« MÊME SI je n’ai pas trop mal vécu l’inspection, c’est un moment stressant. Si un jour je suis titulaire, ce sera pire encore », affirme Karine Pansiot, adjointe à Dijon et conseillère titulaire Bourgogne au conseil central D de l’Ordre des pharmaciens.
L’inspection de fonctionnement, aucun pharmacien d’officine ne passe à travers au cours de sa carrière. Serge Caillier, ancien titulaire désormais adjoint à mi-temps, en a connu sept en vingt ans. Ce membre du bureau du conseil central D de l'Ordre national des pharmaciens note d’ailleurs que le caractère de l’inspection a beaucoup changé : « La première visite, qui date de 1987-1988, m’a évidemment marqué. Il y avait beaucoup moins de points de contrôles que maintenant. Néanmoins, les inspections d’aujourd’hui sont beaucoup plus conviviales et pédagogiques ». Toujours en règle, les inspections suivantes lui laissent peu de souvenirs. Jusqu’à la dernière. Il est alors adjoint et remplace la titulaire, en vacances. « Cette inspection faisait suite à une dénonciation. L’inspecteur a hésité et a finalement effectué une visite classique. En l’absence du titulaire, c’est délicat. »
Pour Claude Rols, vice-président du Syndicat des pharmaciens inspecteurs de santé publique et pharmacien inspecteur à Montpellier, l’absence du titulaire n’est pas un problème. « On demande toujours à l’adjoint de lui signaler notre présence. Si cela lui est possible, il peut rejoindre son officine pour assister à l’inspection, mais s’il se trouve à des kilomètres de là, l’inspection se fait sans lui. Cela peut être mal ressenti mais à partir du moment où l’officine est ouverte au public et donc en capacité de fonctionner, elle est en capacité d’être inspectée. De plus, lorsque le titulaire s’absente pour une longue période, il doit faire une déclaration à l’inspection régionale de pharmacie. Malheureusement, par méconnaissance ou par omission, cette déclaration est peu effectuée. Si nous savons par avance que le titulaire est absent à la date de sa visite programmée, nous déplaçons délibérément l’inspection à un moment où il est présent. »
Démarche qualité.
Si certains documents sont manquants, comme un diplôme, ils peuvent être envoyés à l’Inspection régionale ultérieurement. Si l’inspection est menée sur un item qui nécessite la présence du titulaire, l’inspecteur prévoit de revenir à un autre moment. La plupart du temps, la présence d’un adjoint est suffisante.
« Selon l’organisation dans l’officine, il arrive fréquemment que l’adjoint ait à sa charge des domaines qui font partie des points de contrôle, dans ce cas c’est à lui que nous posons les questions afférentes », précise Pierre Labesse, pharmacien inspecteur à Toulouse et président de la Conférence des pharmaciens inspecteurs régionaux.
Karine Pansiot a eu la chance de ne pas être seule lors de sa première inspection en 2004. L’équipe était même au complet. « Je n’ai pas eu de contact direct avec l’inspecteur, si ce n’est lorsqu’il s’est présenté, qu’il a demandé à voir nos diplômes et qu’il a vérifié nos inscriptions à l’Ordre. » La visite a duré deux heures et semble s’être bien passée. Karine Pansiot n’avait pas à sa charge de missions particulières. Excepté son engagement dans la démarche qualité, mais cela au même titre que la titulaire. De même pour l’ensemble de l’équipe. « Chaque jour, nous désignons le chef de l’exploitation qui doit répartir le travail dans l’équipe. Nous travaillons donc à tous les postes, cela change régulièrement, mais personne n’est chargé d’une mission plus qu’un autre. »
Le bras droit du titulaire.
En 2008, Karine Pansiot a reçu une seconde visite de l’inspecteur. Cette fois, elle était prévenue, la titulaire ayant accepté de participer à une démonstration. L’inspection régionale accueillait des pharmaciens inspecteurs serbes et souhaitait leur montrer comment se déroule une visite dans une officine française. « Nous avons fixé une date, les pharmaciens inspecteurs régional et départemental sont donc venus avec les inspecteurs serbes et leur traducteur, soit sept ou huit personnes. Je crois finalement que c’est pire lorsqu’on est prévenu de cette visite. » Pendant deux heures, ils ont examiné les dossiers de suivi des patients sous traitement de substitution, la gestion des alertes sanitaires, des périmés, de la chaîne du froid, du préparatoire, etc.
« En région Bourgogne, nous avons eu des modules avec le pharmacien inspecteur pour chacun des quatre départements. Ces modules consistent à présenter comment se déroule une inspection, à résumer tout ce qu’il faut être capable de présenter et les domaines que nous devons connaître. Cela nous aide finalement à faire le tri entre l’essentiel et le superflu, car les points de contrôle évoluent, la réglementation s’étoffe chaque année », souligne Karine Pansiot. Ainsi en est-il pour la démarche d’assurance-qualité puisque l’inspection exige désormais qu’un processus ait été lancé.
Finalement, y a t-il des domaines réservés à l’adjoint ? Pas réellement. « Tout dépend des tâches qui ont été préalablement définies par écrit et réparties entre les membres de l’équipe officinale. Il est courant de déléguer aux adjoints la tenue du registre des stupéfiants, des produits dérivés du sang, de l’ordonnancier, l’enregistrement des matières premières, etc. Avec la mise en place du libre accès, on peut parfaitement lui demander de veiller à ce que les médicaments exposés devant le comptoir correspondent à la liste définie par l’AFSSAPS. Il y a une multitude de tâches qui peuvent lui être déléguées, ce qui engage sa responsabilité et en fait le véritable bras droit du titulaire », explique Jérôme Parésys-Barbier, président du conseil central D de l’Ordre national des pharmaciens.
Des inspections chronophages.
Reste qu’il est difficile de prévoir la prochaine inspection de routine. De l’aveu même de Claude Rols, la périodicité entre deux visites peut aller de trois à dix ans. Tout dépend des régions, de la répartition des visites prévues entre les établissements médicaux et des imprévus. Car les pharmaciens inspecteurs régionaux sont également amenés à contrôler les hôpitaux, les cliniques, les laboratoires d’analyse, les établissements pénitentiaires, les cabinets vétérinaires, etc. Ils interviennent partout où des médicaments sont présents. Quant aux imprévus, il s’agit principalement des inspections sur dénonciation. Bien qu’elles soient généralement peu courantes, elles existent et peuvent être chronophages puisqu’il s’agit souvent d’une enquête.
« Le signalement effectué par un confrère est assez rare et s’adresse davantage à l’Ordre des pharmaciens qu’à l’Inspection régionale. Les patients mécontents se tournent autant vers nous que vers l’Ordre. Le signalement par un collaborateur concerne régulièrement l’absence de présence pharmaceutique. Les préparateurs dans cette situation font de l’exercice illégal de la pharmacie et endossent une responsabilité dont ils ne veulent pas. C’est très pénible pour eux, ils sont entre le marteau et l’enclume, le signalement sert alors de SOS. Quoi qu’il en soit, toute enquête sur signalement nous demande beaucoup de précautions. L’assurance maladie peut aussi nous demander d’intervenir sur un cas de facturations supposées délictueuses, avec le pharmacien conseil. Enfin, les autres professionnels de santé peuvent effectuer un signalement. »
Regard acéré.
Néanmoins, Claude Rols tient à dédramatiser l’inspection, remarquant que « l’immense majorité des pharmaciens inspecteurs a la volonté d’expliquer le motif de l’inspection et ses contours. Nous prenons le temps d’expliquer pourquoi nous sommes là, comment la visite va être réalisée, quelles seront les suites, etc. Dédramatiser est important car on ne conduit pas bien une inspection dans une situation conflictuelle ».
Si certaines régions continuent à effectuer des inspections de routine complètes, d’autres choisissent délibérément un thème, par exemple à l’année, permettant une rotation plus grande. L’inspecteur effectue toujours un contrôle de base (présence pharmaceutique, diplômes, inscriptions à l’Ordre…) mais focalise ensuite sur un item, quitte à jouer de son regard acéré pour effectuer un rapide tour d’horizon de l’officine.
Jérôme Parésys-Barbier souligne également l’importance de « démystifier l’inspection qui est avant tout un échange confraternel et l’occasion de s’améliorer, de bénéficier de conseils et d’un regard extérieur ». Et Claude Rols de compléter : « La plupart ne sont pas renvoyés devant la chambre disciplinaire de l’Ordre ou au pénal, au contraire. Si quelque chose ne va pas, c’est l’occasion d’aider le professionnel à se mettre en conformité ou au goût du jour d’une réglementation touffue et changeante. C’est ainsi qu’il faut voir l’inspection, une aide pour trouver des solutions. D’ailleurs, l’officinal ne doit pas hésiter à nous appeler s’il doute d’un point de réglementation ou se trouve face à un problème épineux, nous sommes là pour lui répondre ».
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