« Certains s’élèvent au moyen de l’art ; d’autres, de la religion ; la plupart, de l’amour. Mais lorsqu’on s’envole, on peut aussi s’écraser. » « Quand tout est déjà arrivé » (1), le nouveau livre de Julian Barnes (prix Médicis essai pour « le Perroquet de Flaubert », prix Femina étranger pour « Love, etc. », Man Booker Prize pour « Une fille, qui danse ») est composé de trois récits qui illustrent les différents niveaux de la vie.
Un premier récit raconte « Le péché d’élévation » en nous emmenant dans les airs avec Nadar, qui réalisa des clichés aérostatiques jusqu’à ce que son ballon s’écrase sur une voie ferrée. Le deuxième se situe « À hauteur d’homme » via les amours de Sarah Bernhardt et du colonel Fred Burnaby, qui traversa la Manche en montgolfière. Plus dure sera la chute, car ces deux courts textes ouvrent sur « La perte de profondeur », le vrai sujet du livre : la mort soudaine de la femme de l’écrivain après trente ans de vie commune et d’amour profond. Julian Barnes raconte simplement, ou plutôt sincèrement, ce qui se passe lorsqu’« on est tombé de la plus grande hauteur », le chagrin, la colère et le vide qui jamais ne sera comblé. Un récit de deuil et de larmes tout juste balayées par une ultime brise d’espoir.
Est-il possible au XXIe siècle de vivre un amour courtois ? Telle est la question que pose Joël Schmidt (à 77 ans, il est l’auteur d’une cinquantaine d’ouvrages, essais historiques et œuvres romanesques profondément influencées par le romantisme allemand) dans « les Amants » (2). Le narrateur est un professeur de lettres d’une cinquantaine d’années qui ne se reconnaît pas dans son époque et qui a consacré sa vie à l’amour médiéval qui l’enchante. Quand il tombe amoureux d’Aurore, une étudiante de 19 ans, qui, elle aussi, semble totalement étrangère au monde qui l’entoure, il n’a de cesse de la séduire et de lui faire traverser le temps en déclinant les 31 codes du fin’amore, qui vont de la cour chaste et respectueuse aux excès des sens et de la chair. Une vision totale de l’amour courtois qui les entraîne dans la folie et la mort.
Autour d’un enfant
Deux livres se répondent, où le souvenir d’un amour envolé perdure dans l’amour d’un enfant. « Un tout petit rien » (3) est le premier roman de Camille Anseaume, qui s’est déjà fait un nom en tenant depuis sept ans le blog Café de filles. L’intrigue est mince et déterminante : une jeune femme se retrouve seule après avoir annoncé à son amant qu’elle est enceinte ; elle doit décider si elle garde ou non l’enfant. Ce sont ces semaines d’hésitation qui défilent sous la forme de brefs chapitres, entre réunions avec les amies, affrontements avec la famille et rendez-vous médicaux et une kyrielle d’émotions qui s’inscrivent autant dans la colonne du « pour » que dans celle du « contre ». Jusqu’au choix décisif.
Premier roman d’Ekuni Kaori à être traduit en français sur une bonne vingtaine de titres publiés au Japon, dont plusieurs ont été récompensés, « Dans la barque de Dieu » (4) est un subtil récit à deux voix, celles d’une mère et de sa fille de bientôt 10 ans. Sôko n’a jamais connu son père, parti avant sa naissance, mais en affirmant à Yôko qu’il reviendrait et la retrouverait où quelle soit. Depuis, elle ne cesse de déménager tout en espérant son retour, remettant ainsi son destin entre les mains du hasard. Un jeu de cache-cache qui risque, s’il s’arrête lorsque l’enfant demande à se poser quelque part, d’effacer la trace de son amour passé.
Dans le Montana
Remarqué dès son premier livre, « Étrangère en ce monde », et considéré comme le romancier des grands espaces en même temps que des drames intimes, Kevin Canty nous ramène, avec « Toutes les choses de la vie » (5), dans le Montana. Il s’attache à June et à RL, la femme et le meilleur ami de Taylor, dont ils commémorent l’anniversaire de la mort onze ans auparavant. Ils décident cette année de ne plus se cloîtrer dans leurs rôles, de veuve pour elle et de divorcé pour lui. Sur fond de paysages austères et glacés, on les voit sortir difficilement d’un lent engourdissement, en s’efforçant de composer avec leurs erreurs et maladresses passées, leur vie rêvée et les nouvelles rencontres et décisions à prendre. En se mettant à l’écoute de personnages ordinaires, et dans le style impressionniste qui le caractérise, Kevin Canty explore les grands thèmes de l’existence et la nature des liens qui unissent les hommes et les femmes.
(2) Albin Michel, 183 p., 16 euros.
(3) Éditions Kero, 244 p., 17 euros.
(4) Philippe Picquier, 203 p., 18,50 euros.
(5) Albin Michel, 324 p., 22,90 euros.
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