« J’ai eu beaucoup de chance, j’ai réussi à trouver rapidement du travail, déclare Mickaël Groult, diplômé en juin 2010. J’ai commencé par des remplacements de longue durée, dans le Calvados, l’un de cinq mois et l’autre de trois mois, dans deux pharmacies différentes. J’ai ensuite décroché un CDI dans une autre pharmacie, il y a deux mois. » Ex-président de l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF), en 2009, il reconnaît que les nombreux contacts noués lors de ses précédentes fonctions associatives l’ont bien aidé, grâce au bouche-à-oreille. Il travaille désormais dans une officine à Deauville. « Mon intégration a été plutôt facile, on m’a confié des tâches petit à petit », explique Mickaël. Il a de bonnes relations avec ses titulaires et s’estime « écouté et pris en considération. Ce n’était pas toujours le cas lors des remplacements que j’ai eu l’occasion de faire, donc c’est vraiment appréciable ».
Pour ses anciens camarades de l’ANEPF, Raphaël Giglioti et Thomas Guerreau, également diplômés en 2010, les débuts ont été tout aussi satisfaisants. « J’ai commencé par un remplacement de deux mois à Nice, dans une pharmacie que je connaissais bien pour y avoir travaillé pendant mes études, raconte Raphaël. Après ma thèse, lorsque j’ai appris qu’un poste d’adjoint en CDI à temps plein se libérait dans la pharmacie à Nice, j’ai saisi l’occasion. » Le plus difficile pour lui a été de faire ses preuves par rapport à l’équipe. « J’ai travaillé pour la première fois dans cette officine en fin de 2e année et maintenant je suis pharmacien adjoint. Je ne suis plus l’étudiant qu’ils ont connu, je n’ai pas les mêmes responsabilités, note Raphaël. Il faut un peu de temps pour qu’ils s’y habituent ». Le jeune homme a commencé dès son arrivée à s’intéresser au dépistage cardio-vasculaire à l’officine, mis en place par le collectif des groupements. « Nous réfléchissons aux nouveautés que nous pouvons apporter à l’officine, c’est intéressant », apprécie-t-il. Autre aspect qui l’a séduit : « J’ai un projet d’association avec les titulaires, ce qui m’aiderait à m’installer. Je suis très content d’avoir cette possibilité d’évolution, car il est très courant que des adjoints se sentent piégés à la sortie de leurs études, quand ils s’aperçoivent qu’ils ne peuvent pas évoluer. »
Cette sensation d’être bloqué dans son évolution, Thomas Guerreau ne la ressent pas pour le moment. De son côté, il se déclare satisfait de son poste de pharmacien adjoint. « Je ne veux pas m’installer, le train de vie que j’ai actuellement me convient très bien, confie-t-il. Je suis en CDI à temps partiel, 28 heures par semaine, depuis trois mois. Cela me permet de continuer mes activités dans le secteur associatif, ce qui me tient particulièrement à cœur. Je fais notamment partie du collectif des maîtres de stage. À terme, je me verrai bien donner des cours à la faculté. Mais pour le moment j’ai envie de prendre mon temps, de profiter de la chance d’avoir un travail fixe, des loisirs et de faire du sport. »
Désillusions
Malheureusement, d’autres adjoints n’ont pas eu des débuts aussi roses. Karim*, 30 ans, diplômé en 2008, a constaté un énorme fossé entre la théorie apprise à l’université et la pratique sur le terrain. « Pendant mon stage de 6 mois, à la fin de mes études, j’avais déjà constaté ce décalage, explique-t-il. J’effectuais le même travail qu’un pharmacien, mais pour seulement 400 € par mois de dédommagement. J’avais l’impression d’être du personnel au rabais. De plus, j’ai dû faire deux semaines supplémentaires dans cette officine après le stage, pour rattraper mes absences dues aux examens. Et pendant ce temps, les titulaires étaient partis en vacances en me laissant seul à l’officine ! » Après avoir commencé sa carrière d’adjoint par des remplacements, il a été embauché par une jeune titulaire qui venait de s’installer pour la première fois « Elle galérait et moi aussi, résume-t-il. Malgré cela, ce fut pour moi une année plutôt agréable, car elle avait une véritable considération pour les pharmaciens et une vision du travail au niveau scientifique. » En revanche, lorsqu’il a changé de pharmacie un an plus tard, Karim a déchanté à nouveau : « Le titulaire, âgé d’une soixantaine d’années, était rarement dans sa pharmacie, environ 15 heures par semaine. J’avais beaucoup de responsabilités, je devais me charger des préparateurs. Je me suis rendu compte que la pharmacie faisait des avances de médicaments sans prescription et revendait des médicaments non utilisés… C’était scandaleux. Et pourtant l’officine marchait du tonnerre ! » Au bout d’un an, Karim a demandé une rupture de contrat à l’amiable et s’est retrouvé au chômage. « Pendant nos études on nous dit que ça va être super, on met l’accent sur notre rôle de professionnel de santé, alors que, en réalité, en officine il faut que l’on "soigne" les gens pour le chiffre d’affaires », constate-t-il, amer. Dégoûté, Karim a finalement changé de voie : « Désormais, je travaille à l’hôpital et je ne veux pas retourner dans le milieu de l’officine », déclare-t-il.
Pour Nicolas*, jeune diplômé, la désillusion a également été très forte. « Avant de passer ma thèse, j’ai travaillé dans une officine, pendant 4 mois à temps plein au coefficient 400 », raconte-t-il. Ensuite, le titulaire a souhaité embaucher un adjoint à mi-temps, un poste qui ne convenait pas à Nicolas. « Je ne pouvais pas rester à temps partiel pour toucher seulement 900 euros par mois, explique-t-il. De plus, il m’était impossible de cumuler 2 mi-temps, car les emplois du temps sont toujours les mêmes : il faut être présent les jeudi, vendredi et samedi. Enfin, mon employeur a essayé de me flouer et de ne pas me payer mes primes de précarité et mes congés payés ! ». Depuis trois mois, le jeune assistant est au chômage. « J’ai effectué de petits remplacements d’une semaine par-ci par-là, en officine ou chez un répartiteur. J’ai fait le tour de nombreuses pharmacies pour déposer mon CV, je suis allé à dans les cliniques… Pas de boulot ! s’exclame-t-il. Je suis en train d’écrire des lettres de motivation pour la grande distribution et de réfléchir à une réorientation en industrie, mais pour cela il faudrait que je fasse un master… » Nicolas dresse un bilan plutôt morose de sa situation et de celle des adjoints : « Je me retrouve bac +6 et au chômage, dans une branche qui devrait normalement ne pas connaître la crise si on était plus soudés et moins bêtes », ironise-t-il.
Un décalage entre faculté et monde du travail
Cassandre Mercier, de son côté, a connu des débuts plus sereins. « J’ai été diplômée en juin 2004 et embauchée en juillet 2004, dans une officine où je travaille toujours, témoigne-t-elle. J’ai eu la chance d’avoir une titulaire qui avait elle-même été assistante pendant vingt ans et qui connaissait bien les points négatifs du métier. Elle m’a fait confiance et m’a donné rapidement des responsabilités, tout en me laissant une grande autonomie. » Assistante depuis sept ans, elle s’entend très bien avec sa titulaire ainsi qu’avec la préparatrice, et n’a « jamais songé à chercher ailleurs ». Avec le recul, elle juge que le plus difficile lors de ses premiers pas en officine a été de s’apercevoir de ses lacunes. « Quand on sort de la fac, on a l’impression de tout savoir et on ne se rend pas compte des responsabilités que l’on a en tant qu’adjoint, ni de la difficulté du métier. Rétrospectivement, cela m’effraie de me dire que je n’ai peut-être pas été assez vigilante sur certains points auxquels je suis plus attentive maintenant. Heureusement, je n’ai jamais eu de problèmes ! »
Bien qu’elle apprécie son poste d’adjointe, Cassandre avoue cependant avoir « un peu peur pour l’évolution de la profession ». « Lorsque je suis sortie de la fac il y a sept ans, il commençait à devenir difficile de trouver un emploi. Désormais, à Nantes, là où je suis actuellement, il n’y a vraiment plus de travail. Avoir fait 6 ans d’études pour ne pas trouver d’emploi, c’est dommage », se désole-t-elle.
Cette progression du chômage des adjoints, Martine*, assistante depuis 10 ans, l’a constatée également. « Lorsque j’ai été diplômée, en 2001, on trouvait beaucoup d’annonces de titulaires cherchant un adjoint sur le site de l’OCP. À présent c’est l’inverse : pour une annonce de titulaire on peut trouver une centaine de candidatures d’adjoints », observe-t-elle. Le décalage entre la faculté et le monde du travail lui a également sauté aux yeux. « Lorsqu’on sort de la fac, on a le côté "santé" dans la tête, mais beaucoup de pharmaciens pensent que leur métier est avant tout de faire du commerce. » Comme Karim ou Nicolas, elle aussi a connu quelques expériences malheureuses à ses débuts. « Lors de mon premier CDI, dans une petite officine de campagne, la titulaire n’était jamais présente, se souvient-elle. Un jour, j’ai vu passer sur son fax le compromis de vente de la pharmacie, dans lequel je ne figurais pas. Je l’ai appelée pour lui demander des explications et elle m’a menti en m’assurant que ce n’était pas vrai. J’étais en période d’essai, je suis donc partie du jour au lendemain. La pharmacie a bien été vendue… » Puis, lors de son premier CDI de longue durée, elle avoue s’être « fait avoir au niveau des heures ». « Les titulaires m’avaient embauchée en contrat à temps partiel, lissé : je travaillais 25 heures en semaine et 50 heures quand les titulaires étaient en vacances. Bien sûr, je n’ai jamais été payée pour mes heures supplémentaires, puisque mon contrat était lissé… »
Pour elle, les adjoints qui débutent connaissent souvent très peu leurs droits, ainsi que la convention collective, ce qui peut leur porter préjudice face à des titulaires peu scrupuleux. « Nous n’étudions pas le droit du travail à la fac, regrette-t-elle. Si je devais recommencer mes premiers pas d’adjointe, je me renseignerais plus sur les contrats de travail et je choisirais une officine où le titulaire est présent, sinon il est impossible d’apprendre quoi que ce soit. »
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