C’EST une bombe que vient de lancer l’Ordre des médecins. Réunis à l’occasion de leur séminaire annuel, les conseillers nationaux devaient se pencher sur l’amélioration de l’accès aux soins. Contre toute attente, ceux-ci ont adopté à l’unanimité moins une voix, plusieurs propositions inédites qui font d’ores et déjà débat. Afin de lutter contre les déserts médicaux - dont souffrent les patients, mais aussi les pharmaciens -, les représentants ordinaux préconisent ni plus ni moins que de revoir certaines règles d’installation des médecins. Ainsi, recommandent-ils, à l’issue de son post-internat, un médecin désireux de s’installer en libéral serait tenu d’exercer pendant cinq ans dans la région de délivrance de son diplôme. Et pas n’importe où : les lieux d’exercice seraient déterminés par l’agence régionale de la santé (ARS), en fonction des besoins, et en liaison avec le conseil régional de l’Ordre. Cette règle s’appliquerait aussi aux médecins remplaçants ou ceux à diplôme étranger. « Constatant l’échec de toutes les mesures incitatives, nous préconisons des mesures de régulation de l’installation pour améliorer l’adéquation de l’offre avec les besoins de la population », explique son président, Michel Legmann.
Une situation préoccupante.
Ces propositions ne déplairont pas aux officinaux, en particulier ceux exerçant en milieu rural (voir ci-dessous). Elles pourraient également trouver un écho favorable du côté du gouvernement pour qui la lutte contre les déserts médicaux est l’une des priorités, comme l’a rappelé la ministre de la Santé, Marisol Touraine, lors du dernier salon Hôpital Expo. Même si, pendant la campagne à l’élection présidentielle, François Hollande a toujours expliqué qu’il n’était pas favorable aux mesures contraignantes pour les professionnels. Quoi qu’il en soit, la répartition médicale inquiète jusque dans les plus hautes sphères. Le Sénat vient d’ailleurs de mettre en place un groupe de travail sur la présence des médecins sur l’ensemble du territoire. Présidé par le sénateur socialiste Jean-Luc Fichet (Finistère), le groupe souhaite trouver des remèdes aux déserts médicaux qui apparaissent dans certaines parties du territoire, en zones rurales mais aussi périurbaines.
Le débat sur la liberté d’installation des médecins semble donc bel et bien relancé. Et cette fois, l’idée d’introduire des mesures coercitives vient de certains praticiens eux-mêmes, même si le président de l’Ordre des médecins l’assure, « nous ne souhaitons pas sonner le glas de la liberté d’installation. Mais nous pensons qu’elle doit faire l’objet d’une régulation, module-t-il. Il faut être conscient des devoirs en matière de santé publique, on ne peut pas laisser des régions sans médecins, et d’autres en surdensité ».
Les syndicats de médecins hostiles.
Pas de quoi rassurer pour autant les syndicats médicaux dont les trois principales organisations (CSMF, ASL et MG-France) ont exprimé leur opposition aux propositions ordinales, tout comme les organisations de jeunes médecins. « On ne peut pas considérer que les mesures incitatives aient été inefficaces tant que nous ne sommes pas allés au bout du système », souligne l’une d’entre elles. Le sujet est brûlant. Et les sénateurs, qui viennent de s’en saisir, entendent cerner correctement la question avant de se prononcer. Ils souhaitent, indiquent-ils, « se donner le temps de procéder à toutes les auditions et déplacements nécessaires, et d’évaluer le coût et l’efficacité des dispositifs correctifs existants, avant de faire des propositions concrètes à l’échéance de la fin 2012 ou du début 2013 ».
On verra alors si le Sénat choisit l’option de la coercition ou garde le cap de l’incitation. Certains se sont déjà cassé les dents sur cette alternative. Dans la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST), Roselyne Bachelot avait bien tenté d’introduire une dose de contrainte, avant de faire marche arrière, sous la pression des syndicats médicaux. De même, le député Philippe Vigier (Nouveau Centre) avait dû, lui aussi, remanier sa proposition de loi sur l’accès aux soins. Par exemple, les trois ans d’exercice obligatoire en zone déficitaire pour tout médecin après sa formation ne figuraient plus dans le texte examiné par l’Assemblée nationale. Cette fois, avec la prise de position de l’Ordre des médecins, les discussions entre les pro et les anti mesures « coercitives » pourraient davantage s’équilibrer. En tout cas, il y a déjà consensus sur un point : l’accès aux soins pour tous n’est aujourd’hui plus garanti.
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