Sur un marché de 1,380 milliard d'euros en valeur prix d'achat grossiste*, la part des médicaments sur prescription obligatoire délivrés sans ordonnance, ou dont l'ordonnance est fournie en même temps ou après la délivrance, représente près de 1,1 milliard d'euros. Autrement dit, la majorité des médicaments vétérinaires est délivrée en toute illégalité.
Ce marché est largement préempté par les vétérinaires, ce qui leur fait endosser la plupart des délivrances illicites (996 millions d'euros). Pour en avoir le cœur net, l'Association nationale de la pharmacie vétérinaire d'officine (ANPVO) a demandé au cabinet Ajilon Consulting (groupe Adecco) d'enquêter**. Les vétérinaires délivrent 85 % des médicaments qu'ils prescrivent aux animaux de rente, un taux qui monte à 89 % lorsqu'il s'agit d'animaux de compagnie. La part du pharmacien est respectivement de 2,4 % et 1 %, alors qu'il est le premier ayant droit de la délivrance du médicament. Or, chez les vétérinaires, 98 % des délivrances pour des animaux de rente et 97 % pour les animaux de compagnie, « s'opèrent avec entrave au libre choix du dispensateur », note Jacky Maillet, président de l'ANPVO.
Rappel à la loi
L'enquête ne cache pas pour autant les mauvaises pratiques de certains pharmaciens, puisque 29 % (animaux de rente) et 39 % (animaux de compagnie) des délivrances de médicaments sur prescription « s'opèrent sans ordonnance ». Néanmoins, Jacky Maillet souligne que la part de marché concernée est très faible (2,06 %) et que cette délivrance sans ordonnance est induite par la non-remise de l'ordonnance avant délivrance par les vétérinaires. L'enquête révèle que les vétérinaires délivrent les médicaments prescrits dans 92 % (animaux de rente) et 80 % (animaux de compagnie) des cas en même temps qu'ils remettent l'ordonnance au propriétaire des animaux. Dans 2 % (animaux de rente) et 11 % (animaux de compagnie) des cas, la délivrance est effectuée sans ordonnance. Enfin, dans 4 % (animaux de rente) et 6 % (animaux de compagnie), l'ordonnance est remise après la délivrance. Au final, seulement 2 à 3 % des délivrances sont réalisées dans le respect de la loi. « Les vétérinaires délivrent en valeur 2,5 fois plus de médicaments prescrits sans ordonnance que les pharmaciens », s'alarme Jacky Maillet. En outre, 14 % des délivrances de médicaments sur prescription pour les animaux de compagnie sont réalisées par des vétérinaires qui tiennent « officine ouverte », donc sans examen de l'animal.
Si ces pratiques hors la loi sont consignées dans le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) de décembre 2015, l'enquête de l'ANPVO donne pour la première fois des données chiffrées. Les rappels à la loi des Ordres des vétérinaires et des pharmaciens en 2012 n'ont pas été suivis d'effet. L'association a interpellé la direction générale de la santé et la direction générale de l'alimentation en juin 2016, mais reste sans réponse à ce jour. Forte de cette enquête, elle compte s'adresser aux pouvoirs publics pour que s'applique enfin la remise d'une ordonnance avant la délivrance et sans condition, dans tous les cabinets vétérinaires.
* Chiffres de l'Association interprofessionnelle d'étude du médicament vétérinaire (AIEMV) pour l'exercice 2015.
** Enquête menée en avril et mai 2016 auprès de 500 éleveurs (70 % bovins, 12 % porcins, 10 % volailles, 5 % ovins, 3 % équins) et 500 propriétaires d'animaux de compagnie (56 % chiens, 42 % chats, 2 % autres).
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