LES RUPTURES d’approvisionnement en médicaments inquiètent de plus en plus d’officinaux. Selon une enquête réalisée par l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) entre le 7 février et le 11 mars auprès de 1 150 titulaires, près de 9 pharmaciens sur 10 déclaraient avoir constaté une augmentation du phénomène (« le Quotidien » du 28 mars 2011). Et les trois-quarts des pharmaciens ayant répondu à l’enquête de l’USPO affirmaient y être confrontés au moins une fois par semaine. Fort de ce constat, le syndicat a décidé de mettre en place un observatoire permanent des ruptures d’approvisionnement en médicaments sur son site Internet* (voir l’entretien avec Gilles Bonnefond ci-dessous).
La société Call Medi Call, du groupe GMG (groupe marketing global), s’est aussi intéressée au phénomène. Il y a quelques jours, elle a à son tour sondé les titulaires (1 066 répondants). Conclusion, entre les deux enquêtes, la situation semble s’est encore détériorée. En effet, désormais, la quasi-totalité des pharmaciens (99,5 %) affirme avoir déjà été confrontée à des ruptures de stock émanant de leur répartiteur. La fréquence aussi s’est aggravée : près de 6 titulaires sur 10 déclarent aujourd’hui rencontrer des problèmes d’approvisionnement tous les jours.
Des produits contingentés.
Alors, la faute à qui ? « Au contingentement », semblent répondre en chœur les différents acteurs de la chaîne du médicament réunis la semaine dernière par GMG pour en débattre. En effet, certains laboratoires imposent des quotas de livraison aux grossistes afin de limiter les exportations parallèles. Car la tentation de revendre des médicaments dans les autres pays européens est grande, les prix en France étant généralement plus bas que chez nos voisins. « Les produits visés sont des molécules sous brevet offrant un différentiel de prix élevé (au moins 15 %) entre le tarif réglementé en vigueur dans l’État d’où partent les produits exportés et le tarif en vigueur dans le pays où ces produits sont consommés », analyse Alain Neddam, président de GMG. En clair, certains grossistes exerçant dans l’Hexagone achèteraient des médicaments aux laboratoires pour les revendre plus chers à l’étranger.
« Comment peut-on penser que les grossistes répartiteurs prennent en otage des patients pour des raisons économiques en retirant des médicaments du référencement, s’insurge Marc Kenesi, de CERP France. Les stocks des grossistes ont augmenté ces dernières années », fait-il remarquer. Il ajoute : « Nous sommes dans les limites d’un système qui fonctionne bien, même s’il existe des anomalies qu’il faut corriger. Avançons ensemble et ne disons pas : ce n’est pas moi, c’est lui. »
Des raisons liées à la production.
En attendant, les laboratoires serrent donc la vis aux répartiteurs en leur imposant des quotas. Certains fabricants expliquent même que la décision vient de Bruxelles pour des raisons de santé publique. D’autres affirment que le contingentement n’est pas seulement utilisé pour lutter contre les exportations parallèles. Il survient aussi quand la consommation d’une spécialité a largement dépassé les quantités produites, quantités calculées sur la base de prévisions du GERS et correspondant, théoriquement, aux besoins des patients. « Il n’est pas possible pour un industriel de tirer à l’infini la production », indique l’un d’entre eux.
Reste que la situation actuelle ne convient à personne et que des solutions sont à l’étude. Par exemple, « tous les laboratoires ont mis en place un service de livraison de dépannage en 24 heures pour les traitements qui ne peuvent être interrompus », explique le responsable d’une entreprise pharmaceutique. Pour mettre fin aux exportations parallèles, les industriels ont également proposé aux pouvoirs publics la mise en place d’un système de double prix : un tarif pour le territoire national et un prix libre pour l’export. Mais le cadre législatif n’a pas encore pu être trouvé. Alain Neddam avance pour sa part l’idée d’un développement de la vente directe auprès d’officinaux qui deviendraient des sortes de semi-grossistes. « Ils rétrocéderaient ensuite les produits à leurs confrères voisins, tout en récupérant une marge, précise le président de GMG. Mais cela ne peut être qu’une solution partielle », insiste-t-il. Le Laboratoire Roche se demande, lui, s’il ne serait pas préférable pour certains médicaments (produits onéreux, très techniques, de la chaîne du froid…) de réduire le nombre d’acteurs habilités à les distribuer. Il préconise la mise en place par l’AFSSAPS** d’un cahier des charges spécifiques encadrant cette distribution. L’an passé, Roche avait carrément proposé de sélectionner un ou plusieurs grossistes répartiteurs pour distribuer ses produits, avant de finalement abandonner son projet.
Quoi qu’il en soit, des problèmes de ruptures d’approvisionnement existent bel et bien. Alertés, les pouvoirs publics se sont saisis du dossier. Et le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, a même récemment indiqué que la direction générale de la santé (DGS), l’AFSSAPS et la DGCCRF*** planchaient sur le sujet. À suivre.
** Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.
*** Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.
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