Reprenons notre comparaison. L'objet « cœur » peut avoir plusieurs déterminants. Il en est de même d'un trouble psychique, qui peut renvoyer au scientifique, au clinique ou au culturel. Mais ce domaine fut longtemps confisqué par la possession, le péché et la dégénérescence. Jusqu'à ce que s'impose le désir de médicaliser la souffrance.
De riches monographies mettent en lumière les différentes « figures » de la folie. Celle de l'historienne Danielle Jacquart, « De la condition du fol au Moyen Âge… aux possédées de Loudun », revient sur le martyre d'Urbain Grandier et a le mérite de situer la chasse aux sorcières dans les années 1630, et non au Moyen Âge comme le veut un fantasme familier.
Une autre étude, celle du psychiatre Patrick Clervoy, cible des faits bien connus, l'extermination par les Nazis des malades « non conformes ». Le psychiatre montre comment les idées évolutionnistes de Lamarck et Darwin, la désignation des « éléments à exclure », ont préparé le chemin d'un racialisme meurtrier qui s'épanouira par la suite. C'est « l'éternel retour des stérilisateurs ».
Erreurs et abus
On sait que les erreurs sont tenaces, les délires charriant des imageries plus séduisantes que la morne vérité, comme l'a bien saisi Gaston Bachelard. Tel est le cas de l'idée de « criminel né » du médecin légiste italien Cesare Lombroso, qui s'est propagée très vite dans beaucoup de pays. Qui n'a rêvé d'identifier le mal à sa racine ?
L'erreur, mais le mot est faible, peut même prendre la forme d'une pseudoscience, la phrénologie, sortie tout armée du cerveau du médecin allemand Franz Josef Gall (1758-1828), qu'étudie le psychiatre-psychanalyste Jacques Hochmann. Convaincu que le cerveau humain est formé d'organes autonomes, siège de facultés particulières qui modèlent les os du crâne, Gall a recours aux palpations pour déterminer les défauts et talents individuels. De là viennent les célèbres « bosses » des maths ou du commerce…
Faire l'histoire de la folie, c'est, montre Boris Cyrulnik, faire l'histoire des abus de réduction organique ou psychique, là où doivent coopérer les chercheurs de disciplines différentes, car l'explication unique s'est faite totalitaire dans l'Histoire.
« Le XIXe siècle a connu le triomphe sur les maladies infectieuses. Le XXe siècle a nettement amélioré les maladies cardio-vasculaires. Le XXIe siècle saura-t-il prévenir et soigner les souffrances psychiques que notre nouveau monde prépare en abondance », interroge Boris Cyrulnik de façon quelque peu inquiétante.
« Histoire de la folie avant la psychiatrie », sous la direction de Boris Cyrulnik et Patrick Lemoine, 256 p., 23,90 €.
Insolite
Épiler ou pas ?
La Pharmacie du Marché
Un comportement suspect
La Pharmacie du Marché
Le temps de la solidarité
Insolite
Rouge à lèvres d'occasion