Loin d’être une simple liste de biens et de services, le panier, ou plutôt les paniers de soins relèvent d’un véritable enjeu politique, comme le rappelle Jean-Marie André, économiste, enseignant-chercheur à l’École des Hautes études en santé publique (EHESP).
Défini de manière plus empirique que théorique, le panier de soins est un ensemble de produits et de prestations remboursés en totalité, ou partie, de façon systématique ou conditionnelle, par un régime d’assurance à ses affiliés. Il appartient autant aux assurances complémentaires qu’à l’assurance-maladie obligatoire. Cette dernière n’a-t-elle pas introduit cette notion avec la CMU et l’AME ?
Le panier de soins s’impose comme un instrument permettant, comme le relève Jean-Marie André, « d’optimiser l’état de santé d’une population, d’assurer l’égalité de l’accès aux soins, et contrôler les dépenses de santé ». Aussi, le panier de biens et services, ou panier de santé solidaire, selon l’approche que l’on en aura, se situe à la conjonction de trois variables, son intention médicale, son extension possible et sa dimension économique, c’est-à-dire le taux de prise en charge.
« Cette approche dynamique suppose, souligne Jean-Marie André, que des révisions régulières s’effectuent au niveau de l’efficience, c’est-à-dire l’analyse médicoéconomique donnant sa légitimité à l’expert, mais aussi, au regard de l’utilité sociale, actes de prévention inclus. » On peut cependant s’interroger sur la configuration à donner à l’avenir aux paniers de biens et services, que ce soit dans la diversification de l’offre ou dans une coconstruction assurance obligatoire/assurance complémentaire.
Sa définition est en effet mise à l’épreuve aujourd’hui dans un système qui, historiquement construit sur l’assurance maladie obligatoire et l’assurance complémentaire aujourd’hui généralisée avec l’ANI (1), voit émerger un troisième pilier, l’assurance surcomplémentaire, ou supplémentaire. Elle est la nouvelle composante d’un système dont Didier Tabuteau, codirecteur de l’Institut droit et santé et responsable de la chaire santé de Sciences Po, n’hésite pas à souligner les paradoxes apparus au fur et à mesure de sa « métamorphose silencieuse », voire de son « hybridation ».
Alors même que le désengagement de l’assurance-maladie, conduisant à une hausse des franchises et du ticket modérateur, favorise la montée des complémentaires (compagnies d’assurance et mutuelles), ce deuxième secteur s’évertue, en même temps, à ce que les « gros » risques restent dans le giron du régime obligatoire.
Des frontières mouvantes
Ces différentes mutations résultent moins d’une inflation supposée et redoutée des dépenses de santé que de la stratégie des acteurs en place pour compenser les désengagements des uns et des autres. En effet, comme l’affirme Gérard Cornilleau, économiste, chercheur CNRS au Centre de recherches politiques de Sciences Po et directeur adjoint des études à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), « contrairement aux idées reçues, on ne peut, dans un environnement économique où la croissance et les gains de productivité sont contraints, attendre une hausse significative des dépenses de santé, les salaires, composantes majeures de ces coûts, étant indexés à l’ensemble des autres salaires ».
S’il estime que les coûts resteront constants entre 2005 et 2050, la question du financement reste en revanche totale pour Gérard Cornilleau, qui se prononce en faveur d’une hausse du prélèvement de la CSG (2) de 3,3 points d’ici à 2050.
Nathalie Cousinet, maître de conférences en sciences économiques à Paris 13, souligne un amenuisement continu depuis les années 1980 de la prise en charge de l’Assurance-maladie obligatoire au profit de l’assurance-maladie complémentaire. Une évolution saluée par l’ensemble des acteurs puisque, comme le rappelle Frédéric Pierru, politiste au CNRS-CERAPS-Lille 2, il est de bon ton de réduire la dépense publique.
Toutefois, les assurances complémentaires, ne voulant plus être des payeurs aveugles, tendent à contrôler de plus en plus les prestations qu’ils remboursent. Le système recule aujourd’hui ses limites et pousse plus avant la logique de différenciation entre les assurés, qui sont « responsabilisés ». « Les comportements individuels sont désormais perçus comme facteurs de risque par les assureurs », relève Anne-Sophie Ginon, maître de conférences en droit privé et membre de l’institut de recherche juridique sur l’entreprise et les relations professionnelles, notant que cette nouvelle représentation du risque a été entérinée par le législateur, puisqu’introduite à la Loi Santé.
(1) Accord national interprofessionnel sur la complémentaire santé obligatoire.
(2) Contribution sociale généralisée.
D’après le colloque « Assurances maladie complémentaires : la grande transformation » organisé le 9 février par l’Institut Droit et Santé, Paris Descartes, INSERM, Sciences Po chaire Santé, Centre d’économie de l’université Paris Nord et l’Université Paris 13.
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