SITUÉE au nord ouest de l’Espagne, entre le Pays Basque et la Galice, les Asturies forment une « communauté autonome » (région) d’un million d’habitants, avec de nombreux particularismes, notamment en matière de pharmacies. Les pharmaciens qui souhaitent y racheter ou y créer une officine doivent remplir un certain nombre de critères, et ceux déjà installés, ou exerçant déjà dans la région, sont prioritaires sur les pharmaciens extérieurs aux Asturies. Il existe en outre des critères géographiques et des quotas de population spécifiques.
Deux pharmaciens espagnols, José Manuel Blanco Perez et Maria der Pilar Chao Gomez, qui s’étaient vus refuser une création au motif qu’ils n’exerçaient pas auparavant dans les Asturies, ont jugé cette disposition discriminatoire au regard de l’article 43 du traité de l’Union européenne, qui garantit à tout citoyen de l’UE la liberté d’installation et d’entreprise. Ils ont, de plus, mis en doute la légalité des quotas géographiques, et ont donc saisi le tribunal de justice supérieure des Asturies sur ces deux points. Ce dernier a transmis les questions à la Cour de justice européenne, pour avoir son opinion avant de statuer. Cette procédure, dite question préjudicielle, est fréquente et permet ainsi aux tribunaux nationaux de rendre un avis conforme d’emblée à la législation européenne.
Un avis nuancé.
L’avocat général de la Cour de Luxembourg, Miguel Poiares Pessoa Maduro, vient de rendre son avis sur la question de l´antériorité, ainsi que sur celle, concomitante, de la légalité des règles de répartition géographiques. Son opinion, publiée le 30 septembre à l’issue des débats, servira de base au jugement qui sera prononcé, lui, dans les semaines à venir. En général, ces avis sont presque toujours suivis par la Cour, dont le jugement définitif est sans appel et fait jurisprudence. Dans le cas présent, la problématique, dépassant de loin les seules Asturies, portait sur la validité des mesures de limitation des officines et des quotas.
L’avis de l’avocat général, très nuancé, ne remet pas en cause la légitimité de telles mesures, mais vise à les encadrer strictement. Ainsi, selon lui, le fait de favoriser les pharmaciens déjà présents sur ceux arrivés plus tard dans la région, de même que différentes autres mesures techniques, constitue bien une entrave à la liberté d´installation prévue par l’article 43, si bien que le gouvernement régional des Asturies, et l’Espagne elle-même, pourraient être amenés à revoir ces règles. En revanche, et c’est en cela que les pharmaciens peuvent être soulagés, M. Poiares Pessoa Maduro rappelle, comme l’avait fait la Cour européenne, le 19 mai dernier, dans l’affaire sur les pharmacies italiennes, que les États restent maîtres d’organiser leur système de santé selon des règles nationales, lorsque l’intérêt de la santé de la population est en jeu, y compris si ces règles contreviennent à l’article 43. En clair, dans le cas d’espèce, l’antériorité de la présence d’un pharmacien en Asturies ne contribue pas à protéger la santé de la population, mais une bonne répartition géographique, elle, y participe.
Concrètement, si cet avis est confirmé par la Cour, ce qui devrait être le cas, les États qui réglementent les créations pourraient, en cas d’autres procès, être amenés à justifier plus précisément les mesures prises pour cela, voire à les changer, mais ils gardent l’entière possibilité de continuer à réglementer ce secteur. On peut donc dire que, si cet avis risque de gêner les pharmaciens installés depuis longtemps aux Asturies, les autres pharmaciens installés en Espagne et dans toute l’Europe ne verront pas pour autant leurs règles de création voler en éclat. Mais leurs autorités de tutelle risquent parfois d’être amenées à mieux les légitimer au regard des règles européennes, voire même à les faire évoluer si nécessaire.
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