de la dictature du prolétariat, si l’on peut considérer les ouvriers des raffineries comme des prolétaires. Ils réclament par des hurlements le respect de la démocratie alors qu’ils en sont les premiers fossoyeurs. Il n’existe aucun droit constitutionnel de paralyser le pays.
La crise actuelle est peut-être moins grave qu’en décembre 1995. Les syndicats se sont conduits avec responsabilité en s’abstenant de décréter une grève reconductible. Les nuisances sont nombreuses et alarmantes, mais, système D et courage aidant, les Français se débrouillent. Ce n’est pas encore la fin du monde et, de ce point de vue, on peut admettre la fermeté des syndicats, de même que l’on peut comprendre que Nicolas Sarkozy, qui joue son avenir politique, n’ait pas d’autre choix que de faire passer la réforme. Il n’empêche qu’il n’est fort que de son caractère, pas de sa popularité, celle-même qu’il espérait améliorer en se targuant d’avoir fait adopter une réforme impossible en France. Le verdict tombera en 2012.
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