LE GROUPEMENT pharmaceutique de l’Union européenne (GPEU) qui représente, à Bruxelles, les pharmaciens européens auprès des institutions de l’UE, n’a pas attendu pour réagir vivement aux projets de « Super Mario », comme le surnommaient autrefois les fonctionnaires de la Commission. John Chave, secrétaire général du GPEU, estime que la « déréglementation » italienne est « inutile, contreproductive et dangereuse ». Il critique en particulier la décision de M. Monti d’autoriser les parapharmacies et les supermarchés à vendre 3 800 médicaments soumis à prescription mais non remboursés, et jusque-là soumis au monopole. On y trouve des produits comme le Viagra, l’aciclovir et la lidocaïne, mais les magasins qui les vendront devront toutefois employer un pharmacien. « Il s’agit d’un cas unique en Europe, qui ne réglera aucun des problèmes de l’Italie, mais déclenchera une guerre commerciale sur les médicaments qui nuira à la santé de toute la population », déplore le GPEU.
Si l’on regarde de plus près la carrière de M. Monti à la Commission, on constate que son plan actuel s’inscrit dans la parfaite logique de son action politique, marquée par une confiance infaillible dans le libéralisme. En 2002, il est à l’origine d’une étude lancée par la Commission sur les professions libérales, qui relève en particulier le manque de concurrence et les prix excessifs pratiqués par six professions réglementées, à savoir les avocats, les notaires, les ingénieurs-conseils, les architectes, les comptables et les pharmaciens. L’étude, publiée un an plus tard, souligne l’importance et le poids des professions libérales dans l’économie européenne et considère que leur « déréglementation » partielle ou totale ferait baisser leurs prix, entraînant donc une augmentation de leur activité qui bénéficierait aux citoyens et à la croissance économique*. En ce qui concerne les pharmaciens, elle ne s’attaque pas aux « prix imposés ou recommandés » qu’elle reproche aux autres professions, mais déplore « des règles de publicité trop restrictive » et, surtout, « des conditions d’accès et des droits d’exercice réservés ».
En 2004, puis en 2005, la Commission invite les États membres à remédier à ces « entraves à la concurrence », au nom des articles 81 et 82 du traité européen, qui visent à empêcher les mesures incompatibles avec le principe de concurrence ainsi que les positions dominantes. On connaît la suite : Mario Monti quitte la Commission en 2004, mais son successeur au marché Intérieur, l’Irlandais Charly McCreevy, n’aura de cesse que de tenter de briser les règles particulières de ces professions, et notamment celles des pharmaciens. Toutefois, au lieu de poursuivre cet objectif par la voie politique et législative, il choisit la voie juridique en lançant, à partir de 2005, plusieurs procédures d’infraction contre des pays qui, selon lui, ne respectent pas les règles européennes sur la liberté d’installation. L’Italie, premier pays visé, sera aussi le premier payé jugé, en 2009 : la Cour de Justice européenne estimera alors que les lois sur la pharmacie, certes contraires aux principes européens, sont justifiées car elles servent d’abord à protéger la santé des populations. L’arrêt sur l’Italie entraînera, logiquement, l’abandon des plaintes comparables lancées contre six autres pays, dont la France.
Si les pharmaciens européens s’étaient bien sûr félicités de ces arrêts, certains d’entre eux, notamment au sein du GPEU, avaient redouté que « la Commission tente à nouveau, par voie législative, ce qu’elle n’avait pu obtenir par la voie judiciaire ». La décision de M. Monti, qui ne concerne certes que l’Italie, est une parfaite illustration de cette idée, et pourrait un jour faire tache d’huile dans d’autres pays. La Commission recommande d’ailleurs toujours à la Grèce et au Portugal, les deux pays les plus endettés de l’Euroland, de libéraliser leurs pharmacies pour donner de l’air à leur économie : y verra-t-on un jour d’anciens eurocrates y appliquer les mêmes recettes que celles concoctées par les cantines bruxelloises ?
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