Deux types de missions se présentent aux pharmaciens volontaires en Service départemental d'incendie et de secours (SDIS) : celle fonctionnelle – et plus traditionnelle — en pharmacie à usage intérieur qui consiste à commander, gérer les produits, conditionner les kits pour les équipes, et celle, opérationnelle, qui implique le pharmacien sur les champs d’intervention.
Pompiers multifaces
Dans le premier cas, le pharmacien assure sa permanence selon un calendrier préétabli, pendant le week-end ou ses jours de congé. Des conditions de travail qui se rapprochent de celles de l’officine, comme le constate Suzanne Marrot, adjointe à L’Union, dans la Haute-Garonne, et pharmacienne sapeur-pompier depuis 1989 au SDIS du département. « Nous avons beaucoup de gestion, il faut vérifier les dates de péremption, et préparer les sacs des postes de secours avec des pansements, des sérums phy, des pansements froids pour ceux qui combattent le feu, des colyres aussi », décrit l’adjointe, ajoutant qu’il n’est pas rare que son SDIS prête mains fortes à ceux de la côte, l’été, lorsque les feux de forêt se multiplient.
D’autres pharmaciens ne résistent pas à l’attrait de l’action. Vivien Veyrat, adjoint à Mantes-la-Jolie et pharmacien commandant à l’Unité Biomédicale du SDIS 78 (Yvelines) apprécie la diversité de ses interventions. « Cela peut aller de l’incendie, bien entendu, au secours animalier, en passant par une opération de plongeurs », décrit-il.
À chaque fois, il a le sentiment d'apporter des compétences de professionnels de santé. Il a d’ailleurs choisi de prolonger ses connaissances par un diplôme universitaire spécifique. Il intervient désormais plus particulièrement sur les risques toxicologiques, biochimiques, ou encore lors de crises aiguës de pollution aquatique par hydrocarbure, par exemple. « Je n’aurais jamais cru que ce que j’avais appris à la fac de pharmacie me servirait à nouveau. Nos études nous donnent une ouverture fantastique », se félicite-t-il. Le pharmacien est donc attendu pour trouver ses solutions dans l’urgence face à des mélanges de produits toxiques, pour arrêter une réaction chimique, ou encore pour intervenir dans une piscine où trois fois trop de chlore aura été déversé…
Certains adjoints n’utilisent pas leur diplôme et préfèrent rester simple sapeur-pompier. François Bachert, en Alsace, a appris à protéger les personnes et les biens dans des situations variées : incendies, mais aussi événements climatiques comme les inondations, secours routiers… Dans ces cas, la théorie ne suffit pas, encore faut-il avoir les conditions physiques pour intervenir. « Davantage en tout cas que pour une PUI », ironise celui qui détient désormais une forme marathonienne.
Le niveau physique conditionne en effet l’intégration, comme l’a constaté Cyrielle Bizard, jeune adjointe à Châtenay-Malabry et caporale chez les sapeurs-pompiers. Certes, ses connaissances médicales l'ont aidée, notamment lors d'un accouchement à domicile ou quand deux adolescents se sont retrouvés coincés dans une habitation en feu, mais Cyrielle Bizard n’a pu faire l’économie d’un entraînement sportif. « Ne serait-ce que pour savoir sortir un mannequin de l’eau », ajoute-t-elle.
Valeur d’exemple
La fascination de ces adjoints pour les sapeurs-pompiers remonte parfois à l’enfance. « J’avais vu un reportage et cette idée ne m’a pas quittée. Dès que la pression de mes études s’est quelque peu relâchée, en cinquième année, je me suis engagée », se souvient Cyrielle Bizard. Suzanne Marrot a, quant à elle, été « enrôlée » par son pharmacien titulaire, lui-même engagé chez les pompiers : « À l’époque, nous préparions encore les commandes à la pharmacie et comme j’étais sensibilisée pour avoir fait du secourisme, cela a été naturel pour moi. »
L’exemplarité a également déclenché l’engagement de François Bachert, dont le frère médecin était déjà membre des sapeurs pompiers. Et c’est donc tout naturellement qu’il a dédié sa thèse à « La gestion du circuit des produits pharmaceutiques au sein d’un poste de secours avancé ».
Priorité à l’officine
Agissant dans un milieu connexe à celui de la santé, ces adjoints peuvent compter sur la compréhension de leur employeur. Ils n’en ménagent pas moins l’environnement officinal, conscients du caractère prioritaire de leur exercice professionnel. Cependant, les jours d’astreinte, il n’est pas rare que le bip sonne dans l’officine de Vivien Veyrat. Il a cinq minutes pour répondre. « On ne peut d’ailleurs être d'astreinte sans être programmé. Aussi, dans ces cas-là, mon titulaire veille à ce qu’un autre adjoint soit présent à l’officine », explique le pharmacien commandant*. « Mon employeur connaît mon activité et lorsqu’il sait que je suis d’astreinte, il veille à ne pas décaler les congés », déclare pour sa part Suzanne Marrot qui « bloque sa demi-journée au SDIS en fonction de ses jours de repos ».
En retour, en cas d’absence imprévue d’un collègue à l’officine, les pompiers savent se montrer compréhensifs. Ne pas pénaliser l’officine ni le titulaire par l’activité de sapeur-pompier est également le principe de Cyrielle Bizard. La jeune pharmacienne intervient donc pendant ses jours de repos, effectue des gardes de douze heures à la caserne, et ce au moins 48 heures par mois, dont 24 heures obligatoires en week-end.
À 31 ans, elle reconnaît que sa passion empiète quelque peu sur ses loisirs. Mais elle ne transige pas, en revanche, sur son emploi à l'officine, « je n'accepte jamais une astreinte de nuit lorsque je travaille le lendemain ».
Gagnant-gagnant
Alors que 80 % des interventions concernent le secours aux personnes, les pharmaciens ne peuvent pas faire abstraction de leurs compétences. Ils sont même appréciés par leurs collègues pompiers pour cette plus-value. Mais marquer son territoire avec son seul diplôme ne suffit pas. Encore faut-il faire ses preuves. « L’image du pharmacien de PUI colle à la peau. On nous considère dans notre tour d’ivoire, fixé sur le budget et la fonction achats, le Code de la santé publique, le bon usage du médicament. À nous de démontrer que nous savons aussi calculer un PH », déclare Vivien Veyrat. Une fois accepté, le pharmacien pompier est alors reconnu pour sa double casquette. « Si les autres pompiers savent apprécier un risque chimique en tant que techniciens, je peux appréhender l’analyse toxicologique, communiquer avec le médecin du centre antipoison dont je partage la culture médicale », expose-t-il.
François Bachert constate que son diplôme rassure ses collègues. « J’ai une expertise liée à la maladie, ce qui leur permet de se reposer sur moi, aussi bien pour les victimes que pour eux-mêmes, en cas d’accident », décrit le pompier également formateur au premier secours. Juste retour des choses, ces pompiers volontaires proposent des formations de secourisme à l’officine très appréciées. « Ma titulaire est contente que je sois là quand des urgences se présentent à la pharmacie », constate Cyrielle Bizard dont l’expérience de pompiers a par ailleurs amélioré, affirme-t-elle, les connaissances cliniques.
Le lieutenant Bachert déclare que son service de pompier a changé son regard au comptoir. « Les interventions à domicile m’ont fait prendre conscience de la détresse sociale dans laquelle peuvent se trouver certaines personnes, âgées, isolées, par exemple, et des risques qu’elles encourent », reconnaît-il. Une meilleure connaissance mutuelle puisque dans son village de Westhoffen, en Alsace, l’engagement du pharmacien est connu. Il n’est d’ailleurs pas rare que, en cas d’urgence, les habitants se précipitent à l’officine avant de penser à composer le 18 !
*La rémunération de l'adjoint est suspendue le temps de l'intervention. Il perçoit une indemnité compensatoire par les sapeurs-pompiers.
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