Au début, il y a des « espèces » et les classifications au XVIIIe siècle des naturalistes. C’est le temps de François Bernier (1625-1688), Carl Linné (1707-1778), Georges-Louis Leclerc de Buffon (1707-1788). Ce dernier est le plus connu. Il met l’homme dans son herbier et on ne verra rien de bien gênant dans l’établissement d’une taxinomie. Toutefois, Buffon est monogéniste : dans l’idéal, il n’y a pour lui qu’un seul type humain, parfait, d’où sortent des diversités ...dégénérescentes.
Tout ceci est à resituer dans les querelles entre les partisans du préformisme – Dieu a créé d’un seul coup une seule sorte d’homme – et ceux de l’épigenèse – les diversités viennent du milieu, du climat, de l’habitat. Buffon est de ceux-ci. Les voyageurs lui donnent raison.
L’un des grands marqueurs de cette histoire est l’anatomiste néerlandais Petrus Camper. Lui aussi veut inventorier l’espèce humaine. Il se fait craniologue et, armé de sa scie, trace une « ligne faciale » de profit « depuis l’avant de l’incisive jusqu’à la partie haute du front », un tracé qui va servir à classer, discriminer les êtres humains. Camper affirme qu’en inclinant la ligne faciale il obtient « une physionomie de Nègre et définitivement le profil d’un Singe, d’une Bécasse, à proportion que je fais incliner plus ou moins cette même ligne en arrière ».
Banalisation
Ce qu’établit avec clarté ce livre, qui nous promène de Russie à Haïti, c’est l’existence d’un processus qui ne se borne pas à décrire mais racialise l’autre en l’enfermant dans son anatomie, ce qui ne va pas sans une assignation normative. Par là, l’enfermement, l’exhibition et le meurtre sont justifiés « scientifiquement » et parfois même esthétiquement.
Forte est la tentation de faire jouer l’illusion rétrospective au travers de cette impressionnante étude. On voudra y lire l’éclosion assez rapide de concepts pseudo-scientifiques, qui mènent inexorablement de Bernier, Buffon et Linné aux deux abominations que sont la traite négrière et la Shoah.
L’ouvrage nous incite souvent à freiner sur la haine et le meurtre, mais, circonstances aggravantes, il révèle l’extraordinaire banalisation de la notion de race, par exemple chez Taine et Renan. Évoquant l’« Essai sur l’inégalité des races humaines » (1853-1855) d’Arthur de Gobineau, Carole Reynaud-Paligaud écrit que ce texte, utilisé par les Nazis, de par sa vision inégalitaire et hiérarchisante des races humaines, « ne fut guère original, mais largement partagé par la communauté intellectuelle de son temps ».
On déplorera l’utilisation permanente du terme « scientifique » pour décrire des thèses et des pratiques qui précisément ne le sont en rien.
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