LA PRESSE EST LIBRE, et nous ne cesserons de nous en féliciter. Mais comme les entretiens radiodiffusés ou télévisés sont extrêmement fréquents (il faut bien meubler le temps médiatique), les journalistes posent souvent des questions dont tout le monde connaît la réponse. L’autre jour, le conseiller spécial du président, Henri Guaino, était sommé de dire pourquoi la France ne fait pas en Syrie ce qu’elle fait en Libye. Deux poids et deux mesures ? Allons donc. Au terme d’une phrase tortueuse, M. Guaino a fini par dire l’évidence : on ne peut pas faire la guerre à tout le monde, et d’ailleurs, on n’en a pas les moyens.
Il en va de même pour Ben Laden. Un journaliste cultivé et intelligent de la télévision disait l’autre soir que Ben Laden était un homme ; peut-être aurait-il dû être traité comme tel ? Il a vite fait d’oublier comment le même Ben Laden a traité les quelque dix mille victimes qu’il comptait à son actif. Dire que Ben Laden était un homme, c’est lui accorder le statut de la victime et faire référence au livre de Primo Levi : « Si c’est un homme », qui montre que les nazis ne considéraient pas les juifs comme des êtres humains. À propos de la mort de Ben Laden, il fallait le minimum de prudence que tout le monde n’a pas eu, ce qui s’est traduit par des parallèles répugnants. Bien entendu, toute la presse, contrainte de reconnaître que l’exécution de Ben Laden représentait un triomphe pour Barack Obama (même les Tea Partiers américains se sont rangés à l’avis général), a cherché dans les fameuses « zones d’ombre » les points susceptibles de cacher d’ignobles manœuvres ou manipulations. Livrons-nous à un exercice simple.
Questions-réponses.
Question : pourquoi dire que l’immersion de Ben Laden au large du Pakistan était conforme à la tradition musulmane quand on sait que les musulmans pratiquement l’inhumation ? (On a même eu droit à une énorme bourde syntaxique commise, et à plusieurs reprises, par des journalistes qui affirmaient, du haut de leur ignorance, que Ben Laden avait été « inhumé dans la mer ». Réponse, que n’importe quel esprit de bon sens aurait pu formuler : le rite a été respecté, l’immersion était une nécessité sur laquelle nous reviendrons ci-dessous.
Question : dès lors que les Américains refusent de publier les photos du cadavre de Ben Laden, qui nous dit qu’il est bel et bien mort ? Réponse : un président des États-Unis vient se présenter, un dimanche soir, à 21h34, à toutes les télévisions, pour annoncer le décès de Ben Laden, mais ce serait un bobard. Pour poser ce genre de question, il faut se faire une piètre idée de la démocratie américaine, où tout finit par se savoir. On a beaucoup de mal à croire que M. Obama soit du genre à monter une telle arnaque. Complément de réponse : le but des autorités américaines, c’est d’éviter la colère des fanatiques qui se serviraient de photos atroces pour nous jouer la rengaine de la « cruauté » occidentale. C’est aussi de ne pas donner des prolongements dangereux à une affaire bien ficelée qui a besoin de sobriété médiatique. Il suffit de se rappeler que l’affaire de Guantanamo n’est toujours pas résolue.
Question : pourquoi a-t-on dit que Ben Laden était armé et s’est-on rétracté ensuite ? Pourquoi une femme a-t-elle été blessée ? Pourquoi ne s’est-on pas contenté d’arrêter le chef terroriste ? Réponse : tout cela fait partie du brouillard de la guerre, de l’émotion, du stress.
IL FAUT ÊTRE STUPIDE POUR DOUTER DE LA MORT DE BEN LADEN
Question (ou plutôt afffirmation péremptoire) : allons, allons, les Américains n’ont jamais tenté de prendre Ben Laden vivant. Ils l’ont assassiné. Réponse : ne peut-on tolérer cette hypocrisie quand on sait qu’elle permettra de réduire les actes de violence qui vont suivre ? Du coup, voilà l’ONU qui réclame un rapport détaillé sur les circonstances de l’exécution, alors que Ben Laden n’a pas attaqué l’immeuble des Nations Unies à New York, mais les tours du World Trade Center. Il s’agit bien d’une guerre entre deux ennemis, non d’une affaire relevant de la compétence internationale.
Question : l’assassinat ciblé est-il conforme aux principes démocratiques ? Réponse : non. Complément de réponse : la puissance et l’influence de Ben Laden venaient d’un principe simple qui consiste à retourner contre les démocraties leur technologie supérieure (les avions de ligne) et leur transparence (l’absence, le 11 septembre 2001, de mesures suffisantes de prévention). Si les États-Unis ou n’importe quel autre pays avaient pris l’engagement de respecter leur Constitution dans tous les cas de figure militaires, ils auraient été vaincus par le nazisme et par le Japon. Dans une démocratie, on ne fouille pas des voyageurs innocents. Ben Laden nous a empoisonné la vie, non seulement en tuant des milliers de civils mais en déclenchant des mesures de sécurité en contradiction formelle avec le mode de vie des sociétés ouvertes. C’était d’ailleurs son objectif. Si les Américains s’étaient engagés à le prendre vivant, s’ils avaient dû respecter la souveraineté nationale du Pakistan, s’ils s’étaient embarrassés de ces scrupules que les interrogateurs acharnés de la presse portent en sautoir, Ben Laden serait encore vivant. Et ce ne serait parfait que si c’était un homme.
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