LA QUESTION était dans tous les esprits sans jamais être formulée. Pendant combien de temps encore les Français vont-ils subir sans se rebeller les effets du chômage, de la précarité, de la baisse du pouvoir d’achat, des inégalités, des affaires qui ternissent l’action publique ? Les Français de gauche, les jeunes, les sympathisants du Front national forment les bataillons des insurgés potentiels. Louis Harris s’empresse, dans son commentaire, de souligner que les résultats du sondage n’ont aucune valeur prédictive, car il est plus facile de se révolter verbalement que physiquement.
Et pourtant... Il suffit d’aller à son supermarché pour savoir que la hause des prix alimentaires devient intolérable et que l’indice des prix ne la reflète pas. On compte 38 % de « révoltés » et 28 % d’« énervés » par les affaires qui secouent la République. La crise n’est pas terminée. Personne, en France, ne croit vraiment que la situation s’améliorera cette année par rapport à l’année dernière. Personne ne croit à un avenir meilleur pour sa progéniture, même si la France bat des records démographiques en Europe. La révolte n’est pas possible pour le moment, mais elle continue d’être alimentée si massivement, à la fois par les comportements des dirigeants et les dures réalités sociales qu’on se demande si le peuple exaspéré ne va pas le faire savoir au gouvernement par d’autres moyens que les scrutins qu’on lui demande d’attendre pendant encore 14 mois.
D’autant que la colère gronde sans que la classe politique en semble consciente. Les Français ont trop souvent le sentiment qu’on les paie de mots. Mots d’un pouvoir qui, avec une incroyable inconscience, continue de s’accorder des privilèges que les difficultés de la population rendent insupportables. On a souligné ici et là que, en utilisant des avions qu’ils ne payaient pas, Michèle-Alliot-Marie et François Fillon ne commettaient rien d’illégal et que leurs vacances, en Tunisie ou en Égypte, ne coûtaient pas un centime au contribuable. Ce n’est pas le bon argument. S’il a fallu leur arracher la vérité bribe par bribe à la faveur des révélations successives de la presse, c’est qu’ils n’avaient aucune envie de jouer la transparence ; ils n’en avaient pas envie parce qu’on eût tôt fait de comparer leur train de vie à celui de la plupart des gens ; ils ont donc adopté un comportement de caste et fait le choix du secret, celui-là même qui a fini par voler en éclats. C’est le slogan publicitaire de L’Oréal : si je me déplace en avion privé et gratuitement, c’est parce que, en tant que Premier ministre ou ministre des Affaires étrangères, je le vaux bien.
On s’interroge donc sur la faculté de nos dirigeants à partager les tourments de leurs administrés, ce qui est déjà assez grave. En Grande-Bretagne, le Premier ministre, David Cameron, a refusé de partir en voyage parce qu’il pense qu’au moment où il impose à son peuple un plan draconien d’économies, il ne peut pas s’accorder la moindre distraction.
Même à gauche.
On reconnaîtra que la gauche austère de Martine Aubry n’a aucune de ces faiblesses. On admettra en outre que la Première secrétaire s’efforce de ramener le débat politique aux fondamentaux et que les petites phrases ou les décisions tactiques de tel ou tel impétrant l’agacent, l’énervent et parfois l’exaspèrent. Il n’empêche que le formidable suspense entretenu autour de Dominique Strauss-Kahn, les excentricités de Ségolène Royal, les manœuvres des uns et des autres pour que le PS répondent à leurs vœux idéologiques les plus ardents font que même les socialistes semblent plus absorbés par leurs jeux internes que par le sort des Français. On n’en dira pas moins d’Europe Écologie-Les Verts où les dilemmes cornéliens sont forcément pléthoriques, entre les gaffes d’Éva Joly, promue candidate à la présidence non pour sa compétence mais pour son caractère, et les hésitations douloureuses (et interminables) d’un Nicolas Hulot qui voudrait être candidat sans faire de politique, pendant que Daniel Cohn-Bendit, ex-figure de proue de 1968, se transforme en sage social-démocrate tout en refusant d’y aller lui-même. Dans le reste du spectre politique, Hervé Morin, Jean-Louis Borloo et même François Bayrou, qui ne cesse d’exiger le débat de fond pour mieux stigmatiser le Guignol politique, nourrissent-ils autre chose qu’une forte ambition personnelle ?
Des ministres, on en aura toujours. Un président, on en élira un (ou une). Il manque aux Français, en ces moments pénibles, quelqu’un qui les comprenne, qui les rassure, qui trace une voie claire et compréhensible et qui dise enfin la vérité. Pas besoin d’adhérer au NPA, au Front de gauche ou au Front national pour être révolté.
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