L’information est tombée au début de l’été dernier, Apicem SARL a obtenu l’agrément hébergeur de données de santé délivré par le Ministère de la Santé. Cette société, dont le capital est pour la quasi-totalité détenue par l’association du même nom, développe depuis une vingtaine d’années la messagerie de santé Apicrypt. L’obtention de l’agrément HADS n’intéresse pas que la seule communauté des utilisateurs d’Apicrypt, elle débloque une situation embarrassante pour la communauté des professionnels de santé, qui à l’heure de l’interprofessionnalité, se retrouvait face à deux messageries de santé sécurisées qui ne communiquaient pas entre elles, Apicrypt et MS Santé, celle-ci étant développée par l’ASIP Santé, et donc soutenue par le Ministère. L’agrément HADS va en effet permettre à court terme l’interopérabilité entre les deux messageries. Gros soupir de soulagement pour tout le monde, les développements qui ont été faits et seront faits autour d’elles ne resteront pas isolés les uns des autres, ce qui aurait été un comble pour une communauté de santé qui veut faire de l’interprofessionnalité, en particulier entre la ville et l’hôpital, le vecteur de la coordination des soins dont il est si souvent question. Ces deux forces en présence se devaient de régler cette question : pour L’ASIP Santé, prendre en compte l’historique et la forte implantation d’Apicrypt qui revendique plus de 70 000 utilisateurs, soit une hausse de près de 50 % en 5 ans, et un flux de messages échangé très important, 78 millions sur les douze derniers mois, et pour Apicem ne pas rester isolée face à la force prescriptrice de l’ASIP Santé suivie par les éditeurs et aussi à sa forte présence puisque 70 000 boîtes aux lettres MS Santé étaient recensées fin juillet, soit trois fois plus qu’il y a un an.
Des données pour la vie
Ce problème d’interopérabilité n’était pas qu’une question intéressant les spécialistes de la sécurité. Si l’on veut faire de l’interprofessionnalité, il faut pouvoir communiquer sans crainte entre tous les professionnels de santé. Or, les données de santé sont particulièrement sensibles et représentent un véritable enjeu technologique. « Leur particularité est leur longévité, des données de santé peuvent durer toute une vie alors que comparativement une transaction bancaire ne dure que quelques secondes », explique Alexandre Caron, chef de projet et responsable des systèmes d’information chez Apicem. « La sécurisation des messageries de santé doit être considérée sur le très long terme car si on peut garantir la sécurité des données à un moment T en tenant compte de la puissance de traitement des ordinateurs, celle-ci pourra avoir considérablement évolué dans le temps – il n’en sera pas de même dans cinq ans par exemple. » Dans un contexte d’ouverture comme celui induit par l’interprofessionnalité, sécuriser des messageries de santé représenterait presque un oxymore.
Le travail des spécialistes de la sécurité est de garantir aussi la facilité d’usage des messageries, pas question de protocoles compliqués, il faut pouvoir agir vite tout en s’assurant que ces messages circulent en toute sécurité. Pour les utilisateurs, les choses sont simples : création d’une boîte mail avec le nom de domaine MS Santé et accès au répertoire des professionnels de santé de l’ASIP Santé remis à jour quotidiennement sont les éléments de base principaux de cette messagerie. Pour les éditeurs, elles le sont beaucoup moins : de très nombreuses professions de santé, des logiciels métiers encore plus nombreux, quelque 400 selon Apicem, et des habitudes de travail très différentes. Il faut pouvoir faire communiquer tous ces mondes, un travail de l’ombre en fait, que les spécialistes évoquent sous le nom de « middleware », ces couches informatiques invisibles aux yeux des utilisateurs qui transportent les informations.
L’ASIP Santé a sécurisé le canal de communication, ce qu’il aime à appeler « l’espace de confiance MS Santé ». Un éditeur de LGO doit être agréé HADS comme Pharmagest et SmartRx (par le biais de Cegedim, sa maison mère) ou à défaut, s’appuyer sur un hébergeur agréé HADS. D’autres acteurs ont travaillé sur cette problématique de sécurité comme la société Connexin, spécialisée dans les services digitaux dans le domaine de la santé. Elle s’appuie sur une plateforme hébergée et non sur une messagerie donnée. L’absence d’interopérabilité entre MS Santé et Apicrypt a poussé l’entreprise à ne pas choisir entre les deux, et à se situer en amont en proposant un système d’alerte qui ne contienne pas de données personnelles de santé, mais relative à certains problèmes constatés, une intolérance ou une interaction médicamenteuse par exemple. L’interopérabilité prochaine entre les deux messageries amènera sans doute la société à y regarder de plus près.
Un premier jalon
La route est libre désormais, et les éditeurs entendent bien se saisir de cette opportunité pour construire une offre adaptée dans le domaine de l’interprofessionnalité. « Les messageries de santé sécurisées constituent un premier jalon pour une meilleure coordination des soins, notamment dans le cadre des sorties hospitalières qui vont sans doute contribuer au déploiement en masse de MS Santé, confie ainsi Jérôme Lapray, directeur marketing pharmacie Europe de Pharmagest, et d’ici la fin de l’année, l’ensemble de nos clients pourront accéder à MS Santé via LGPI. » L’enjeu est simple, faire en sorte que les pharmaciens puissent utiliser cette messagerie sans avoir à sortir de leur logiciel métier. Un élément important pour David Petauton, responsable communication de l’ASIP Santé. « Si l’on doit en sortir à chaque fois, cela constitue une perte de temps, et ce n’est plus vraiment du numérique. » Or, pour l’organisme, la messagerie MS Santé n’est pas une fin en soi, ce n’est même qu’un début, celui du digital au service de l’interprofessionnalité. Et pour les pharmaciens, la possibilité de se retrouver au cœur du parcours de soins des patients. Or, le digital, c’est gagner du temps à toutes les étapes d’un processus.
L’ASIP Santé espère un déploiement « séquencé » de MS Santé et des développements futurs qui permettront une intégration encore plus poussée. « Nous souhaitons rendre les données plus lisibles, plus intelligentes, plus exploitables, déclare David Petauton, et éviter que les éditeurs travaillent chacun de leur côté. » Même son de cloche du côté d’Apicem, « on ne parle pas que de messagerie, il s’agit d’un véritable écosystème d’outils », affirme Alexandre Caron. Après l’intégration de la messagerie dans les LGO, l’étape suivante consiste à assurer la sécurité des données transportées dans les pièces jointes, plus fragiles et dont le format ne correspond pas à un format de travail mais d’archivage pour ce qui concerne les documents au format pdf, tout au moins. La seconde version d’Apiwebmail, un des produits d’Apicem, qui permet d’exploiter les fonctionnalités mail d’Apicrypt, lancée cet automne, traite ainsi les documents à l’intérieur même du message, des photos par exemple. De son côté, l’ASIP Santé travaille sur ces documents joints, notamment les analyses biologiques envoyées par les laboratoires spécialisés. « Notre objectif est de faire en sorte que ces données soient directement envoyées dans le logiciel qui pourra ensuite les traiter directement », assure David Petauton. Une fonctionnalité que Pharmagest entend proposer à ses clients dès l’an prochain.
Coûts minimes
MS Santé a été conçue dans une perspective de long terme – elle a notamment été construite sur les bases du DMP, assure David Petauton. Mais cette volonté d’intégration avec les logiciels métiers ne plaît pas à tout le monde, certaines organisations professionnelles ont manifesté leurs réserves, la crainte sans doute de s’enfermer dans des systèmes au risque à un moment donné ou à un autre de représenter des coûts supplémentaires qui ne seraient pas du goût des pharmaciens. L’ASIP Santé affirme avoir fait attention à cette éventualité, pour éviter que cela n’aboutisse à un business trop lucratif pour les éditeurs. « Une partie du travail est " prémaché ", nous leur fournissons des briques afin de faciliter les développements à effectuer pour une informatique plus ouverte », affirme David Petauton. De fait, les coûts actuels sont minimes. SmartRx a intégré MS Santé à ses logiciels gratuitement pour ses utilisateurs, Pharmagest propose aussi gratuitement MSSanté intégrée au LGPI à ses clients utilisateurs de son accès Internet OffiSecure et à hauteur de 5,90 €/mois pour les autres. Quant à Apicem, répondant à son statut d’association, l’abonnement à Apicrypt coûte 72 € par an. Ce sera aux pharmaciens de démontrer le bon usage des messageries intégrées dont sont convaincus l’ASIP Santé et Pharmagest, et même Apicem qui, fort de l’interopérabilité prochaine d’Apicrypt avec MS Santé, souhaite se rapprocher des éditeurs pour travailler sur ce principe d’intégration. Signalons que si sur le plan technique l’usage de ces messageries sécurisées est on ne peut plus simple, il y a néanmoins une démarche administrative à assumer, une déclaration à la CNIL, certes relativement courte à effectuer, cinq minutes tout au plus selon Alexandre Caron, mais il faut la faire.
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