OPÉRATION séduction. À l’occasion de sa convention santé, l’UMP (Union pour un mouvement populaire) avait décidé de mettre les petits plats dans les grands. Pendant près de trois heures, poids lourds du parti présidentiel et autres experts du monde de la santé se sont ainsi succédé à la tribune pour louer le système français de santé. « Notre système de soins est performant », a ainsi déclaré, d’emblée, le président de l’UMP, Jean-François Copé. Pour preuve : « Notre espérance de vie est la plus importante d’Europe et notre mortalité infantile bénéficie de l’un des taux les plus bas. » Une performance due à « la qualité des professionnels de santé qui œuvrent au quotidien au bien-être des patients ».
Mais si tous, ou presque, - médecins, dentistes, sages-femmes, pharmaciens, infirmiers, kinésithérapeutes… - ont été mentionnés, les médecins uniquement ont pu accéder à la tribune, aux côtés de la secrétaire d’État à la Santé, Nora Berra. Seul Jean-Charles Desmoutis, président de l’Ordre régional des pharmaciens, a eu l’occasion de s’exprimer quelques instants au nom des pharmaciens. Mais sans pouvoir proposer la moindre évolution. Car les médecins étaient, bel et bien, la priorité de l’UMP. Un signe manifeste de l’intérêt que le parti présidentiel porte à un électorat froissé et contestataire depuis le vote et l’entrée en vigueur de la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST).
Poursuivre dans la continuité.
Pas question pour autant de tout changer. Les quarante-cinq propositions, qui sont d’ores et déjà inscrites dans le projet de l’UMP pour 2012 « reflètent le prolongement des réformes engagées depuis cinq ans », explique ainsi le Dr Philippe Juvin, député européen et chef des urgences de l’hôpital Beaujon de Clichy (Hauts-de-Seine). Le parti présidentiel entend donc poursuivre dans la continuité et capitaliser sur « la réforme structurelle qui a été engagée au cours du premier quinquennat et permettre aux professionnels de santé comme aux patients d’en récolter les fruits », a d’ailleurs expliqué Jean-François Copé.
Rien d’étonnant, dès lors, à ce que les six axes autour desquels s’articule le projet UMP – garantir l’accessibilité financière et géographique aux soins, redonner des perspectives aux professionnels de santé, promouvoir le « juste soin » au service d’une santé humaine, mettre la prévention au cœur de la politique de santé publique, assurer la pérennité financière du système de santé, faire de la santé un levier de croissance et d’emploi – soient médico centrés.
Ainsi, afin de répondre aux besoins futurs des patients, aux aspirations des professionnels, aux exigences des techniques nouvelles et à l’évolution des politiques de santé, l’accent sera mis sur « la coordination interprofessionnelle qui sera au cœur de l’exercice des futurs praticiens ». En clair, la délégation de tâches sera organisée à l’initiative des médecins. De même les métiers intermédiaires qui pourraient constituer d’éventuelles passerelles entre les professions de santé ne concernent-ils que les paramédicaux ; les médecins bénéficiant de leurs propres passerelles… entre spécialités médicales.
Quant à la lutte contre la désertification sanitaire, elle ne vise qu’à remédier aux déserts médicaux et ne prend aucunement en compte la présence d’une officine pour « lutter contre l’isolement des praticiens ». Le projet de l’UMP réaffirme certes « l’importance du maillage territorial des officines de pharmacie » et la nécessité d’utiliser davantage les pharmaciens dans le parcours de soins. Mais aucune précision n’est apportée sur les moyens à mettre en œuvre pour « concrétiser l’affirmation de nouvelles missions des pharmaciens en matière d’éducation, de prévention et de premier recours ».
Lucien Bennatan, président du groupe PHR, présent à cette convention, regrette ainsi qu’« une éventuelle prescription pharmaceutique n’ait même pas été évoquée ». Alors même que la possibilité de passer devant le pharmacien, avant le médecin généraliste, en cas de pathologie aigu, aurait permis une réelle avancée, ce sont encore une fois « les mêmes vieilles recettes qui sont proposées », déplore-t-il.
Autre raison du ressentiment du président de PHR : l’absence de moyens pour lutter contre le gaspillage. Reprenant à son compte les conclusions d’un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), de 2005, consacré « au dispositif de recyclage des médicaments », l’UMP, à travers Philippe Juvin, admet pourtant que, dans l’optique de lutter contre le gaspillage, « l’optimisation du conditionnement des médicaments doit être repensée en concertation avec les pharmaciens, les prescripteurs et les représentants de patients ». Aucune mesure concrète n’a cependant été proposée pour adapter les conditionnements à la durée des traitements.
Au final, sur les quarante-cinq propositions, la majorité concerne les médecins, une partie importante est dédiée à l’hôpital et une portion congrue est destinée à l’officine. Pire, aucun détail n’est apporté dès lors que les pharmaciens sont concernés. La politique du générique en est un vivant exemple, puisque l’UMP propose, sans autre détail, que « le Comité économique des produits de santé (CEPS) révise de manière plus dynamique les prix des médicaments génériques avec les industriels, les grossistes répartiteurs et les pharmaciens ». Comment ? Mystère ! Seule certitude : « des mécanismes d’incitation à la négociation des prix des médicaments génériques seront mis en place au niveau des pharmaciens. » À charge pour les officinaux de négocier « un prix des médicaments génériques inférieur au prix de remboursement auprès de leurs fournisseurs » ; le bénéfice de cette négociation étant ensuite partagé entre le pharmacien et l’assurance-maladie.
Ces 45 propositions « sont des pistes de réflexion pour le projet présidentiel 2012 et ne sont donc ni exhaustives ni définitives », a certes conclu Philippe Juvin. Mais l’absence de prise en compte de la pharmacie est tellement criante qu’il est permis de douter d’une inversion de tendance. Revisiter le parcours de soin et instaurer une consultation annuelle de prévention pour tout citoyen, auraient pourtant trouvé toute leur place dans un programme que Jean-François Copé a souhaité placer sous le signe de « la responsabilité et de la vérité. »
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